Trois guinées, Virginia Woolf

Trois guinées, Virginia Woolf, éditions 10/18, 2002, 286 pages

Genre : essai

Thèmes : société, rapports hommes/femmes, condition féminine, guerre

 

L'auteur en quelques mots ...

Virginia Woolf (Adeline Virginia Alexandra Stephen  janvier 1882 -  mars 1941) est une femme de lettres anglaise, l'un des principaux auteurs modernistes du xxe siècle, et une féministe.

Pendant l'entre-deux-guerres, elle fut une figure marquante de la société littéraire londonienne et un membre central du Bloomsbury Group, qui réunissait des écrivains, artistes et philosophes anglais. Les romans Mrs Dalloway (1925), La Promenade au phare (1927) et Orlando (1928), ainsi que l'essai Une chambre à soi (1929) demeurent parmi ses écrits les plus célèbres.

Woolf souffrait d'importants troubles mentaux et présentait tous les signes de ce qu'on nomme aujourd'hui « trouble bipolaire » ; en 1941, à l'âge de 59 ans, elle se suicida par noyade dans la River Ouse, près de Monk's House, dans le village de Rodmell, où elle vivait avec son mari Leonard Woolf.

 

L'histoire :

 

Prenant pour cadre une correspondance, Virginia Woolf entreprend de répondre à la question qu'un homme lui a posée : comment éviter la guerre ? Sous couvert de répondre à cette interrogation qui, en effet, préoccupe les hommes en cette période, l'auteur ausculte avec minutie la société dans laquelle elle vit et décortique les différences entre hommes et femmes, de l'éducation aux droits et privilèges qui en découlent.

Parmi les femmes des années 30, elle perçoit les "filles d'hommes cultivés" comme inférieures car "si toutes les filles d'hommes cultivés se mettaient en grève demain, cela ne changerait rien d'essentiel à la vie de la communauté ou à la conduite de la guerre". De là à penser que ces femmes serviles ne possèdent aucun pouvoir, il n'y a qu'un pas, que Virginia Woolf franchit en évoquant l'influence qu'une femme peut avoir sur son époux, son père. Une cause leur a tenu à coeur : le droit de vote, obtenu de haute lutte. Mais là encore, l'exemple ne sert qu'à montrer les difficultés à obtenir quoique ce soit si l'on n'est pas fortunée.

Certes, l'émancipation par le travail fut une victoire pour ces femmes, jusqu'alors contraintes de réclamer l'argent nécessaire, à leur père ou leur époux. Cependant, ici, éclate aux yeux la différence entre hommes et femmes." Jusqu'en 1919, une seule carrière nous était ouverte : le mariage"

Passant en revue les différences notables entre les deux sexes depuis les droits acquis par les femmes, très récents ( accès à l'université) . Les hommes s'imposent et imposent (possession masculine du capital, des terres). Les femmes, fautes de moyens ou d'avoir reçu la même éducation, ne peuvent rivaliser, traiter d'égal à égal. Comment dans ce cas participer à lutter contre la guerre ?

 

En vrac et au fil des pages ... 

 

Constat désabusé mais aussi critique de la société masculine, aveuglée parfois par la politique. Critique du formatage des filles, réduites à admirer ces messieurs, à se sacrifier pour un frère qui, lui, accèdera à une profession qui leur est interdite, en vertu d'un vieux précepte de l'église peut-être : "On m'enseigne que le désir d'apprendre allait, chez les femmes, contre la volonté de Dieu". Cet essai à le mérite de ne pas se voiler la face.

J'ai apprécié cet essai surprenant qui nous plonge au coeur d'une époque que l'on ne connait que de loin, rarement perçu du point de vue d'une femme, qui plus est un auteur qui cotoie ces hommes dont elle parle, fréquente des milieux masculins et peut donc juger. On apprécie en tant que lecteur les romans qui se déroulent à cette époque ( je pense à Anne Perry par exemple qui décrit si bien ce milieux de l'aristocratie dans lequel les femmes sont un peu potiches), mais le découvrir à travers un témoignage est bien différent.

Virginia Woolf convoque alors des femmes célèbres qui ont oeuvré pour la condition féminine : Mary Kingsley, Elizabeth Haldane, Helena Normanton ...

Les réflexions qui sont menées sont lourdes de conséquences mais prouvent bien que , malgré le manque d'éducation ou l'infériorité de leur condition, les femmes étaient lucides : "La seule chose que les femmes puissent faire dans tous les pays pour éviter la guerre, c'est d'arrêter la production de chair à canon" H Normanton. La baisse de la natalité dans les milieux cultivés à cette époque tend à prouver que les femmes ont souvent suivi ce précepte.

Je vous livre pour finir une remarque qui fera bondir les dames : " On ne peut attendre des femmes qu'elles renoncent à un trait essentiel de leur féminité ou qu'elles abandonnent l'une des consolations offertes par la Nature pour compenser un handicap insurmontable et permanent. S'habiller repésente, après tout, l'un des principaux moyens qu'ont les femmes de s'exprimer..." juge Mac Cardie.

 

Le mois anglais chez Titine

 

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