Joyeux Noël, Alexandre Jardin
Joyeux Noël, Alexandre jardin, éditions Le Livre de poche, 2012, 249 pages
Genre : roman
Thèmes : aveux, Noël, famille, secrets
L'auteur en quelques mots ...
J'ai beaucoup lu Alexandre Jardin, plus jeune, avant de créer ce blog. puis j'ai abandonné pour le retrouver cette année avec Joyeux Noël. Je dois dire que le petit dossier final explique bien des choses et vaut le coup de redécouvrir cet auteur atypique.
Né en 1965 à Neuilly sur Seine, Alexandre Jardin est écrivain et cineaste. A 20 ans il écrit son premier roman, Bille en t^te, tout en poursuivant ses études à Sciences Po. En 1988 il reçoit le prix Femina pour son récit Le Zèbre, adapté au cinéma. Il réalise d'ailleurs lui-même Fanfan.
Investi dans le domaine associatif, il est à l'origine de la création de l'association Lire et faire lire avec le journaliste Pascal Guénée.
En 2002, il poursuit son engagement associatif avec la création de l'association Mille Mots pour laquelle des bénévoles retraités interviennent en prison. Il est également parrain de l'association Unis-Cité qui propose un service civil volontaire aux jeunes âgés entre 18 et 25 ans.
2011 constitue un tournant avec la publication de Des gens très bien qui remue le pasé pétainiste de son grand-père. Il s'interroge notamment sur son rôle lors de la rafle du Vélodrome d'Hiver en juillet 1942 et parvient ainsi à assumer les secrets de famille.
C'est un renouveau dans cette lignée que propose Joyeux Noël.
L'histoire
île de Sein
Après la publication Des gens très bien en 2011, Alexandre Jardin reçoit de multiples témoignages de lecteurs faisant état de secrets de famille bien gardés, de peines et de renaissances, rongés par des non-dits enfin avoués. Parmi ces lecteurs bienveillants qui se confient, Norma Diskredapl sera celle dont la famille, l'univers, va le plus interpeler l'auteur. C'est l'histoire de cette famille atypique qu'il reprend ici dans un témoignage romancé, réécrit. Une histoire proche de celle de sa famille "jardinesque".
"Tout commença il y a sept ans, par l'une de ces journées inespérées où la vérité saute à la gorge des familles." On enterre le grand-père Diskredapl. Du moins le croit-on car ce dernier, tapi dans son cercueil, feint d'être mort alors même qu'il espionne sa propre famille et les dernières paroles de ses proches. Mais tout dérape lorsque Norma prend la parole, révélant à tous le passé douteux de celui qui fut adulé et dont certains membres de la famille ont pris soin de gommer les faux pas.
" - Félicien a toujours admiré Hitler, précisa Norma dans la brume. Il en raffolait."
Voilà qui est dit avec toute l'assurance d'une jeune femme qui souhaite s'émanciper des mensonges sur lesquels son père Hyppolite a bâti la légende du grand-père puis la fortune du clan.
Que d'amour il faudra pour dépasser la haine que cette révélation va faire naitre...
En vrac et au fil des pages ...
J'ai retrouvé la plume fleurie et riche d'Alexandre Jardin comme je l'ai laissé voilà quelques années. Mais je note ici une volonté d'aller plus loin, à la fois dans l'écriture et sa propre vie. On pourra voir là un effet et une mascarade mais l'auteur a toujours été critiqué pour l'univers fantasque qu'il propose. Je regrette de ne pas avoir lu avant Des gens très bien et promets de rectifier cela car les révélations faites dans Joyeux Noël sont intrigantes et je me demande, en tant que lectrices , comment vont évoluer désormais les écrits d'Alexandre Jardin.
Ici il prévient d'emblée : l'histoire est inspirée d'un vrai témoignage mais tout cela sera fondu sous la plume de l'auteur et romancé donc. Pour autant on reconnait le désir de sincérité qu'il convoite tant et le témoin devient un personnage fascinant qui mène sa famille au bord du gouffre puis l'aide à remonter. L'histoire est forte, dure, difficile et nécessairement violente. On s'en étonnera, cela est parfois choquant comme lorsqu'Hyppolite s'en prend physiquement à sa fille. Pour ce récit il fallait un cadre dur lui aussi : une ile bretonne du côté de Sein, balayée par les vents apporte le décor sobre et rude.
Le livre comme une thérapie, c'est ici ce que propose Alexandre Jardin qui entreprend de suivre une nouvelle voie, celle de la vérité. Alors on pourra se dire que cela ne concerne que lui, que cela est un peu trop ( surtout le dossier final dans lequel l'auteur se met à nu, c'est le cas de le dire !) . Mais c'est le propre de cet auteur tant décrié ! Pour ma part j'apprécie de le lire, pas de l'écouter ( référence à une émission de M.Busnel sur France inter).