La Bête humaine, Emile Zola
La Bête humaine, Emile Zola, éditions Folio classique, 1995, 501 pages
Genre : classique
Thèmes : amour, passion, meurtre, pulsions, machine à vapeur, ville, ouvriers, gare
L'auteur en quelques mots ...
Considéré comme le chef de file du naturalisme, Emile Zola est un écrivain français né en 1840 et mort en 1902 auquel on doit une des plus grandes fresques de la littérature : les Rougon-Macquart. Dépeindre la société française en vingt volumes lui a permis de mettre en application sa théorie de l'observation fine, scientifique, « Notre héros, écrit Zola, n'est plus le pur esprit, l'homme abstrait du xviiie siècle. Il est le sujet physiologique de notre science actuelle, un être qui est composé d'organes et qui trempe dans un milieu dont il est pénétré à chaque heure »
Les dernières années de sa vie sont marquées par son engagement dans l'affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898 de l'article intitulé "J'accuse" qui lui valut un procès en diffamation et un exil à Londres.(source wikipedia)
L'histoire:
Roubaud est sous-chef de gare et vit avec Séverine, plus jeune que lui, dans un appartement de la gare st Lazare, quartier de l'Europe, loué à la mère Victoire. Arrivé du Havre par l'express, il doit avoir une entrevue avec le chef d'exploitation au sujet d'une affaire importante,une altercation au cours de laquelle il aurait eu des mots malheureux envers le sous-préfet. Séverine, quant à elle, est insouciante, minaude. Pourtant, ce jour-là, Roubaud croit déceler un mensonge dans les propos confus de la jeune femme.Pourquoi refuse-t-elle des vacances à Doinville, terre de son enfance ? Que cache-t-elle au sujet de Grandmorin, dont la réputation de coureur n'est plus à faire? Cette bague dont elle parle lui a été offerte par son parrain Grandmorin et non par sa mère ? C'est pourtant ce qu'elle lui avait dit. Aussitôt, mu par la jalousie, Roubaud la somme de répondre et, devant sa trahison, devient extrêmement violent et obtient des aveux sous la menace."Alors, ce fut abominable. Cet aveu qu'il exigeait si violemment, venait de l'atteindre en pleine figure, comme une chose impossible, monstrueuse". Une unique solution s'impose alors à lui : se débarrasser de Grandmorin.
A la Croix de Maufras, Jacques Lantier retrouve Flore et sa tante Phasie. Située en bord de voie ferrée, la petite maison de son enfance le renvoie à un passé douloureux: "Vrai ! Tout à disparu , cette douleur qui te trouait le crâne, derrière les oreilles et les coups de fièvre brusques et cet accès de tristesse qui te faisait te cacher comme une bête, au fond d'un trou ?" demande la vieille femme. Alors qu'une discussion avec Flore lui fait prendre conscience de l'image qu'il renvoie, un homme qui abomine les femmes et n'aime que sa locomotive, Jacques devient comme fou et tente de la tuer avant de se reprendre. "Là-bas, à Plassans, dans sa jeunesse, souvent déjà il s'était questionné.", né d'une mère si jeune, Gervaise ,et d'un père encore gamin, "ce beau Lantier", "la famille n'était guère d'aplomb, beaucoup avaient une fêlure(...) cette fêlure héréditaire".
Mais alors qu'il se remet, Jacques Lantier voit passer le train sur la ligne Le Havre-Paris et aperçoit une scène qui va sceller son avenir : un homme vient d'être assassiné et jeté du train en marche...
En vrac et au fil des pages ...
A l'occasion d'un travail avec mes élèves de Quatrième, j'ai relu ce roman , le 17ème de la fresque des Rougon-Macquart. C'est avec plaisir que nous avons comparé le récit au film de Renoir qui n'aborde pas sous le même angle la tragédie qui se joue entre Jacques, Roubaud et Séverine. Le récit de Zola est bien plus violent et précis, mais se lit à la lumière de ce qui précède dans la lignée des Lantier, L'Assomoir.
Il s'agit d'un épisode où la violence est au coeur des relations. C'est ainsi du moins qu'apparaissent les hommes : Roubaud rongé par la jalousie, Lantier empoisonné par un mal héréditaire, Grandmorin qui abuse des femmes. Pour tous, les pulsions irrépressibles guident leur vie, croissent en silence puis explosent.Les femmes, quant à elles, semblent naives de prime abord mais se révèlent bientôt battante, comme Flore, ou manipulatrice, comme Séverine. Rien de bon ne peut ressortir de cela et le ton est donné dès les premières pages.
Comme toujours, le lecteur appréciera chez Zola la minutie des descriptions, de la gare St Lazare, issue d'une véritable tranchée, imaginée par Haussmann et qui rappelle les tableaux impressionnistes de Monet, à la machine, à elle seule personnage central du roman.
Car c'est comme une femme que Lantier parle d'elle,la Lison, qu'il la traite, alors que ses rapports avec la gent féminines sont justement perturbées. Au final c'est d'ailleurs sans doute la machine qui l'emporte et semble atteinte de folie, comme Lantier.
On pourrait discuter indéfiniment des sous-thèmes qui jalonnent le récit, comme la notion de progrès issus de la Révolution industrielle, les relations hommes-femmes qui concernent bien d'autres personnages, la différence entre les apparences et l'être profond de chaque personnage, car tous ici sont doubles ... Qui est la bête ?
Le thème de l'hérédité est ici souligné par Zola comme une fatalité à laquelle Jacques ne peut se soustraire. C'est un personnage ambigü, décrit comme un employé modèle, rebuté par la violence ,mais qui sombre dans la folie lors de moments passés en présence des femmes, ce qui réveille en lui des pulsions meurtrières. Victime ou monstre ?
C'est donc un récit passionnant que je vous invite à découvrir ou redécouvrir car il est parfois relégué en seconde lecture, après des tomes plus connus de la fresque de Zola. C'est dommage car il mérite toute notre attention. Extrêmement travaillé, il dévoile, à chaque relecture, un pan que l'on n'avait pas repéré. Au final, mes élèves ont préféré le roman au film !