Danser les ombres, Laurent Gaudé
Danser les ombres, Laurent Gaudé, éditions Actes sud, 2015, 249 pages
Genre : roman contemporain
Thèmes : Haiti, seisme, famille, pauvreté, ombres, morts, esprits
L'auteur en quelques mots ...
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L'histoire
2010. Dans les rues d'Haiti la chaleur fait rage. Accroupie derrière son échoppe, Lucineest la première à l'apercevoir, l'ombre, vêtue d'un sac de jute. "Loa", esprit vaudou, chacun rentre chez soi mais ce n'est pas eux que l'ombre vient chercher. C'est Antonine, la soeur cadette, qui est visée. Alors Lucine part pour annoncer le décès. Elle sait qu'elle ne reviendra pas et que si elle s'est proposée pour aller à Port au Prince c'est dans un but précis : aller voir celui qui a rejeté Antonine des années plustôt alors qu'elle était enceinte.
Firmin est chauffeur de taxi et ce soir il va faire l'expérience du retour du passé. Alors qu'il charge un passager et arpente les rues, il est glacé par ce regard dans le rétroviseur et il se souvient : l'odeur d'urine et de sang dans cette pièce sans fenêtre, la violence." Des ombres, partout, qui veulent te manger (...) Matrak! "
" Tout pouvait reprendre, en ce jour, pour chacun d'entre ceux qui allaient et venaient dans les rues de la ville et dont la vie, pour une raison ou une autre, s'était enlisée dans les difficultés (...) Mais d'un coup, sans que rien ne l'annonce, d'un coup, la terre, subitement, refusa d'être terre, immobile, et se mit à bouger..."
En vrac et au fil des pages ...
On retrouve ici la terre des superstitions, celle qu'affectionne l'auteur qui donne voix aux ombres, aux morts. Mais loin de ses autres récits, Laurent Gaudé introduit ici une note surréaliste et raconte avant de détruire. La vie de Lucine, Saul, Magloire, Thérèse, Matrak, nous apparait pauvre mais riche de relations, lourde d'un passé fait de non-dits, de mensonges, de choses qu'il a fallu cacher pour ne pas perdre la face ou ne pas devenir fou.
On n'entend pas comme d'habitude les voix, l'écho, l'aspect incantatoire ayant déserté le roman. c'est nouveau et c'est agréable même si cela donne un récit moins enlevé à mon sens. Laurent Gaudé est ici un conteur et l'on entend la voix d'Haiti dans les propos, les croyances.
L'instant le plus fort est bien entendu le seisme, traduit de façon presque poétique, sensations mises en avant comme si on le vivait de l'intérieur. C'est alors que vivants et morts se mêlent au milieu des décombres .
Mais l'on appréciera les données historiques qui nous renvoient durant quelques lignes à la lutte contre Aristide ainsi que la description soulignée du décalage entre riches et pauvres sur une terre de souffrances.
C'est un bel hommage au peuple haitien qui subit et se relève.