Une photo, des mots. Leiloona nous confie une photo en noir et blanc de Romaric Cazaux pour un atelier d'écriture qui devrait jeter un froid ;)

Mauvais regard

Leurs regards me transpercent. Je ne les supporte plus.

Chaque jour il faut affronter la haine. Le mépris s’étend comme une maladie contagieuse et nous rend responsable de tous les maux de la terre. Avons-nous seulement été respectés un jour dans ce pays ?

Oh bien sûr, des bavures, il y en a eu ! Notre histoire est lourde d’un fardeau que notre corporation s’est constitué toute seule. Mais il faut dire aussi qu’on nous assomme avec le bien commun, le pouvoir qui est le nôtre et ce rôle de justicier que l’on se doit d’assumer, sans faille. La pression est forte, trop forte.

Et ces regards …

Que l’un de nous fasse un faux pas ou perde les pédales et les médias s’emparent de l’événement. Notre image en a pris un coup et nous voici tous dans le même panier, à subir la rancœur des riverains. La plupart s’en fichent et poursuivent leur rituel : donut le matin, café à gogo et l’arme au côté, au cas où, juste au cas où … Mais un jour la tentation sera trop forte. Un mot de trop, le ton qui monte et l’effet de meute. L’un de nous dégainera, peut-être moi, et rejoindra la cohorte des sales flics qui tirent sur les innocents. Des innocents …pff !

Chaque jour leurs regards acérés …

Oui, peut-être bien que ce sera moi. Ou le gros Dany qui se la pète pour le moment, sûr de son bon droit, fier de l’uniforme. Comme s’il ne sentait pas le froid piquant de l’hiver celui-là. Toujours à sortir une vanne raciste, « histoire de rire hein, il faut bien qu’on plaisante sinon on en crèverait ! ».

Et nous voilà à faire le guet dans les rues, à rassurer les voisins, à nous montrer sous notre meilleur jour pour redorer le blason. Je me gèle tellement que s’il fallait agir, là, tout de suite, je ne suis pas sûr que j’en serais capable.

Bon dieu, si un autre passe encore en me regardant comme ça je ne réponds plus de rien …

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