Mississippi, Hillary Jordan
Mississippi, Hillary Jordan, éditions 10/18, 2014, 364 pages
Genre : récit contemporain, fresque familiale
Thèmes : mariage, amour, racisme, ségrégation, plantation, développement
L'auteur en quelques mots ...
Hillary Jordan a grandi à Dallas, au Texas et Muskogee, Oklahoma. Elle a obtenu un BA en anglais et en sciences politiques au Wellesley College et a passé quinze ans à travailler comme rédacteur publicitaire avant de commencer à écrire de la fiction. Elle a obtenu son MFA en création littéraire de l'Université Columbia.
Mudbound, publié par Algonquin Books en Mars 2008, est son premier roman. Il a remporté en 2006 Bellwether Prix de la Fiction , décerné tous les deux ans à un premier roman inédit qui traite des questions de justice sociale.Publiée en France sous le titre 'Mississippi' en 2010 aux éditions Belfond, cette fresque familiale fait revivre le Vieux Sud des années 1950 et vaut à son auteur plusieurs prix aux Etats-Unis
L'Histoire :
Laura est ce que l'on appelle une vieille fille. Désespérant de se marier un jour, elle a fini par faire une croix sur ce projet et poursuit son investissement dans la paroisse de sa ville, entourée d'une famille aimante.
Pourtant lorsqu'Henry se présente, elle envisage de le suivre. Ce dernier est un homme posé, peu romantique, mais qui a la tête sur les épaules, ce qui suffit à Laura. La demande en mariage ne sera pas celle qu'elle espérait, mais la voici casée, au soulagement de sa famille." je ne peux pas dire si j'étais vraiment amoureuse de lui à l'époque, je me sentais tellement redevable envers lui que ce sentiment éclipsait tout le reste .Il me sauvait d'une vie dans les marges, de la pitié, du mépris et cette gentillesse grincheuse qui sont le lot des vieilles filles".
Henry nourrit depuis longtemps le rêve de devenir fermier et l'entraine, bien malgré elle, dans une vie de privations, de dur labeur, dans une plantation de coton du Mississippi.
Pourtant ce sont d'autres émotions que Laura s'apprête à vivre, sur une terre qui ne se donne pas et sur laquelle oeuvre un personnel de couleur souvent maltraité. Même si Henry se montre bienveillant, son père Pappy , qui vivra désormais avec eux, n'entend pas qu'un "nègre" ouvre sa bouche, réclame des droits similaires aux blancs ou fréquente les mêmes lieux.
La famille d'Henry est partagée à ce sujet, et le jeune frère, Jamie, rentré de la guerre, cotoie le fils de Hap, planteur noir employé par Henry. Rapidement les ennuis les guettent alors que les deux jeunes hommes se comprennent par leur vécu des atrocités du conflit qui les a laissés meurtris. Incompris, seuls, ils vont devoir affronter les regards et le mépris des habitants du Mississippi.
Alors que Laura commence à s'habituer à cette vie, la tragédie couve...
En vrac et au fil des pages ...
Le début du récit est surprenant et c'est par un flash back que l'auteur nous explique ce qui mène à la tragédie finale.
Les chapitres alternent le point de vue des personnages et permettent de mieux les saisir, les comprendre. Chacun suscite une émotion différente chez le lecteur, de la douce Laura, à l'atroce Pappy, du flegme d'Henry à l'enthousiasme de Jamie.
Chacun porte en lui des valeurs qu'il va devoir confronter à celles des autres, c'est le point le plus intéressant du récit. Le Mississippi se révèle une terre dure, intolérante, sur laquelle les noirs ne sont que des employés traités comme des bêtes. Ici les passions sont exacerbées et le moindre faux pas peut mettre le feu aux poudres.
On retrouve donc en thème central la ségrégation, mais aussi le poids de la guerre. J'avoue avoir découvert que les américains avaient engagé des personnes de couleur dans des bataillons spécifiques pour les envoyer au front. C'est le cas de Ronsel, fils de métayers, qui a su gagner ses galons pendant la guerre et a servi comme sergent. Ce rôle lui a donné des envies de liberté, une conscience de ses capacités qu'il ne parviendra pas à mettre en oeuvre de retour dans sa famille. Car le Mississippi n'est pas prêt à vivre une telle révolution.
Le Ku Klux Klan veille, Pappy en tête. Ce personnage proprement odieux, cristallise toute la haine qui symbolise cette région des Etats-unis.
Dans ce contexte , l'auteur a travaillé à la crédibilité et, malgré sa bienveillance, Laura n'est pas non plus prête à accepter l'égalité entre blancs et noirs. Elle se montre cependant conciliante et tente d'imposer sa vision des choses. On touche ici un autre point sensible : la place accordée aux femmes dans la société des années 40.
Le récit est souvent dur, réaliste, mais aussi porteur d'une morale que la fin révèle. L'écriture porte le récit. C'est donc un coup de coeur que ce récit.