Le Liseur du 6h27, Jean-Paul Didierlaurent

Le liseur du 6h27, Jean-Paul Didierlaurent, éditions Folio, 2014, 193 pages

Genre : roman

Thèmes : livres, amour, rencontre, amitié, société

 

L'auteur en quelques mots ...

Ecrivain français né en 1962, Jean Paul Didierlaurent est employé au service client chez Orange . Il a publié d'autres écrits, dont Brume pour lequel il a reçu le prix International Hemigway, avant Le Liseur du 6h27. C'est pourtant ce dernier roman qui lui a valu le succès, avec  60 000 exemplaires vendus en moins de quatre mois.

"Jean-Paul Didierlaurent l’assure : longtemps, il n’a pas été lui-même un grand lecteur, et il ne ressent aucun « besoin » d’écrire au quotidien. « Je m’y suis mis à 35 ans, après la découverte des nouvelles de Stephen King », confie-t-il. Sa méthode : participer à des concours de nouvelles, précisément, dont il trouve les contraintes stimulantes.

Dès sa première candidature, à Saint-Dié-des-Vosges, il l’emporte. Suivent 25 autres premiers prix, toujours de nouvelles. Le prix Hemingway des éditions du Diable Vauvert, remporté deux fois (en 2010 et 2012), lui ouvre en 2013 la porte d’une résidence d’auteur. Isolé dans le Gard, il écrit Le Liseur du 6 h 27 : « C’était magique. Je vivais 24 heures sur 24 avec mes personnages. » pour Elise Descamps, Lacroix

 

L'histoire 

 

"Certains naissent sourds, muets ou aveugles.D'autres poussent leur premier cri affublés d'un strabisme disgracieux (...) Guylain Vignolles, lui, était entré dans la vie avec pour tout fardeau la conterpèterie malheureuse qu'offrait le mariage de son patronyme avec son prénom :Vilain Guignol, un mauvais jeu de mots qui avait retenti à ses oreilles dès ses premiers pas dans l'existence pour ne plus le quitter".

Replié sur lui-même, Guylain vit seul, avec pour unique compagnon un poisson rouge prénommé Rouget de Lisle. "En trente-six ans d'existence, il avait fini par apprendre à se faire oublier, à devenir invisible pour ne plus déclencher les rires, les railleries (...)".

Guylain travaille dans une usine qui dévore les livres invendus , les condamnés au pilon ,dont il sauve quelques feuillets qu'il lira ensuite dans le métro. La lecture : ce qui lui permet de ne pas voir les autres, ce qui le sauve de ce trajet et lui donne le courage de quitter son nid douillet. Quelques feuilles qui ne se suivent pas et qui, sans qu'il s'en rende compte, animent la rame le matin, crée un lien entre les auditeurs du 6h27.

A l'usine, Giuseppe et Yvon le comprennent, partagent avec lui l'amour des mots contre "le gros et le con", Brunner et Kowalski,le boss,  employés zélés pour qui la destruction massive de la culture est un credo. "la Zerstor 500 : ça génocide !". Car elle a déjà avalé autre chose que des livres cette énorme machine. Giuseppe le sait bien, qui collecte les ouvrages réédités à partir de la bouillie sortie du monstre dévoreur le 16 avril 2002.

Pourtant, lorsqu'il découvre cette clé USB, oubliée dans la rame, Guylain entre dans un autre univers. Les paragraphes l'entrainent dans la vie d'une inconnue qui devient sa raison de se lever, de prendre le métro, de chercher l'autre : "Une fois par an , à l'équinoxe de printemps, je recompte. Comme ça, juste pour voir, vérifier que rien jamais ne change" ...

 

En vrac et au fil des pages ...

Comme tout le monde je pense, j'ai beaucoup apprécié ce petit livre sans prétention qui nous replace juste là où l'on doit être. Entre désespoir et petits bonheurs, vie et survie, l'auteur nous entraine dans l'univers solitaire de Guylain qui n'a plus foi en l'humain.

Pourtant les personnages campés dans ce court roman sont des humanistes, Yvon, Giuseppe et Guylain lui-même qui, sans le savoir, réjouit les auditeurs du 6h27, les aide à entrer dans une nouvelle journée. 

La lecture, le livre, les mots sacrés sont au coeur de l'ouvrage bien entendu, mais c'est aussi une critique à peine voilée de la société dans laquelle on peut être anonyme, se fondre et basculer. Les mots sauvent Guylain comme ils sauvent le monde et l'espoir nait du monstre qui recrache une infâme bouillie née du livre déchu pour recréer.

C'est l'histoire d'une renaissance donc, celle de l'objet livre, celle de Guylain, celle de Julie. Qu'il est bon d'y croire ! 

Alors qu'est-ce qui nous fait fondre dans ce livre gentillet ? Sans doute l'espoir, l'idée d'un petit bonheur qui germe, nous met de bonne humeur. J'ai éprouvé le même plaisir à le lire qu'à la découverte de La petite cloche au son grêle de Paul Vacca, sans doute parce que la littérature, les mots sont mis en avant, parce qu'ils nous transportent et que ces deux auteurs ont en commun de les aimer et de jouer avec eux.

C'est un beau message en tous cas.

 

 

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