Drood, Dan Simmons

Drood, Dan Simmons, éditions Pocket, 2012, 1204 pages

Genre : policier, fantastique, historique

Thèmes : écrivains, imagination, Londres, bas-fonds, meurtres, Dickens, Wilkie Collins

 

L'auteur en quelques mots ...

Ecrivain américain né en 1948, Dan Simmons vit dans le Colorado. Depuis 1982, date de publication de sa première nouvelle Le Styx coule à l'envers, il a publié à peu près 24 romans dont certaines séries SF connues comme le cycle d'Hypérion. Il touche à plusieurs genres ( policier, horreur, SF).

 

L'histoire :

 

9 juin 1865. Alors qu'il rentre à Londres, accompagné de sa maitresse et de sa mère, Charles Dickens est victime d'un accident de train à Staplehurst. C'est ce qu'entreprend de nous raconter son ami Wilkie Collins, lui-même écrivain à succès. Pourtant l'image de l'écrivain est entachée d'un scandale lié à son mariage avec Catherine alors même que sept ans plus tôt il a mis cette dernière à la porte et a engagé sa soeur Georgina pour s'occuper de ces neufs enfants, faisant les gorges chaudes de Londres.

Wilkie Collins tient à partir de l'accident pour raconter l'évolution de son ami et rival. "Au cours des cinq années qui lui restaient à vivre après l'accident de Staplehurst, Dickens n'emploierait qu'un mot pour décrire ce qu'il avait vu dans ce lit de rivière- "inimaginable". Car alors que Dickens parvient à s'extraire du wagon et court vers les victimes afin de les secourir, il celui qui va le hanter durant des années, "un homme mince et de haute taille, vêtu d'une épaisse cape noire (...) d'une maigreur cadavérique (...) un nez tronqué (...) ses petites dents pointues, irrégulières" qui, dans un sifflement, lui avouera se nommer Drood et venir des bas quartiers de Londres.

Clairement décidé à retrouver Drood et entrainant son ami Wilkie Collins à sa suite, Dickens engage alors un détective, Hatchery, afin de les escorter. Ce dernier ayant enquêté leur révèle que ce fameux Drood n'a pu voyager qu'à l'intérieur d'un des trois cercueils que convoyait le train, personne n'étant enregistré sous son nom ou avec sa description.

Malgré son scepticisme , le narrateur est rapidement happé par l'histoire de Dickens et, non seulement le suit dans ses pérégrinations nocturnes, mais entre lui-même dans un cercle infernal empli de drogue, d'être marginaux vivant dans une cité souterraine, la Ville du Dessous, et ce malgré sa maladie qui ne lui laisse aucun répit le contraint néanmoins à absorber des quantités toujours plus grandes de laudanum. Entre inconscience et hallucinations, obsédé par Drood, il s'apprête à découvrir un monde qu'il ne soupçonnait pas .

Mais son témoignage est-il fiable ?

 

En vrac et au fil des pages ...

 

Attention pavé !

J'avais quelques doutes sur la possibilité de redonner vie à Dickens et Wilkie Collins, plus encore à les faire évoluer et parler dans un roman. Pourtant le pari est réussi et c'est un tableau troublant que dépeint Dan Simmons dans Drood.

Le titre tout d'abord interpelle car rappelle celui d'un roman de Dickens lui-même : Le mystère d'Edwin Drood. C'est justement le point de départ du récit de Dans Simmons qui part du principe que ce dernier roman inachevé de Dickens, rédigé à la suite de l'accident, nous envoie sur une étrange piste : qu'est-ce qui a pu inspirer à l'auteur ce personnage ?

Dans son récit, Dans Simmons fait de Drood un personnage réel, croisé au moment de l'accident qui a failli coûter la vie à Charles Dickens en 1865. Pourtant , rapidement, il nous envoie sur la piste du fantastique avec une description du personnage qui s'apparenterait au vampire et des protagonistes sous opium. Wilkie Collins le premier, à qui il donne la parole en tant que narrateur, avoue être sous l'emprise de la drogue en permanence afin de soulager ses crises. Le lecteur retrouve alors un topos du fantastique, l'oscillation entre mythe et réalité au moyen d'un élément qui plonge le personnage dans une torpeur qui émousse son jugement.

Tout au long du roman des faits réels apparaissent pour qui connait la vie de Dickens et nous invitent à lire le récit avec les yeux de Wilkie Collins, ami certes mais aussi rival quelque peu jaloux du succès de "L'Inimitable", ainsi que l'on surnomme Dickens. L'on ne sait donc jamais si ce qu'il raconte est romancé. Pourtant nous entrons pleinement dans sa vie, ses hallucinations, notamment son doppelanger, son double étrangement saisissant qui lui ravit une partie de ses écrits et semble l'épier sans cesse.

La claque finale que reçoit le narrateur nous demanderait presque de relire le roman à l'éclairage de la dernière révélation. Comme Wilkie Collins, on reste bouche bée , on se doutait, on ne savait pas comment cela allait se terminer, on ne s'attendait pas à un tel jeu cruel.

Parallèlement à la quête de Drood on suit les succès, les aléas de l'écriture de nos deux compères. On les retrouve cherchant l'inspiration, écrivant sans relâche ou faisant la promotion de leur livre, se disputant sur tel ou tel thème, intrigue ou personnage, s'éloignant l'un de l'autre ou se critiquant pour mieux se retrouver. La famille des deux hommes nous est aussi dévoilée, leur comportement pour le moins déplacé avec les femmes de leur vie, leur manque d'engagement. Finalement c'est un portrait sans concession qui est fait des deux amis.

Sincèrement je pense que Dan Simmons aurait pu faire plus court car l'on part souvent dans des digressions qui n'apportent rien à l'intrigue. Mais je crois aussi qu'il a voulu présenter son roman comme une sorte de biographie, narrée par un contemporain de Dickens. Or dans une biographie on nous rapporte tout.

J'ai apprécié la touche de fantastique, le côté gothique de certaines descriptions des bas-fonds et souterrains de Londres rappelant Jack l'Eventreur. Bien évidemment si vous connaissez l'oeuvre des deux auteurs vous apprécierez d'en retrouver leur genèse au cours des cinq années racontées ici. C'est une vision subjective des dernières années de vie de Dickens que je vous recommande.

 

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