Le Livre perdu des sortilèges, Deborah Harkness
Le Livre perdu des sortilèges, Déborah Harkness, éditions Le Livre de poche, 2012, 832 pages
Traduit de l'anglais par Pascal Loubet
Genre ; fantastique
Thèmes : sorcellerie, vampires, démons, sorcières, amour, héritage, magie
L'auteur en quelques mots ...
Née en 1965 à Philadelphie en Pennsylvanie, Déborah Elizabeth Harkness est professeur d'Histoire à l'université de Caroline du Sud. Le livre perdu des sortilèges est son premier roman et fait partie d'une trilogie.
L'histoire:
Alors qu'elle effectue des recherches dans la bibliothèque Bodléienne, Diana Bishop, éminente historienne, tombe sur un manuscrit des plus étranges. Bien que scellé, il se dévoile à elle et livre, sous la forme d'un palimpseste, ses secrets. Mais Diana a depuis longtemps rejeté de sa vie la magie, préférant se concentrer sur les faits, l'Histoire. Aussi, bien que ce livre, L'Ashmole 782, ait réveillé en elle une part sous-estimée, elle préfère le rendre à la bibliothèque et retourner à ses préoccupations : l'alchimie, sujet de ses recherches.
Autour d'elle cependant, tout un monde se révèle à la suite de sa découverte. Vampires, démons et autres sorcières la scrutent et finissent par envahir littéralement la bibliothèque, risquant à tout instant d'éveiller les soupçons des humains ou de les effrayer. Nullement terrifiée, Diana qui a fait de ses jours une vie ordinaire suite au décès de ses parents, eux-mêmes sorciers, alors qu'elle avait à peine 7 ans, refuse de comprendre ce qui se trame et d'utiliser sa magie.
C'est dans ce contexte que se présente à elle Matthew Clairmont, scientifique renommé spécialisé dans la génétique, et vampire de surcroît. Probablement plus intéressé par le fameux manuscrit, Matthew se rapproche rapidement de Diana, devenant son protecteur face à l'intérêt croissant des autres créatures.
Mais qui est réellement ce vampire et jusqu'où Diana peut-elle lui accorder sa confiance ? Il faudra bien des obstacles et une acceptation de sa véritable nature pour que Diana comprenne quels liens l'unissent à Matthew...
En vrac et au fil des pages ...
Dès les premières pages, le lecteur est immergé dans un univers plaisant et studieux, que tout passionné de littérature adore : la bibliothèque bodléienne, la plus prestigieuse de l'université d'Oxford. Le décor est posé et le personnage de Diana nous apparait comme une jeune femme assoiffée de connaissances, qui a dédié sa vie à la recherche. Pourtant, on comprend rapidement qu'elle n'est pas ordinaire et l'auteur ne tarde pas à nous révéler sa nature de sorcière.
L'histoire est, au départ, simple : les parents de Diana sont décédés dans des circonstances étranges alors qu'elle était petite. Dès lors, c'est tout un monde de magie qui s'est fermé à elle, volontairement pense-t-elle. Pour rejeter l'irrationnel, quoi de mieux que de se jeter à corps perdu dans une vie humaine des plus simples. Pourtant son sujet d'études l'amène à découvrir des livres anciens , des manuscrits liés à la magie, des détails de l'évolution alchimique qui ne laissent pas de doute sur l'origine de sa vie.
Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, dit-on ! Et il faudra attendre l'arrivée d'un personnage des plus énigmatiques pour que Diana commence à ouvrir les yeux, comprenant que tous ses efforts sont restés vains et que la magie a toujours fait partie de sa vie.
Dès lors, le couple que forment Matthew et Diana intrigue le lecteur : le généticien est-il sincère ? Pourquoi convoite-t-il lui aussi, comme toutes les autres créatures, l'Ashmole 782 ? Jusqu'où ira-t-il pour le récupérer alors que Diana semble la seule à pouvoir le retrouver ?
Il faut dire que le lecteur ne peut s'empêcher d'apprécier Matthew en même temps que ses actes nous le rendent odieux, macho, plein d'une assurance hautaine. C'est justement ce contraste entre les deux personnages qui rend le duo attachant. J'ai lu dans d'autres critiques que l'attitude de Clairmont semblait surfaite, néanmoins j'ai apprécié pour ma part qu'il soit imprégné des siècles traversés, des modes, coutumes qui l'ont façonné en tant que vampire et je trouve que ce décalage est bien marqué. Pour lui la question de l'honneur, qui peut sembler vieux jeu, l’obéissance à des codes anciens, est primordiale, ce qui semble logique même si nous le découvrons au XXI°S. A cet égard, la suite devrait nous en apprendre davantage sur lui, dévoiler sans doute une part du mystère car tout ne nous a pas été dit sur ce personnage. Il est un contraste à lui tout seul : immensément vieux dans un corps jeune, tueur et protecteur à la fois, imprégné de codes amoureux d'une autre époque mais vivant au XXI°S et chercheur émérite dans ce siècle. Bref, pour moi tout cela est logique !
Autour d'eux gravitent d'autres personnages à la personnalité bien marquée, certains sorciers, d'autres vampires ou encore démons, qui vont les guider, les accompagner dans leur quête.
Le roman est extrêmement bien documenté et l'on comprend pourquoi en découvrant que Déborah Harkness est elle-même professeur d'Histoire à l'université d'Oxford dont elle rend ici l'atmosphère palpable. La richesse des données historiques aide à plonger dans l'univers qu'elle a créé et qui nous semble logique, bien que complexe. Remontant sur des siècles, elle nous livre l'histoire de la relation entre Créatures et humains, révélant les caractéristiques précises de chacun, le pourquoi de leurs dissemblances ou des rapprochements que l'on peut voir entre chaque espèce. Certains passages peuvent sembler plus longs, notamment ceux au travers desquels on découvre les habitudes de vie des vampires. Néanmoins ce sont probablement ceux qui m'ont le plus plu car montrent le travail de l'auteur pour créer un monde bien pensé. Ainsi démonte-t-elle certaines croyances, expliquant pourquoi les humains ont créé cet imaginaire en réaction contre leurs peurs (les vampires ne se désintègrent pas à la lumière du jour...etc). La relation entre Matthew et Diana est basée sur la découverte de l'autre, de soi, le vampire ayant traversé les siècles et l'Histoire alors que Diana entre à peine en sorcellerie.
Le décor est un personnage à lui tout seul et nous en sommes convaincus en découvrant la maison familiale des Bishop, dans la dernière partie du livre. Vivante, elle réagit à ses occupants et les contraint par son comportement, à agir, claquant des portes avec colère ou au contraire les invitant, volant des objets qui peuvent réapparaitre des années plus tard ou dévoilant des secrets enfouis. Cet univers à la fois drôle et touchant, place le lecteur au coeur du récit dont il connait à présent toute la complexité. Il ne me reste plus qu'à lire la suite pour plonger dans une époque différente, comme annoncé.
J'ai beaucoup apprécié ce récit bien que j'aie craint que l'aspect romance ne prenne le dessus. Ce n'est pas le cas et les férus de littérature, d'Histoire et de fantastique en prendront plein les yeux ! Ce premier tome pose le cadre et se devait donc d'entrer dans le détail, peut-être au détriment de l'action que l'on aimerait voir avancer plus vite à la découverte de l'Ashmole 782. Dans tous les cas le suspens est ménagé, l'ambiance bien campée, pour une suite qui s'annonce palpitante.