Ma Vie de geisha, Mineko Iwasaki

Ma vie de Geisha, Mineko Iwasaki, éditions Le livre de poche, 2006, 348 pages

genre : autobiographie

Thèmes : geisha, Japon, rituels, geiko, traditions, femmes, enfance

Traduit par Isabelle Chapman

 

L'auteur en quelques mots ...

 

Née sous le nom de Masako Tanaka, cette ancienne geiko était la plus célèbre geisha du Japon jusqu'à ce qu'elle prenne sa retraite, à l'âge de 29 ans. C'est cette période, de l'enfance à 29 ans, qu'elle rapporte dans ce récit.

Son histoire a également servi de base au roman de Arthur Golden, Mémoires d'une geisha

 

L'histoire :

"Dans mon pays, le Japon, il existe des quartiers consacrés aux arts du divertissement et au plaisir esthétique, où vivent et travaillent des artistes à la formation d'une impeccable rigueur . On les appelle des karyukai.

Karyukai signifie " monde des fleurs et des saules", car si la geisha est une fleur parmi les fleurs, elle possède aussi la grâce, la souplesse et la force d'un saule."

Masako est une petite fille épanoui de quatre ans lorsque Mme Oïma la repère et souhaite, comme ses soeurs avant elle, la faire entrer dans son okiya. Pourtant, contrairement à ses soeurs, Masako est pressentie pour devenir l'héritière de la maison, une atotori. Très attachée à ses parents avec lesquels elle vit une relation épanouissante, elle se réfugie dans cet univers et refuse de partir. Il faudra beaucoup de patience à Mme Oïma pour la convaincre.

En attendant, Masako est régulièrement invitée à l'okiya et ce qu'elle découvre la surprend et la fascine tout à la fois. Elle qui ignorait qu'elle avait des soeurs ainées qui étaient déjà partis lorsque leurs parents eurent besoin d'argent, se trouve confrontée à l'amertume de Yaeko, aujourd'hui mère de deux garçons, qui nourrit une haine féroce envers leurs parents.

C'est sa passion pour la danse qui poussera Masako, renommée Mineko à l'okiya, à accepter de quitter définitivement ses parents, coupant ainsi tout lien avec eux ,mais forte de leur amour inconditionnel.Une épreuve qui accentuera son émotivité.

On découvre alors une petite fille déterminée, au fort caractère, qui travaille sans relâche pour être la meilleure. De fait, elle sera une des geisha les plus appréciée, dans cette période où le Japon subit de profondes transformations.Depuis 1875 le gouvernement, soucieux de sa réputation et du regard des étrangers sur le pays, a promulgué un décret d'émancipation des geiko et des prostituées afin de lever les suspiscions d'esclavage. Le fait que geishas et prostituées soient associées dans ce décret, réduisit les premières à des plaisirs qu'elles ne consentaient pourtant pas, artistes à part entière, danseuses, musiciennes ...etc. Dès lors naquirent des associations de geikos afin de lutter contre cette image qui faisaient d'elles des esclaves.

L'excellence artistique étant sa priorité, Mineko devient une Iwasaki et perd son nom de naissance.

Au début des années 1970, le Japon se place en t^te sur la scène économique mondiale. Dès lors, le travail de Mineko et ses compagnes se tourne essentiellement vers des sommités internationales. Le monde en mutation fascine dès lors Mineko qui, grâce à un travail journalistique par lequel elle est conviée à présenter les traditions japonaises de Gio Kobu, entrevoit une autre vie..

En vrac et au fil des pages ...

 

Ayant déjà lu le magnifique Mémoires d'une Geisha d'Arthur Golden, j'ai eu envie de découvrir la femme qui l'avait inspiré. J'ai alors compris que Mineko Iwasaki avait écrit cette autobiographie en réaction contre ce livre justement, estimant qu'elle se devait de rétablir certaines vérités et regrettant de s'être ouverte à l'auteur. Arthur Golden insiste justement sur le fait que les geishas étaient tellement convoitées, que leur virginité était vendue au plus offrant. Or, Mineko rétablit ici sa vérité: les geikos sont des dames de compagnie avant tout, rompus aux arts tels la musique, la calligraphie ou la danse, expertes dans l'art de divertir et possédant des connaissances artistiques remarquables, qu'elles se doivent d'ailleurs de travailler tout au long de leur parcours.

Elle reprend donc ici les étapes, de son enfance à ses 28 ans, qui l'ont menée de petite fille adorée de ses parents à geiko puis geisha reconnue et adulée.

Ce qui m'a le plus touchée est la conscience qu'il existe une autre vie, un monde ouvert, en mutation, à côté de l'univers fermé et traditionnel des okiyas. Les geikos vivent en milieu clos et, bien qu'elles soient en lien constant avec la population et cotoient des personnalités, les rituels qui entourent et dirigent leur vie les enferment dans un monde à part.

Mineko Iwasaki explique à merveille comment ces traditions l'ont construite, ont formé sa personnalité, comment également sa soif de comprendre, d'apprendre et de découvrir, l'ont poussée à quitter ce métier alors qu'elle était au sommet de sa gloire.

Son histoire nous permet également de revenir sur l'histoire du Japon, de comprendre les traditions féodales qui ont fondé la vie des geishas, comment un malencontreux concours de circonstance a assimilé ces jeunes femmes à des esclaves alors qu'elles se revendiquent artistes et suivent une formation rigoureuse, loin des plaisirs simples ou sexuels que l'on voudrait leur prêter.

Mineko, à la forte personnalité, se révèle une femme d'affaire avisée, comprenant l’intérêt de posséder l'okiya jusque là louée, afin d'y faire les aménagements nécessaires.Peu à peu, sa décision de quitter ce métier prend forme et ouvrir un salon de beauté devient une priorité pour elle. Lorsqu'elle quittera l'okiya, elle sera suivie de dizaines de geikos pour qui elle constitua le déclencheur, la conscience que le monde subissait un changement et qu'il fallait saisir cette occasion pour entrer dans le XX°S.

 

 

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