Mary, Emily Barnett
Mary, Emily Barnett, éditions Rivages, 2015, 189 pages
Genre : roman contemporain
Thèmes : schizophrénie, enfance, mère, années 20, enquête, espionnage
L'auteur en quelques mots ...
Critique littéraire et cinéma freelance, habituée des Inrockuptibles ou de magazines féminins tels que Grazia, et d' émissions Le Cercle sur Canal + ou La Dispute sur France Culture, Emily Barnett est aussi réalisatrice. Mary est son premier roman.
L'histoire
Années 2000.
"Je m'appelle Mary. C'est un nom ( ...) On m'a dit de tirer un trait sur maman".
Mary rentre chez elle, accompagnée de sa mère qui semble absente à ce qui l'entoure." je vois ses cheveux blonds emmelés, les flancs crémeux de son visage". Un infirmier les installe, "Il dit : tout va bien se passer". Tout semble délabré ou à l'abandon dans cette demeure en bord de mer. Mais n'est-ce pas plutôt l'imagination de mary qui lui joue des tours ? Et tout ce sang, ces trainées qui restent, collent. Autrefois ses grands-parents étaient là, Big Daddy et ses tableaux.
1° janvier 1953, Paris. Mary se sent mal, pas à sa place dans cette soirée mondaine. Elle a pourtant tout pour être heureuse, un mari, Jim, qu'elle adore, une belle vie. Mais ce qui vit dans son ventre la terrifie. Cet enfant que Jim attend avec impatience est pour elle un présage funeste ...
En vrac et au fil des pages ...
Je suis d'habitude plus bavarde dans mes résumés mais, ici, j'avoue que j'ai peur de trop en dire et ne sais en même temps quoi dire ! En effet, nous voici devant un roman qu'il est très difficile de résumer.
Deux histoires s'entremelent, deux histoires de Mary à des années d'intervalle. Le lien entre les deux personnages ne saute pas aux yeux mais Emily Barnett se plait à semer des indices : une poupée de chiffon prénommée Nicole comme fil conducteur, un mal être qui semble se transmettre de femme en femme dans la famille, à moins que les deux Mary ne soient une seule et même personne, un psychiatre qui porte le même nom que l'homme espion rencontré par mary dans les années 50 ...
Un récit plus construit, plus fluide nous entraine dans les années 50. Jim est peintre et tente de percer mais ses oeuvres ne correspondent pas à ce que l'on attend de lui. A ses côtés Mary s'étiole jusqu'à ce qu'elle soit embauchée dans un cabinet de psychiatrie, comme secrétaire. Avec elle on traverse une époque, son désir d'émancipation, son intérêt pour la psychanalyse. Elle fait la connaissance d'un homme mystérieux, Rosen et sombre peu à peu dans une étrange histoire, faite d'espionnage et d'irréalité ,qui nous conduit à penser qu'elle présente tous les signes de la folie.
La jeune Mary, quant à elle, nous raconte sa propre histoire et nous plonge dans sa tête, sa folie, ses hallucinations. L'on perçoit à peine les contours de sa vie, de son passé que déjà elle efface tout ce qu'elle vient de nous dévoiler. Ainsi sa mère qu'elle voit à ses côtés mais qui est décédée.
Pourtant le lecteur comprend qu'il existe un lien fort entre les deux femmes et que la folie est leur destin, ancré en elles pour leur faire percevoir une autre réalité.
Il faut lire ce court roman car il interpelle, dérange, fait réfléchir aussi sur notre position confortable de lecteur. Le livre ne se donne pas, il faut aller chercher le sens et se convaincre que l'on a compris, à la fin. Le style est très travaillé, les mots ont un poids, une force qui nous obligerait presque à relire l'ouvrage pour trouver. Etrange lecture ...