L'Art de la marche, Olivier Bleys

L'Art de la marche, Olivier Bleys, éditions Albin Michel, 2016, 227 pages

Genre : autobiographie, récit de vie

Thèmes : marche, solitude, solidarité, découverte de soi, rencontres, aventure, routes ...

 

L'auteur en quelques mots ...

Olivier Bleys (né en mai 1970) est un écrivain français.

Olivier Bleys a publié vingt-neuf livres : romans, essais, récits de voyage, bandes dessinées, roman graphique, récit d'anticipation, surtout chez Gallimard et chez Albin Michel. L’ensemble de son œuvre est traduit dans une dizaine de langues, et lui a valu de nombreuses récompenses dont un prix de l’Académie française pour Pastel (Gallimard, 2000) et le Grand Prix du Roman de la Société des Gens de Lettres (SGDL) pour Le Maître de Café (Albin Michel, 2013)

Sélectionné pour le prix Goncourt, son roman Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes (Albin Michel, 2015) a été finaliste du prix Goncourt des lycéens.

Olivier Bleys possède aussi une expérience approfondie des nouvelles technologies . Il a d’abord occupé au sein de sociétés d’édition numérique (Infogrames, Cryo, Index +…) des postes à responsabilité croissante, de chef de projet à directeur éditorial, avant de devenir concepteur multimédia indépendant.

Lecteur permanent pour les éditions Gallimard de 2004 à 2007, il est aussi conférencier, consultant, animateur d'ateliers d'écriture .

En dernier lieu, Olivier Bleys revendique un goût affirmé pour l’échange culturel. Dès l’âge de 22 ans, il fonde l’association Jeunes Artistes du Monde qui promeut le voyage artistique. Des séjours à l’étranger sont organisés (Égypte, Ouganda, Mali, Madagascar…), impliquant des créateurs de plusieurs disciplines et nationalités.

En juillet 2010, Olivier Bleys a pris le départ d'un tour du monde à pied, par étapes , qu'il poursuit d'année en année. Il effectue à l'occasion des tours de villes à pied, ceux par exemple de Paris et de Metz en 2012, de Bordeaux en 2013.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, a fait Olivier Bleys chevalier des Arts et des Lettres en juillet 2014 . L'insigne lui a été remis par M. Alain Juppé, ancien Premier ministre et maire de Bordeaux, le 9 juillet 2015.(source Wikipedia)

 

Son blog, sur lequel vous retrouverez son cheminement : http://monvolubilis.canalblog.com/

Concerto pour la main morte : http://www.unchocolatdansmonroman.fr/article-concerto-pour-la-main-morte-olivier-bleys-120650137.html

 

Le récit :

 

" Décidément, j'ai tout à apprendre..."

" - d'un immense appétit d'espace et d'un élan irépressible à marcher- est né le projet dont ce livre rend témoignage : un tour du monde à pied, par étapes. Une circumambulation complète, réalisée sans user d'aucun véhicule ni prendre aucun raccourci, au terme de laquelle j'espère loger mon dernier pas dans l'empreinte du premier".

Attiré depuis toujours par les aventuriers, les marcheurs, les cartes et autres globes, livrant son imagination au dieu du voyage, Olivier Bleys franchit le cap le 3 juillet 2010. Pourtant, personne dans sa famille ne l'a fait avant lui et l'on peut dire que ses racines sont profondément ancrées dans le terroir. Un tour du monde à pied se prépare. Lui ne s'est pas entrainé, a préparé minutieusement son sac mais découvrira bien des astuces qui lui permettront de changer, modifier son équipement au fil des étapes.

Un défi pour lui, sans reconnaissance particulière puisque l'on découvre avec lui qu 'un "tour du monde à pied n'exerce aucun pouvoir sur les imaginations. Il ne donne pas d'émotions fortes, il ne produit pas d'images spectaculaires". C'est pourtant un exploit personnel, une aventure à travers laquelle l'on se remet en question, comme le prouvent ces quelques pages qui nous conduisent de Pampelonne en Hongrie.

Tantôt seul, tantôt accompagné, ce dont il dira que c'est la meilleure formule pour voyager, Olivier Bleys a découvert l'ampleur de la solitude à laquelle, sans doute, il aspirait, mais qui n'est d'aucun réconfort sur la route. Sans doute cela découle-t-il de son désir de partager, échanger, comme il le fait habituellement à travers ses écrits ou sur son blog. 

Au bout de la première étape, une révélation :

" J'ai découvert que j'étais profondément marcheur, qu'il y avait là tout un monde à explorer et que ma vie, désormais, serait en mouvement"

 

Merci aux éditions Albin Michel pour cette découverte.

paEn vrac et au fil des pages ...

Qui n'a pas rêvé de partir, arpenter les routes, d'abord françaises puis européennes ? Combien l'ont fait ? Olivier Bleys nous convie à un voyage mais aussi une reflexion sur nos capacités à endurer la solitude, la souffrance parfois, qu'elle soit physique ou morale, sur une route que l'on connait mal à pied. On se dit souvent en circulant en voiture que l'on marcherait bien ici ou là, mais le faire est autre chose et c'est ce que j'ai apprécié dans ce récit assez court qui présente les sept premières étapes d'un tour du monde. Intéressante l'idée que l'on se croit préparé parce qu'on a beaucoup lu, que l'on est déjà passé dans ces lieux. Au bout du compte le meilleur marcheur est celui qui apprend à chaque étape, refait son paquetage et retient les leçons que la marche lui offre.

Souvent l'on part en quête de solitude. Olivier Bleys reprend les grandes aventures d'un Jean Béliveau ou de Caroline Moireaux, tous deux partis pour une longue expédition digne des plus grands aventuriers. Ce mot évoque pour moi, et je suis ravie de retrouver aussi cela sous la plume de l'auteur, les récit épiques de Jules Verne, le Grand nord parfois, l'exaltation des grands espaces. Pourtant la solitude chérie au départ et qui ouvre sur la méditation, touche à ses limites au bout de quelques jours, alors que l'auteur aimerait partager ce qu'il voit, ce qu'il vit.

Un marcheur, un voyageur sommeille-t-il en nous ? Longtemps j'en ai été pesuadée. Ne sommes-nous pas issus de marcheurs, tous autant que nous sommes. Je l'avais oublié et Olivier Bleys me le rappelle.

Il nous convie dans son quotidien, nous parle, très peu et discrètement, de sa famille, de ses attaches mais aussi de transmission car ce qu'il compte accomplir sera un témoignage pour ses filles. Si l'on sent une blessure à un moment ( peut-être que je me trompe ...), une sorte de fuite de quelque chose , l'auteur n'en dit rien, c'est qu'il a choisi d'axer son discours sur la découverte, physique, morale, géographique, sociétale. Il ne cache pas les déceptions, comme l'idée de départ d'une marche collective qui n'aboutira finalement pas car chacun a d'autres occupations. Je me reconnais là, repoussant sans cesse l'idée d'une marche parce que ceci, parce que cela. Les obligations familiales sont au premier plan et il ne s'en détache pas car semble avoir trouvé un juste milieu. Ses étapes sont accomplies en un mois à peu près, puis il rentre chez lui et repart plus tard, prenant comme point de départ la fin de l'étape précédente. Cette logistique s'avèrera lourde à plusieurs reprises, selon le pays traversé, mais il s'y tient. 

J'ai apprécié cette reflexion sur le règlement qu'il se crée lui-même, parfois contraignant, et qu'il veut absolument respecter sous peine de se trahir lui-même. Il s'agit donc bien d'un défi pour soi.

Olivier Bleys fait aussi tomber les clichés et ne mâche pas ses mots à l'encontre d'une cuisine sans saveur ou de routes trop sales, selon où il pose les pieds. Les remarques acides des observateurs ne manquent pas également et l'interrogation commune porte finalement sur le pourquoi. Pourquoi partir ainsi à pied ? Pourquoi s'infliger cela ? Sur le chemin de Compostelle on peut le comprendre, comme si le pélerinage religieux était en soi une fin. Mais partir ainsi, pour rien. Ou plutôt pour on ne sait quoi... pour le dépassement de soi, pour se dire qu'on peut le faire, pour poser son empreinte dans la longue lignée des marcheurs.

Ce qui nous fait le plus peur est sans doute l'insécurité et Olivier Bleys y répond en conseillant la marche en groupe ou au moins à deux, chacun trouvant un équilibre, devançant ou suivant l'autre, le retrouvant quelques jours plus tard. Il n'aborde pas ce sujet mais je me suis fait la remarque les les medias nous invitent à percevoir le monde qui nous antoure comme agressif ou incertain, alors que la marche entreprise par l'auteur nous rappelle qu'il existe tout de même une autre voie, une contemplation, une solidarité hors nos murs. L'on découvre aussi que les routes ne sont pas toujours pensées pour les marcheurs et que le règne de l'automobile est prégnant. S'éloigner des grands axes devient alors vital mais la nécessité pousse à y retourner.J'ai apprécié ici les remarques et observations sur le numérique, les possibilités de la géolocalisation et la nouvelle vision du voyage que cela propose.

Une belle preuve donc, qu'il est possible de se dépasser, se surpasser, sans peut-être mener un projet aussi ambitieux. "Conquérants de l'inutile" disait Lionel Terray, paroles que reprend à son compte Olivier Bleys. Un témoignage qui prouve que l'on peut tous larguer les amarres et qui met la marche à la portée de tous.

Le hasard fait parfois bien les choses, puisque je me lance dans la préparation d'un chapitre sur les voyages avec mes élèves pour la rentrée, avec pour fil conducteur cette question : pourquoi voyager ? Ce livre est une merveilleuse ouverture dont je lirais bien quelques passages à mes classes avec l'accord de l'auteur, pourquoi ne pas suivre également le périple d'Olivier Bleys via son blog comme nous avons aussi prévu de le faire avec l'expédition de la goelette TARA. Le projet s'affine et avec lui l'envie de partir sur les routes. Oh rien de bien ambitieux mais pourquoi pas ?

Et si on partait ?

 

Merci aux éditions Albin Michel pour cette belle découverte.

 

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