Les paroles ordinaires

Leiloona nous convie à un atelier un peu particulier en ce lundi. Une photo reste le support mais elle nous confie aussi le thème. Un thème pas évident à traiter, difficile à digérer ...

Sur une photo de Marion, parlons du sexisme.

Le dégoût. La peur. Le froid. Ses mots me transpercent mais je ne peux m’empêcher de penser qu’IL a peut-être raison. Pourquoi ses paroles me touchent-elles autant ? Ce que cela fait naitre en moi est terrifiant.

Pourquoi aujourd’hui, alors que j’ai entendu de tels propos des dizaines de fois ? Parce qu’IL est jeune, qu’IL me regarde avec une suffisance qui dit son mépris, son envie, sa domination, ma soumission.

Ce que j’ai toléré de ses ainés, je ne le supporte pas chez lui. IL me fixe. Je sais que si je baisse les yeux IL se rengorgera d’une victoire facilement acquise. Je ne trouve pas les mots. Je n’ai plus de mots.

Comment exprimer mon malaise ? Est-ce que seulement j’en ai le droit ? Tout est devenu si banal, de l’ordre de la conversation ordinaire autour de la machine à café. Il aurait fallu réagir avant me dit-on. Il est trop tard, c’est ancré. Ce sont juste des mots. Détache-toi de tout ça, prend du recul. Nos mères ne s’en offusquaient pas, elles vivaient avec. IL ne changera pas, c’est tout lui…

La banalité me tue.

Et si …

Si c’était dans l’ordre des choses. Un héritage issu de générations de femmes soumises à l’homme, éduquées pour être l’ombre de quelqu’un, préparer le nid douillet, s’assurer qu’IL ne manque de rien, qu’IL peut travailler sans crainte de devoir en faire plus une fois rentré, qu’IL ne sera pas dérangé par les enfants.

Eduquées pour être l’ombre de quelqu’un …

Faire face, ne pas accepter. Je sais cela. Je sais ce qu’il faudrait faire, dire, mais rien ne vient. Je paie mon éducation, ma timidité, ma place de femme, mon rôle de mère. Je ne suis à ses yeux qu’une proie de plus, facile, consentante puisque muette.

Son sourire. Mon dieu, son sourire. Adoucisseur d’amertume, baume passé sur la plaie, rituel de domination. Il sait.

Le vide, comme un voile froid sur ma peau, m’enferme, m’enserre. Il épouse si bien mes formes que je me sens nue face à lui, fragile, vulnérable.

Lorsqu’IL tournera les talons il sera trop tard. Je repartirai avec mes doutes, mes peurs, mon dégoût de lui, de moi. Je reverrai inlassablement la scène, imaginerai une suite plus belle, plus forte. Une fin où je prendrais le dessus. Je deviendrai transparente. J’entendrai encore ses remarques, anodines, suaves, enrobées, piquantes, monstrueuses.

Ces paroles ordinaires.

 

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