L'île des chasseurs d'oiseaux, Peter May
L'île des chasseurs d'oiseaux, Peter May, éditions Babel Noir, 2013, 432 pages
Genre : Policier
Thèmes : enquête, assassinat, deuil, jeunesse, amitié, souvenirs
Traduit par : Jean René Dastugue
L'auteur en quelques mots ...
Nommé, à 21 ans, "jeune journaliste de l'année", il a abandonné le journalisme lors de la publication de son premier roman, à l'âge de 26 ans. Le livre a été porté à l'écran pour la série "The Standard" sur la BBC à une heure de grande écoute.
A partir de ce moment-là, Peter May est devenu très connu, à la fois comme producteur, scénariste et réalisateur d'oeuvres dramatiques pour la télévision - plus de 1000 scénarios en 15 ans. Pour sa série "Squadron" (l'Escadron), il a réussi à persuader la RAF de lui fournir des avions et des pilotes. Pour "Machair" il a conduit une troupe de 70 comédiens et membres d'équipage jusqu'aux ïles Hébrides, pour y tourner, en extérieur, 99 épisodes.
Toujours à la recherche d'un nouveau défi, il a quitté la télévision et l'Ecosse pour s'installer en France et retourner à ses premières amours: l'écriture de romans. Très vite il est parti en Chine, un pays qui le fascinait depuis longtemps, dans le but impensable de se faire ouvrir les portes de la police chinoise.
Très méticuleux sur ses recherches, il a fait une étude exhaustive des méthodes utilisées par les inspecteurs, la police scientifique, et les médecins légistes chinois. Il s’est ainsi fait de nombreux amis dans tous les milieux au cours de ses périples.Pour la trilogie écossaise, il s'inspire de ses différents séjours réalisés dans les annés 1990, dans les îles Hebrides du Nord de l'Écosse. Pendant cinq ans, il y passe cinq mois par an pour le tournage d'une serie dramatique pour la télévision écossaise. Les paysages et l'atmosphere le marquent profondement, au point de décider de lui consacrer une trilogie romanesque, cette fois-ci écossaise.
Il débute alors l'ecriture de la serie choinoise, six thrillers situés en Chine et mettant en scène Margaret Campbell, médecin légiste de Chicago, et Li Yan inspecteur de police.
En reconnaissance de son travail, il a été nommé membre honoraire de l'association des écrivains de romans policiers chinois à la section de Pékin.
L'histoire :
"Il était tard et la chaleur était étouffante".
Alors qu'il se réveille en plein cauchemar, apeuré, Fin McLeod repense aux indices donnés par Mona, sa compagne :"l'homme portait un anorak. Il devait avoir dans les soixante ans, avec des cheveux gris, longs et gras". La perte de leur fils a fait de Fin l'ombre de lui-même. C'est aussi pour cela que Black le pousse à réintégrer les services de police. Un meurtre a été commis selon le même mode opératoire que le crime de Leith Walk en Mai dernier.Le logiciel HOLMES, recoupant tous les indices, a affecté Fin sur l'île de Lewis dont il est originaire. Un retour aux sources qui ne va pas de soi pour le jeune inspecteur."Il avait passé sa vie d'adulte à éviter ce moment" et n'y avait pas mis les pieds depuis 18 ans. De là découlaient beaucoup de choses, à commencer par son mariage avec Mona. "Robbie avait été un pont entre eux. Mais Robbie n'était plus là".
C'est une enquête qui le mène à Lewis mais il trouvera bien plus que cela ... La victime est un ancien camarade de classe, Ange. Un camarade aux airs d'ennemis que tous redoutaient. Aussitôt les souvenirs ressurgissent : une histoire d'amour écourtée avec Marsaili, qu'il retrouve mariée à Artair, un départ précipité, des enfants qui se mettent en danger ...
Alors que les hommes de l'île se préparent au départ sur An Sgeir, rocher isolé où l'on chasse les Fous de Bassan, Fin se remémore sa propre expédition. Que s'est-il passé cette nuit-là , qui a changé à jamais le rapport aux autres et a poussé Fin à quitter l'île de Lewis ?
C'est un roman sombre que nous livre Peter May, où le paysage est à lui seul un personnage. Que dire de cette île tourmentée, confiée aux tempêtes, sur laquelle vivent des hommes et des femmes attachés à leur terre , qui en parlent que le gaélique ?
On comprend immédiatement que le retour de Fin McLeod sur l'île ne va pas aller sans résurgence d'un passé douloureux. ourtant, un événement dramatique l'attache encore au continent : la perte de son fils dont on ne dit rien, que seuls quelques indices permettent de comprendre.
C'est donc un homme troublé que l'on découvre sous l'ahabit de l'inspecteur. Il est d'ici et de nulle part, visiblement pas le bienvenu mais accueilli tout de même par ses anciennes connaissances. C'est que les habitants ne se donnent pas si facilement, façonnés comme l'île par le climat, l'isolement. Puis le départ précipité de Fin a suscité quelques rancoeurs qui demandent à être aplanies.
Le lecteur découvre à mesure que l'auteur dresse le portrait de chaque personnage, les traditions fortes qui animent l'île de Lewis : la chasse, le travail de la tourbe, les pubs...
Lui-même est si affectivement lié à chacun que l'enquête ne peut qu'être compromise. Seuls les souvenirs d'enfance lui permettront de faire les liens, de comprendre ce qui se trame, ce qu'il a occulté.
Ce qui est fort avec Peter May c'est qu'il nous livre un univers froid, mais que l'on ne ressent à aucun moment la crainte. Au contraire, on a envie de découvrir cette île !
On a donc une double intrigue : la recherche du meurtrier dans l'enquête qui mène Fin d'Edimbourg à Lewis et la reconstitution d'un passé auquel il ne peut se soustraire.
L'écriture est intéressante car, fluide, elle entraine le lecteur d'une page à l'autre sans lasser. Il met en scène une certaine forme de violence mais la rend compréhensible pour le lecteur en expliquant les habitudes de chacun. C'est l'homme face à la nature qu'il a appris à comprendre mais non à dompter, c'est la violence qu'elle a fait germer en chaque personnage parce quel'on ne peut faire autrement pour survivre là-bas qu'être dur, endurant.
Le petit plus : découvrez l'île de Lewis en video