Dans la maison de l'autre, Rhidian Brook
Dans la maison de l'autre, Rhidian Brook, éditions Fleuve Noir, 2013,334 pages
Genre : roman contemporain
Thèmes : seconde guerre mondiale, partage de l'Allemagne, cohabitation, reconstruction, passé, nazisme, amour, pardon
L'auteur en quelques mots ...
Romancier, scénariste et journaliste, né en 1964, Rhidian Brook vit et travaille à Londres pour la télévision britannique. Son premier roman, Le Témoignage de Taliesin Jones, a reçu plusieurs prix et a été adapté au cinéma. Outre ses nombreux articles pour divers journaux , il est aussi l'auteur de Jésus et la publicitaire, Plus que les yeux peuvent voir et The Aftermath traduit par Dans la Maison de l'autre..
L'histoire :
Lewis Morgan, colonel de l'armée britannique, est envoyé en Allemagne afin de superviser la reconstruction d'un territoire désormais partagé entre les alliés. La procédure de dénazification est engagée et tout allemand doit apporter la preuve de son innocence, de sa non-participation au régime nazi, en remplissant un questionnaire élaboré par les britanniques. Dehors les ruines de l'Allemagne abritent le peuple avili, mort de faim, encore porteur de l'espoir que le furhër a instillé dans les jeunesses hitleriennes. Chaque jour est un défi pour ces gens qui voient les Tommy s'approprier un territoire qui fut le leur. Dans ces circonstances, de nombreuses riches familles allemandes sont délogées pour laisser place aux officiers britanniques, envoyés là avec leur famille. C'est d'une somptueuse villa qu'héritera Lewis. Pourtant il ne parvient pas à imaginer l'installation de sa propre famille en lieu et place de celle qui occupe la maison actuellement. Herr Lubert , architecte contraint désormais de travailler à l'usine, vit ici avec sa fille Frieda. Eploré par le décès de sa femme durant la guerre, il se montre avenant et soumis.Touché par sa situation Lewis propose alors de partager cette grande demeure et de permettre à la famille Lubert ainsi qu'à leurs employés de vivre sous son toit. Une situation hors norme qui surprend, effraie, mais qui aux yeux de l'armée britannique peut aussi se révéler porteuse. Commence alors une cohabitation qui est tout sauf évidente : comment cotoyer quotidiennement celui que l'on pense être son ennemi ? Quelle attitude adopter ? Quelle liberté laisser à une famille allemande qui a peut-être participé activement au nazisme ? Autant de question que se pose Rachel Lewis et que contourne son fils Edmund qui, comme son père, a foi en l'homme. Pourtant le ressentiment n'est pas le sentiment le plus dangereux que va devoir affronter Rachel...
En vrac et au fil des pages...
J'ai beaucoup apprécié ce roman qui se présente sous la forme d'un ample récit mêlant diverses histoires qui s'entrecroisent et se complètent : la vie désormais bouleversée de cet architecte allemand et sa fille qui acceptent la proposition du colonel britannique de partager un logement; l'installation de la famille Lewis en perte de repères dans une Allemagne dévastée par la guerre et qui vit comme une ingérance le fait de devoir loger dans la maison d'un autre; l'évolution des enfants qui s'apprivoisent peu à peu; et puis le peuple qui sillonne les ruines, espère et maudit, fomente une révolte et n'accepte pas la soumission.
Le mystère qui entoure Herr Lubert permet au lecteur de rester en haleine, se demandant ce qui va se passer, ce qui pourrait inverser la situation. Cet homme est-il plus puissant qu'il ne veut bien le dire ? Quel fut son rôle sous le régime bazi ? Et cette trace au-dessus de la cheminée: un cadre l'a occupée. Est-ce , comme le prétend Mrs Burnham, un portrait de Hitler que l'on aurait enlevé précipitamment ?
On ne sait de qui avoir pitié mais l'on sent l'inévitable rapprochement entre Rachel Lewis et Stefan Lubert arriver. Tout ce qui les rapproche : la perte d'un être cher, la musique, est peut-être aussi ce qui les révèlera l'un à l'autre. Je ne veux pas trop en dire car la beauté de ce roman réside justement dans les rapports humains : un couple qui s'est perdu suite au décès brutal d'un enfant, un homme et une femme qui vivent sous le même toit mais ont perdu ce qui faisait d'eux un couple amoureux. Il ne s'agit pas dans ce récit que de la reconstruction de l'Allemagne mais aussi celle de ceux qui l'habitent, qu'ils soient allemands ou alliés placés là .
A côté des discours grandiloquents de ces dames britanniques, apparait la réalité cruelle. C'est ce constraste qui fait aussi la force du récit.
Le petit plus est sans doute que ce roman tire ses origines d'une hsitoire vraie, comme le rappelle l'auteur en exergue : " En 1946, mon grand-père, le colonel Walter Brook, se trouva au coeur de ce "moment" qui allait le marquer profondément.(...) A la recherche d'un toit il dut réquisitionner la demeure d'un riche marchand .Mais au lieu d'en expulser les propriétaires il quelque chose, d'après mes recherches, d'unique : il les autorisa à rester, considérant la maison suffisamment grande pour accueillir les deux familles."
Un roman à découvrir donc.