L'Homme qui ment, Marc Lavoine
L'Homme qui ment, Marc Lavoine, éditions Fayard, 2015, 190 pages
Genre : récit autobiographique
Thème : enfance, famille, fratrie, mensonge, politique, communisme
L'auteur en quelques mots ...
Né en 1962, Marc Lavoine est surtout connu pour ses talents de chanteur. J'apprécie cependant ses interprétations filmées. Son enfance est bercée par les goûts musicaux de ses parents, parmi lesquels le jazz, les Rolling Stones et Jacques Dutronc. Très vite le jeune homme sait quil est fait pour être un artiste. Passionné de comédie et de chant, il intègre une troupe de théâtre amateur à Paris en 1978. Il devient alors ouvreur à lOlympia et, sur les conseils de Patricia Coquatrix, décide de sessayer à la chanson. Après sêtre fait connaître du grand public dès 1981 avec son rôle dans la série « Pause-Café », il rencontre ses premiers grands succès dans la musique. Avec « Pour une biguine avec toi » et « Les yeux revolver », il signe une entrée remarquée dans lunivers musical en 1984. Sans jamais délaisser lune de ses passions au fil des années, il continue de mener une brillante carrière artistique entre le grand écran et la scène. Ses albums de duo sont une réussite, tout comme ses films (« Le Coeur des hommes », « Les Meilleurs Amis du monde », « Mains armées »...) dans lesquels il est entouré des plus grands acteurs de sa génération. En 1995, Marc Lavoine épouse la princesse Sarah Poniatowski (descendante de Joséphine de Beauharnais) avec qui il a trois enfants.
L'histoire
L'Hommes qui ment
ou le récit d'un enjoliveur
récit basé sur une histoire fausse
Alors qu'il assiste à l'enterrement de son père Lulu, le narrateur nous convie à un retour dans le passé de cet homme éclatant, dont la personnalité a, à la fois, soudé et fait éclater la famille. Il faut dire que même cet enterrement est hors du commun, comme le fut sa vie, réunissant toutes ses femmes. Lulu, " les dettes d'argent, l'alcool, la guerre d'Algérie, les adultères, les divorces qui coûtent une tonne, la chute du Mur, Mittérand au pouvoir, l'humiliation des cocos, de la CGT et du programme commun, les poèmes d'Aragon, le saxopgone, Mai 68, .." Un père admiré, adulé.
Pour le narrateur, une éducation contrastée, forte, plein de souvenirs chantant et d'autres moins drôles et puis, l'acceptation d'un père en marge, qui bouffait la vie comme une pomme, ne connaissait pas de limites et semblait se foutre de tout , accumulait les maitresses .«Nous étions, mon frère et moi, dans la confidence de notre père sans avoir rien demandé. Tenez, les gars, la patate chaude des histoires de fesses de papa. C’est sympa, cool, moderne, un truc de mecs. Mais moi je n’étais pas un mec pour ma mère qui, à force de me considérer comme une fille, m’avait donné une sensibilité proche de la sienne»
De cette famille colorée, aux fortes personnalités et aux douces tonalités féminines ( sa mère Michou, sa Mémé ...), il garde un regard d'enfant porté sur son petit monde. Juste un peu de recul pour se rendre compte, une fois adulte, de ce que Lulu leur faisait vivre, lui si friand de chair fraiche, si engagé. Et l'on se prend d'affection pour ce père toujours défendu malgré ses écarts, son langage à la Belmondo, son look années 70 et son vécu douloureux marqué par la guerre d'Algérie.
"Guevara, Bob Dylan, Lennon, même combat", assurés d'une victoire, les communistes s'engagent et Lulu ne débande pas, prospectant, parlant à ses enfants de Dreyfus, et la famille de s'y mettre, tous citant de grands noms, Vanzetti, la Résistance. Tous y croient mais l'alcool aidant, le jeu, Michou, elle, n'y croit plus. Elle encaisse, L'enfant se découvre alors protecteur, prend une place qui n'aurait pas du être la sienne. La poésie s'en mêle, Rimbaud, Verlaine . Ecrire est un besoin.
En vrac et au fil des pages ...
En rédigeant ce billet j'ai écrit "le narrateur" et non Marc Lavoine. Suis-je guidée par le sous titre ( histoire fausse) ou passe-t-il au second plan dans cette biographie d'une famille atypique ? Mais enfin quelle enfance ! On se croirait dans un film, les phrases tantôt crues, tantôt empreintes de ce regard enfantin , le regard du fils, rendent le récit vivant. J'ai cru entendre l'accent de Lulu et je n'ai eu aucun mal à me représenter leur vie. Il faut dire que la plume est visuelle, donne moulte détails sur les objets du quotidiens, les habitudes que l'on a connues dans les années 80. C'est une plongée dans le temps.
Vient ensuite la page communiste, et je dois dire que je ne l'ai pas connue mais il me semble retrouver ce que j'ai déjà lu, des hommes engagés, sûrs de leur fait, de leurs idées, jusqu'au-boutistes.
Bémol : l'écriture alterne des passages où l'auteur parle de son père à la troisième personne et intrusion de la première personne, sans prévenir, au détour d'un paragraphe. Je pense que cela traduit le fil de la pensée, comme si en écrivant et en essayant de se détacher il n'avait pu faire autrement que s'adresser à ce père avec qui, finalement, il n'a jamais pu aborder le sujet de fond qui le préoccupait. Le récit est parfois cru, très cru, spontané toujours, sans retenu me semble-t-il, quoique l'image de la mère, omniprésente, semble protégée.
C'est dans style truculent, visuel et presque cinématographique que Marc Lavoine se livre. J'ai eu la sensation à un moment d'être au milieu des tontons flingueurs ! Ce registre colle bien au personnage du père
On en ressort heureux d'en savoir plus sur Marc Lavoine, étonné des révélations et de cette enfance marquée, et l'on comprend le pourquoi de ce livre qui est une sorte d'auscultation, de méditation intérieure sur les non dits.
Comment comprendre les sous-titres : roman d'un enjoliveur, d'un beau parleur dont les frasques étonnaient, envoûtaient, détruisaient à petit feu aussi. Une histoire fausse, faussée ? Puis cet homme qui ment n'est-il pas l'auteur qui s'est menti à lui-même durant ces années ?
Je dirais que c'est le récit d'un amour et d'une blessure, à part égale.