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Des Pêches pour Monsieur le curé, Joanne Harris, éditions Charleston, 2012, 490 pages

Genre : roman contemporain

Thèmes : gourmandise, immigration, tolérance, magie, enfance

L'auteur en quelques mots ...

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Née en 1964 d'un père anglais et d'une mère française, joanne harris. Après des études de lettres modernes et littérature médiévale à Cambridge, elle a enseigné durant 15 ans. C'est à cette période qu'elle écrivit trois de ses romans, dont Chocolat qui fut adapté au cinéma. Depuis elle a publié 14 autres écrits : nouvelles , livres de cuisine ou romans. Membre honoraire de l'université St Catherine, elle participe à de nombreux jury.

Puisque nous sommes en plein week end de pâques je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir ...

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Précisons tout de suite que si vous n'avez pas lu Le Rocher de Montmartre mais avez apprécié  Chocolat , vous pouvez vous lancer sans hésiter dans la lecture des Pâqhes pour Monsieur le curé, vous ne serez pas perdu.

L'histoire:

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"Un jour, une femme m'a appris qu'en France seulement, deux cent cinquante mille lettres par an étaient distribuées à des gens qui sont morts. Ce qu'elle ne m'a pas dit c'est que, parfois, ces morts-là répondent".

Sur sa péniche en bord de Seine, Vianne vit avec Roux, Anouk et son dernier petit trésor : Rosette. Paris au mois d'août est un calvaire, un désert brûlant et chacun vaque à ses occupations. "Anouk a quinze ans. Où va le temps qui passe ?". Rosette communique peu mais se montre très éveillée. Très attachée à son père, elle semble posséder un langage qui lui est propre, fait de gazouillis et de petits bruits malgré ses huit ans. Elle communique par la langue des signes, ce qui lui correspond très bien. Que pourrait vouloir Vianne au delà de ce bonheur ? Elle fabrique toujours des chocolats, truffes et autres délices. Pourtant ce jour-là elle fait appel au vent, " à l'un de ces petits vents chauds et espiègles qui affolent les chats, font fuir les nuages et soulèvent les jupons (...) un petit souffle de vent seulement et une formule magique...". Qu'apportera le vent cette fois ? Une lettre. Une lettre qui la renverra des années plus tôt, souvenirs de Lansquenet, d'un village qu'elle a aimé bien qu'il ne l'ait pas accueillie à bras ouvert. Une passante sur le pont des arts, une "musulmane au visage voilé" annonciatrice d'un voyage, d'un retour aux sources dans la maison de sa vieille amie Armande décédée des années plus tôt, à la rencontre d'une communauté musulmane qui a du mal à s'intégrer au village et d'un curé qui a bien changé...

En vrac et au fil des pages ...

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J'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, suite de Chocolat qui se lit bien même si, comme moi, on a raté le livre du milieu, l'épisode au cours duquel Vianne quitte Lansquenet pour se rendre à Paris. Peu importe, on n'est pas perdu au coeur de la gourmandise. Ecoutant le vent du Nord, Vianne retourne dans le village qui l'a si mal accueillie des années plus tôt et où elle s'est liée d'amitié avec Armande. 

La sournoise Armande avait sans doute prévu que Vianne patirait... et qu'elle reviendrait. Lorsque Luc Clairmont, son petit fils, prend possession des  biens qu'elle lui a légués , il tombe sur une lettre à n'ouvrir que le jour de ses vingt et un ans. Or elle contient une missive pour Vianne. Et voilà reparti le malicieux vent qui mène la famille vers Lansquenet sous Tannes qui a connu bien peu de changements. En apparence du moins car la vie y est toujours aussi compliquée.

Joanne Harris nous entraine pourtant dans une toute autre histoire où il est aussi question de différence et de tolérance et où vient se mêler la religion. Mais ici ce n'est plus Vianne qui est prise à parti mais une communauté venue s'installer sur les bords de la Tanne, qui tout comme les "rats de rivière" du premier roman effraie et intrigue à la fois. Le thème est d'actualité : comment faire cohabiter la religion catholique et la religion musulmane au sein d'un même village ? "je déteste le niqab parce qu'il permet à la personne qui le porte de rompre les liens avec les autres, de ne pas se livrer aux actes sociaux les plus simples et pourtant susceptibles de rapprocher deux cultures différentes", ainsi s'exprime l'abbé Reynaud qui résume ce que pensent les habitants de ce petit village, surpris de l'installation de ces nouveaux concitoyens. La nouvelle génération de filles musulmanes cherche à se libérer du niqab et affronte les membres de la communauté qui souhaient voir la femme voilée. Rapidement l'on comprend qu'une autre raison motive le port de cette tenue mais il faudra attendre pour lire l'explication qui fait froid dans le dos. Peut-être le sujet de la cohabitation n'est-il pas assez approfondi mais c'est ici un roman sur les relations humaines qui nous est livré, la nécessité du dialogue et de l'ouverture aux autres.

Où il est question de la construction d'une mosquée, d'une école coranique incendiée, d'une mystérieuse femme voilée qui effraie la communauté chrétienne et semble en marge de sa propre famille, de la prise de conscience d'un curé bani pour une faute qu'il n'a pas commise et d'un rapprochement par le biais de la gourmandise. Car nous sommes en période de Ramadam, ce qui ne facilite pas la communication entre les deux cultures mais permet des instants de partage à la tombée de la nuit, autour de pâtisseries et de chocolats. Ici les femmes mènent la danse et les hommes cherchent leur place, les enfants montrent parfois la voie et la vérité n'est pas toujours où on le croit.

C'est aussi une nouvelle étape pour Vianne qui va devoir faire fi de ce qu'elle a toujours cru juste et vrai. La fuite à Paris, la vie avec Roux qui cache peut-être un secret, les retrouvailles avec Joséphine qui semble vouloir l'éviter ...

Ce qui m'a un peu génée peut-être est le décalage entre la vie pittoresque de ce village, le personnage de Vianne pétri de bonnes intentions , la gourmandise qui crée une échappatoire d'un côté et puis de l'autre un sujet épineux. L'on sent que l'auteur a envie de s'atteler à ce thème, part parfois sur la voie du terrorisme qui sous- tend les reflexions de certains personnages mais s'arrête, se freine elle-même, ce qui est dommage. L'intention est bonne mais l'on va trop loin ou pas assez et cela crée parfois une sensation étrange à la lecture. Plusieurs intrigues se mêlent : les révélations faites à Vianne qui la conduisent sur une piste personnelle qu'elle aimerait explorer et la vie de cette femme voilée, intrigante, que l'on nous décrit comme instigatrice de désordre, autoritaire mais en laquelle Vianne croit voir une faille. Peut-être est-ce ce mélange qui crée cette impression.

Un roman à lire dans tous les cas pour le plaisir , pour la plume poétique, alerte et fine, pour les descriptions gourmandes et l'évocation des souvenirs et des instants de bonheurs, pour la leçon de tolérance.

J'avoue que je suis sous le charme de la plume de Joanne Harris dont j'envisage de lire Cinq quartiers d'orange.


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