Ecrire, Marguerite Duras

Ecrire, Marguerite Duras, éditions Folio, 2005, 123 pages

Genre : essai, conversation

Thèmes : écriture, rituels, lectures

 

L'auteur en quelques mots ...

Marguerite Duras, de son vrai nom Marguerite Donnadieu, est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, une ville de la banlieue Nord de Saïgon. A l'âge de 5 ans la jeune Marguerite vit toujours à Saïgon lorsque son père Emile meurt, en France.

Marguerite Donnadieu passe toute son enfance au Viet-Nam. En 1932, alors qu'elle vient d'obtenir son baccalauréat, elle quitte Saïgon et vient s'installer en France pour poursuivre ses études. Elle obtient en 1963 une licence en droit.

Cette même année elle rencontre un certain Robert Antelme qu'elle épousera en 1939. 

 

En 1943 Marguerite et Robert Antelme déménage, ils s'installent au 5 rue St Benoît, à Paris, dans le quartier de St Germain des Près. Robert Antelme et Dionys Mascolo se lient d'une profonde amitié et avec Marguerite entrent dans la résistance. En parallèle Marguerite Donnadieu publie un premier ouvrage sous le pseudonyme de Marguerite Duras : Les Impudents(Editions Plon). L'année suivante elle passe chez Gallimard et fournit son deuxième ouvrage, La vie tranquille. 1944 est l'année qui marque l'arrestation de son mari Robert, déporté à Dachau. Marguerite s'inscrit alors au PCF, la Parti Communiste Français. A la libération Robert Antelme est libéré dans un état critique, il rejoint son épouse dans son domicile parisien. En 1947 Marguerite Duras divorce et se remarie avec Dionys Mascolo dont elle aura rapidement un enfant prénommé Jean.

Poursuivant son œuvre littéraire, Marguerite Duras publie en 1958Moderato Cantabile; alors que les salles de cinéma mette pour la première fois à l'affiche une adaptation d'un de ses livres, Un barrage contre le Pacifique (publié en 1950) , de René Clément.

Théâtre et cinéma entrent dans son quotidien. Cette multiplication des activités fait reconnaître Marguerite Duras au niveau national. De 1960 à 1967 elle est membre du jury Médicis. Politiquement marqué à gauche malgré l'abandon de sa carte de membre du PCF, elle milite activement contre la guerre d'Algérie, dont la signature du Manifeste des 121, une pétition sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, est le fait le plus marquant. En 1963 elle commence l'écriture du Vice-Consul, puis en 1964 elle publie Le Ravissement de Lol V. Stein

Marguerite Donnadieu, dit Marguerite Duras s'est éteinte le 3 mars 1996 à son domicile parisien de St Germain des Près. (source)

Ecrire :

Trouville, table de travail

Alors que Benoît Jacquot est venu rendre visite à Marguerite Duras à Trouville, il entreprend de la filmer lui racontant un événement : la mort d'un jeune aviateur anglais de 20 ans. Au fil de cet entretien, l'auteur est revenue sur ses rituels d'écriture, ses lectures. Le Dialogue de Rome a été tourné par la suite, à partir de ces passages sur l'acte d'écrire.

Chaque pièce de sa maison est liée à l'écriture, certaines plus que d'autres : Le Ravissement de Lol V Stein et le Vice consul ont ainsi été écrits dans la chambre aux armoires bleues. Aussi loin qu'elle s'en souvienne, Marguerite Duras a toujours emporté l'écriture avec elle. C'est d'ailleurs à Trouville que les noms de ces personnages lui sont venus.

"Ma chambre ce n'est pas un lit, ni ici, ni à Paris, ni à Trouville. C'est une certaine fenêtre, une certaine table, des habitudes d'encre noire..."

"La solitude de l'écriture c'est la solitude sans quoi l'écrit ne se produit pas, où il s'émiette exsangue de chercher quoi écrire encore. Perd son sang, il n'est plus reconnu par l'auteur. Et avant tout il faut que jamais il ne soit dicté à quelque secrétaire, si habile soit-elle, et jamais à ce stade-là donné à lire à un éditeur."

" Il faut toujours une séparation d'avec les autres gens autour de la personne qui écrit les livres. C'est une solitude".

De nombreux auteurs évoquent cette solitude qui est autant bénéfique au récit qu'elle est pesante à ceux qui cotoient l'auteur.Marguerite Duras parle de la solitude du corps, qui accompagne l'écrivain dans tous les actes de sa vie lorsqu'il entreprend un livre. 

"Comme j'écrivais, il fallait éviter de parler des livres. Les hommes ne le supportent pas : une femme qui écrit. C'est cruel pour l'homme. C'est difficile pour tous. Sauf pour Robert A."

Les lieux sont importants dans l'acte d'écrire. Source d'inspiration ils donnent un souffle au livre mais aussi un espace marqué par l'écriture pour l'écrivain.C'est à Trouville que j'ai regardé la mer jusqu'au rien. Trouville c'est une solitude de ma vie entière."

Ecrire met en marche le corps. Marguerite Duras décrit l'écriture comme un retour à la sauvagerie, à la forêt profonde, comme si on se coupait de tout et que même le corps était marqué par cela. Ecrire est ce qui nous lie aux forces anciennes, c'est un acte qui a toujours existé.

Pourtant Marguerite Duras fut toujours entourée, organisant des soirées mémorables dans sa maison de Neauphle. Les Gallimard étaient là, son mari et aussi ses amants. C'est quelque chose dont elle a toujours parlé librement: "Et mes amants aussi, surtout Gérard Jarlot qui était le séducteur même..."

"C'est curieux un écrivain. C'est une contradiction et aussi un non-sens.Ecrire c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit"

 

En vrac et au fil des pages ...

Maison de Neauphle le château

Ce n'est pas facile de lire un essai, mais celui-ci n'en est pas vraiment un. C'est plutôt une conversation dans laquelle les idées se suivent, s'enchainent.

J'ai ressenti beaucoup d'émotion à la lecture de cet écrit où l'on retrouve le style de Marguerite Duras, même à l'oral ! C'est ce qui fait sa particularité, ces phrases hachées, entrecoupées. Une certaine dureté qui pourtant crée de l'émotion.

J'ai découvert cette auteur avec Un Barrage contre le Pacifique, puis l'Amant, que j'ai trouvés merveilleux. J'ai bien conscience que c'est un auteur qui ne se donne pas,qui peut rebuter même. Moi-même j'ai parfois laissé tomber, comme Moderato Cantabile.

J'ai de cette femme une image forte de personne au caractère bien trempé. J'ai retrouvé cela dans cet entretien, mais avec une douceur que je soupçonnait pas, un amour infini de ceux qui l'entourent et des lieux qui ont marqué sa vie et qu'elle a marqué en retour.

Elle y parle également de ses lectures, trouvant les oeuvres souvent trop classiques, dans le sens d'une écriture " propre". Ses auteurs à elle sont Stendhal, Michelet, Saint-Just... Mais son écriture ne vient pas de là. Elle se décrit comme d'un groupe, les "malades de l'espoir. L'espoir c'est celui que l'on met dans le rôle du prolétariat" et son inscription et son engagement au sein du PCF en sont la marque. Puis cette folie ou plutôt cette déraison qu'elle pense porter, qui fait sa marque, à force de solitude.

Si vous ne la connaissez pas ou si ses écrits vous semblent peu accessibles, je vous invite à lire cet essai.

 

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