Cité et pavillon, Margarita Perea Zaldivar

Cité et pavillon, Margarita Perea Zaldivar, autoédition Iggybook, 2015, 184 pages

Genre : contemporain

Thèmes : addiction, cité, autrui, cultures, adolescence

 

L'auteur en quelques mots ...

Margarita Perea Zaldivar est enseignante en communication. Originaire de Bordeaux, elle vit en région parisienne, dans une « banlieue mixte » comme celle du roman "Cité et pavillon", récit construit à partir d’histoires vraies, de conversations entendues, d’anecdotes glanées.

Elle a publié un premier roman, « Le chemin du Perthus »,  aux éditions l’Harmattan et animé un atelier d'écriture.

Par ailleurs, elle est co-auteur d'un blog, "cafés-croissants croisés", série de chroniques d'ambiance, de scènes de vie saisies sur le vif, dans divers cafés parisiens. (source : http://margarita-perea-zaldivar.iggybook.com/fr/)

 

L'histoire :

"Il y a des jours où rien ne se passe comme d'habitude."

Fatiha travaille chez la famille Lampelle, comme femme de ménage. Elle vit dans la cité, de l'autre côté du parc, un autre espace, comme à huis clos, une autre culture. Deux fois par semaine, elle entre dans ce pavillon et y découvre une autre vie, qui ne ressemble pas à la sienne. Ici on boit du thé en sachet ou un café trop fort, chacun reste dans son antre, son bureau ou sa chambre, on se parle peu.

Pourtant ce matin-là Fatiha va entrer de plein fouet dans un univers qui lui est parfaitement inconnu. Arthur est allongé en haut de l'escalier, le visage enfoui sous un casque noir qui amplifie son souffle, vêtu d'un déguisement noir. Il semble avoir une crise d'asthme mais Fatiha ne parvient pas à enlever ce casque. Les pompiers auront ces paroles énigmatiques pour elle : " Ah! tiens Dark Vador !..."

Que s'est-il passé ? Pourquoi le jeune lycéen était -il à la maison alors qu'il aurait dû être en cours ? Pourquoi cet étrange costume ?

Rapidement, la vie de la famille va basculer. Arthur souffre d'une addiction aux jeux en ligne à travers lesquels il s'épanouit, loin d'une réalité qui ne lui apporte que déception et dégoût. Florence, sa mère, ne le comprend pas. Enseignante dans son lycée ,elle côtoie pourtant chaque jour des adolescents dont le comportement ne laisse pas de la surprendre. Jamais elle n'aurait pensé que son propre fils puisse entrer dans ce cercle vicieux. A moins que justement leur vie de famille ne soit le déclencheur : un père absent qui travaille énormément et communique peu, ne livre pas ses sentiments, une soeur qui ne voit là qu'un délire d'adolescent.

Chez Fatiha les règles sont tout autres. Les enfants obéissent au chef de famille, Bachir, les enfants savent où est leur place. Pourtant, de l'autre côté du parc, tout n'est pas rose, nombre de jeunes "tiennent les murs" comme ils disent, les jeunes femmes doivent faire profil bas et la religion occupe une place très importante, parfois en dépit de ce qui est prôné en terre natale.

" Il faudrait que les gens de la cité sortent de temps en temps de ce territoire où tout est différent du reste de la ville (...) Moi je ne vais pas bien loin, mais au moins je traverse la rue et je sais comment on vit dans les pavillons"

 

En vrac et au fil des pages ...

(Drancy)

Je suis ravie d'avoir reçu de Livraddict, dans le cadre d'un partenariat, ce petit livre qui nous replace juste là où on doit être. Non pas du bon côté du parc, car de bon côté il n'y en a pas, chacun a ses règles, ses codes et la communication est souvent difficile entre deux cultures;mais dans l'acceptation de l'autre.

Margarita Perea Zaldivar livre une partie de son métier d'enseignante que je connais bien aussi et quelques remarques m'ont fait sourire, comme les propos de parents lors de rencontres avec les enseignants. D'autres, en revanche, m'ont rappelé comme il est difficile parfois d'être à la fois enseignante et maman, exigeante et en même temps dans l'incompréhension parfois de ce que l'on voit si bien chez les autres et si mal chez soi.

Ce petit récit est riche car aborde de multiples sujets. L'addiction aux jeux video tout d'abord et le questionnement que l'on doit avoir à ce sujet lorsqu'un adolescent en vient à ne plus apprécier la vie qui l'entoure et à se réfugier dans le jeu qui le satisfait parce qu'il s'y reconnait, y est apprécié en général, reconnu pour sa valeur de gamer. Conflit de génération que chaque parent ou enseignant se doit de régler car notre vision n'est pas non plus toujours la bonne. Il est un peu facile de dire que les jeux videos sont mauvais pour les jeunes; cela va plus loin et est bien abordé dans le roman.

Le choc des cultures sous -tend le récit. Fatiha la marocaine remplit l'espace avec sa bonne humeur, ses remarques naives, son innocence qui fait sa force puisqu'elle vit les choses simplement. Sa vie au coeur de la cité est rapporté à travers le regard d'une mère, qu'elle pose d'ailleurs sur d'autres que ses propres enfants, demandant aux uns des nouvelles, donnant des conseils à d'autres, partageant avec ses copines son étonnement face à la vie des français des résidences pavillonnaires . "Quand je traverse ces quartiers, j'ai l'impression d'être dans une autre ville et pourtant c'est bien celle où je vis, où se trouve ma cité avec ces 1200 logements. Les gens des petites maisons sont si différents : on les voit peu; leurs femmes, bien habillées, partent le matin vers la gare.Leurs gosses sont presque invisibles..."

Mais le fait que ce personnage soit aussi ouvert, offre un regard intransigeant sur sa propre culture, sur ce que sont devenues les cités, sur les dérives de certains jeunes qui vont trop loin et des femmes qui ne s'intéressent pas assez à ce qui se passe en dehors de leur quartier, sur la différence entre la vie au Maroc et la vie dans la cité.

Mon seul bémol concerne l'écriture et la différence entre les dialogues où intervient Fatiha, auxquels l'auteur a voulu donner une couleur locale, un parler approximatif dû à la langue, et les réflexions de ce personnage qui sont, elles, rédigées dans un niveau soutenu. Ce contraste fait que Fatiha perd en naturel. Normalement ses pensées n'auraient-elles pas dû, puisque rédigées à la première personne, correspondre à son langage fleuri, naif ? Or là elles ressemblent à celles de Florence, écrites sur le même registre. C'est dommage car c'est une femme sensible qui a un vrai don pour percevoir la détresse de ceux qui l'entourent. Sa simplicité est émouvante. "Le français est une Dans ma tête je pense en berbère et j'ai plein de mots. Quand je parle ma langue maternelle je fais de belles phrases ,avec des allusions, des comparaisons, des sous-entendus. Je manipule des proverbes et des dictons et je les adapte aux situations que je vis." J'aurais aimé retrouver cela dans les pensées de Fatiha.

Pour autant les deux voix qui s'entremêlent nous parlent des femmes, de leur vie de mères et d'épouses. Les hommes ne sont pas absents mais n'interviennent que sous leur regard, admiratif lorsqu'il s'agit de Bachir, plus en retrait lorsque Florence parle de Philippe.

Il n'est pas étonnant que la solution vienne de la nature, comme si l'auteur prônait aussi le retour à la terre, aux vraies valeurs, pour se sortir d'une addiction, retourner au vrai, vivre réellement ensemble. une leçon à la Voltaire !

Je vous recommande cette lecture qui m'a donné envie de lire le premier roman de Margarita Perea Zaldivar.

Je profite de ce billet pour la remercier ,d'ailleurs, pour la dédicace que j'ai appréciée.

 

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