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Dans la ville d'or et d'argent, Kénizé Mourad, Editions Robert Laffont
Le Livre de poche, 2010, 496 pages
Genre : roman historique
Thèmes : Compagnie anglaise des Indes orientales, colonisation, indépendance,
règne, moeurs
L'auteur en quelques mots ...
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Kenizé Mourad est une romancière et journaliste française d'origine turco-indienne.
Née à Paris en 1940, Kenizé de Kotwara est la fille d’une princesse turque, membre de la Dynastie ottomane (petite-fille du sultan Mourad V par sa mère Hatidjé Sultane) mariée à un rajah indien mais réfugiée à Paris .Chargée de couvrir le Bangladesh et le Pakistan dans un premier temps ôur le Nouvel Obs, elle devient Correspondante de guerre au Bangladesh, en Ethiopie, au Liban.
Elle  quitte le journal en septembre 1982 pour se lancer dans l’écriture. Elle publie en 1987 un roman racontant l’histoire de sa famille De la part de la princesse morte.En 1998, elle publie la suite de son premier roman, Le Jardin de Badalpur. En 2003 elle publie Le parfum de notre terre, voix de Palestine et d'Israël, un livre d'interviews et de portraits d'hommes, de femmes et d'enfants palestiniens et israéliens, pour tenter de faire comprendre le drame des deux peuples.

 

L'histoire : Malika Kishwar, mère du roi Wajid Ali Shah, est hors d'elle.

" Comme elle hait ces Angrez qui se comportent ici en maitres et, jour après jour, humilient son très respecté souverain." Soutenue par les deux premières épouses du roi elle regrette l'ingérence de plus en plus grande de la Compagnie anglaise des Indes orientales  qui réduit les pouvoirs du roi et s'approprie le royaume. Wajid Ali Shah continue pourtant à vivre selon les plaisirs entre divertissements et poésie. Cet après midi là justement, il s'émerveille d'un spectacle satirique élaboré par Hazrat Mahal. " Je te savais poète mais j'ignorais que tu possédais le don acéré de la satire.(...) Tu mérites vraiment le surnom que je t'ai donné: Iftikhar un Nissa, "La fierté des femmes". Pourtant ce surnom attise la jalousie au sein du zénana . Quelques années plus tôt Muhammadi, orpheline recueillie pâr son oncle brodeur de soie, fut recrutée par Amman et Imaman , "anciennes courtisanes qui écumaient la ville et ses environs à la recherche de jolies filles qu'elles formaient au bonnes manières, à la danse et aux arts divers avant de les proposer aux harems des aristocrates ou, pour les plus douées, au harem du roi". C'est là qu'elle fit la rencontre de Mumtaz et devint une poétesse. Désignée par les deux courtisanes elle avait rejoint la cohorte des "fées" du roi et s'était illustrée par ses talents de déclamation. Le roi l'avait alors choisie et élevée au rang de Nawab Hazrat Mahal à la naissance de leur enfant. Accompagnée de son fidèle intendant Mammoo, eunuque qui la tient informée de la vie dans Lucknow, elle se fit une place de choix au sein du zénana.

Pourtant les temps changent et le royaume d'Aswadh devient une colonie anglaise sous domination étrangère. Le roi, peu enclin à s'opposer aux colons, s'est réfugié dans une vie de musique et de poésie qui lui permet d'oublier l'oppresseur. Mais en 1856 il est exilé à Calcutta pour avoir voulu se rendre auprès de la reine Victoria à Londres et plaider sa cause.La mère de Wajid Ali Shah convie alors  Hazrat Mahal et son fils Birjis Qadr à rester afin d'être les yeux et les oreilles du roi. Dès lors, le royaume, privé de son roi , menace de sombrer. Mais c'est avec courage et détermination qu'Hazrat Mahal , en dépit de toutes les critiques,mènera la lutte contre l'ennemi anglais , ouvrant ainsi la voie à la libération des Indes ...

En vrac et au fil des pages : Kénizé Mourad rappelle à la fin du roman que l'histoire de cette femme hors du commun n'a jamais été racontée. Il s'agit pourtant d'un destin étonnant et lorsque l'on se penche sur cette vie extraordinaire, c'est tout un pan de l'histoire de l'Inde qui s'ouvre devant nos yeux.

Je ne connaissais pas Hazrat Mahal avant de débuter la lecture de ce roman richement documenté et remarquablement bien écrit. J'avoue que ce roman m'a donné envie d'en savoir plus sur cette Bégum, aussi poursuivrai-je les recherches la concernant. J'ai particulièrement apprécié les détails concernant la domination anglaise, les tensions entre les peuples et, finalement, les éclaircissements sur cette période de l'Histoire que l'on ne rapporte pas toujours avec le regard de l'opprimé. L'ingérence de la Compagnie Orientale des Indes est souvent passée sous silence. Les tortures sont ici rapportées sans fard ( âmes sensibles, ces passages vous heurteront peut-être mais il s'agit de faits avérés comme me démontrent les notes bibliographiques) et l'on découvre combien les joyaux d'une civilisation décrétée alors comme "sauvage" ont disparus, à jamais détruits par la soif de pouvoir et le désir de "civilisation" des européens. Lucknow, capitale du royaume , alors nommée "ville d'or et d'argent", devient sous le joug britannique la proie de tortionnaires. Défendue becs et ongles par les cipayes suivis par le peuple tout entier, elle deviendra un symbole de lutte.

Au-delà des faits politiques c'est un magnifique destin de femme que nous rapporte ce roman. L'amour n'est pas absent, bien au contraire, apportant une touche de fraicheur à cette lecture. Bien que le destin de Hazrat Mahal soit connu, le récit n'en est pas moins envoûtant. L'écriture est propice à cela puisque le style , fluide, évite les écueils d'une accumulation de faits. On suit l'ascension de la bégum, sa détermination face à un monde d'hommes qui l'accuse de ne pas respecter la purdah ,pris dans le tourbillon de l'Histoire en marche.Elle fut la première à tracer la voie de la libération des Indes. On l'oublie souvent au profit de Gandhi des années plus tard. Pourtant elle a laissé de nombreuses marques de son passage et l'Histoire de l'Inde porte la marque de la révolution de celle que même les anglais nommaient "l'âme de la révolte" .   

On appréciera les riches descriptions des palais, tenues vestimentaires et bijoux , symbole de la richesse et du luxe dans lequel évoluait la cour. " Sous des arceaux de fleurs rares décorés de filigranes d'or, d'immenses tables sont dressées, recouvertes de mets délicats nappés de feuilles d'argent plus fines qu'une aile de papillon (...) Awadh s'enorgueillit d'avoir poussé à l'extrême le raffinement de la cuisine moghole. La moindre volaille est nourrie d'ananas, de grenades et de jasmin pour en parfumer la chair et les jeunes sont abreuvés de lait au musc et au safran." Un décor des mille et une nuits !

Merci aux éditions Robert Laffont le Livre de poche et à Livraddict
pour ce partenariat.
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