La journée de la culotte
Pour l’atelier d’écriture de ce lundi, Leiloona nous propose une photo originale et colorée. J’ai hâte de lire les écrits des copinautes inspirés. Retrouvez-les ICI.
Ah, ma petite fille !
Où est passée ma jeunesse et le rêve d’un corps éternel ?
Elles ont filé si vite ces années … Pourtant j’en ai profité. Oh oui, j’en ai profité !
Pour moi, pour Lui.
Ce corps je l’ai longtemps maudit. A l’âge où l’on porte de jolis dessous acidulés comme ceux que nous regardons en vitrine, mes jambes frêles et mes genoux cagneux me rappelaient que j’étais un garçon manqué. Puis mon corps a changé, sans moi, malgré moi, trop ceci, pas assez cela, préoccupations d’adolescente.
Les magazines regorgeaient dans les années 60, de dessous affriolants. Finies les gaines et autres accessoires de torture - ma mère m’avait raconté l’invention du Very Secret de Scandale dans les années 50, avec ses coussinets gonflables à volonté. Ces hommes ! Ces hommes ! mais quelle idée ? Et avant cela, un aviateur s’y était mis aussi, si, si. Howard Hugues il s’appelait et il venait d’inventer un soutien gorge à armatures qui rendait les seins pointus, tu te rends compte ? -Juste ciel ! J’ai échappé à cela !
En 1961 j’avais 17 ans et Wonderbra lançait son premier push-up. Je m’en souviens comme si c’était hier ma jolie. Aujourd’hui je regarde cela d’un autre oeil mais à l’époque et à mon âge, acheter en cachette un tel sous-vêtement et l’arborer fièrement, m’a valu un certaine fierté. Je dois dire que j’ai eu mon petit succès et Marie-Claire m’y a bien aidée.
Exit la gaine, celle-là même que je chéris aujourd’hui, tu te rends compte ?
Tu souris ma belle mais tu verras… La mode tourne et reviens à ses premières amours. Le grand retour de la lingerie gainante !
Et puis les hippies sont passées par là et j’ai ôté le haut plus souvent qu’à mon tour. Liberté !
C’est à cette époque que je l’ai connu, Lui. Pour lui plaire, j’ai résolument opté pour la mode, même si elle n’était ni pratique, ni confortable à mon goût. Guêpières, porte-jarretelles, Chantal Thomas est passée par là et a tout révolutionné au nom de la fantaisie. La femme fatale est apparue, attirante autant qu’impertinente.
Oui mais moi j’étais déjà maman. Mon corps changeait, me transportait, m’horripilait, m’étonnait. Pourtant j’ai fait partie de celles-là, oui, qui portent pour leur amour une lingerie raffinée, sexy à l’extrême, mais qui ne me correspondait pas. Que ne ferait-on par amour ? J’étais audacieuse.
Corsetez-vous ! Pigeonnez ! Tu penses ! Ficelée comme un rôti, je me suis perdue. L’image de la mère de famille en a pris un coup tu sais et je souffrais de n’être que cela. La femme idéale devait être active, mère et amante, femme d’affaires. C’est l’image que nous renvoyait la société. Quel credo ! Quel gâchis !
Alors tu vois, ce qui te semble être d’une mièvrerie affligeante, ces dessous en coton que nous regardons depuis tout à l’heure, pour moi c’est la liberté. J’ai osé le dire, enfiler la culotte de Bridget et me proclamer femme !
Ce n’était plus pour Lui, c’était pour moi ! Et quel bonheur ! Oui, quel bonheur !
Aujourd’hui une femme peut choisir le confort élégant ou la séduction et je ris de ce revirement, de cette simplicité qui me ressemble. Plus d’armatures et d’armures et IL est toujours là , tu vois, car il m’a suivie dans ce choix.
Alors vis ma petite fille et ne te laisse embrigader ni par un homme ni par la mode. Choisis ce qui te ressemble mais au quotidien sois toi-même, le satin ou le coton bio, le plus simple ou le plus beau et pourquoi pas, les culottes Petit Bâteau …