Du sang sur la soie, Anne perry
Du sang sur la soie, Anne Perry, éditions 10/18, 2010, 747 pages
Genre : roman, récit historique
Thèmes : Orient, occident, débat théologique, guerres, religion, médecine, succession, croisades, Byzance, Constantinople, Venise
J'ai aussi lu de cet auteur :
Le Mystère de Callander Square
L'histoire
Sainte Sophie
Bessarion vient d'être assassiné et avec lui l'espoir qu'il devienne empereur. Les soupçons portent aussitôt sur Justinien Lascaris et Antonin mais le complot est bien plus vaste. Michel Paléologue est désormais empereur, favorable à une alliance avec Rome.
Nous sommes en 1273."Debout sur la jetée de pierre, Anna Zaridès contemplait le phare de Constantinople, au-delà des eaux noires du Bosphore (...) Sainte Sophie, la plus grande église du monde, la plus belle aussi, le coeur et l'âme de la foi chrétienne". Là-bas elle sera Anasthasius, médecin eunuque, et se fraiera un chemin au sein de la ville afin d'en apprendre plus sur la disparition de son frère jumeau, Justinien. L'entreprise est périlleuse car , découverte, elle serait sans doute tuée, bien qu'appartenant à une famille impériale de Nicée. D'autant que, rapidement, ses compétences l'amènent à cotoyer les plus grands : Zoé Chrysaphès, sa fille Hélène, veuve de Bessarion, l'empereur Michel Paléologue, l'évêque Constantin et bien d'autres.
Derrière les reflets chatoyants de la soie, les complots se trament, les alliances se font et se défont au rythme des ententes entre Orient et Occident. Charles d'Anjou envisage de conquérir Constantinople, Byzance et d'étendre son empire en Orient. L'accord de conciliation semble n'être qu'un leurre et ses actions font craindre le pire. Décimée par la mise à sac de 1204 menée par Dandolo; Constantinople , soixante-dix ans plus tard,se remet à peine et ne pourrait se défendre contre l'agresseur. Les familles se déchirent et n'hésitent pas à empoisonner, emprisonner ou exiler quiconque se dresse sur leur route. Car les intérêts sont grands et les mauvaises alliances peuvent inverser les pouvoirs.
Dans cette atmosphère tourmentée, Anna alias Anasthasius en apprend chaque jour davantage, courant le risque d'être reconnue comme une femme, et prend de plus en plus d'importance au sein de la société, assurant le lien entre l'église chrétienne et les émissaires des papes qui se succèdent, la foi orthodoxe et les envoyés des doges vénitiens. Le jeune Giovanni Dandolo est d'ailleurs l'un de ses derniers. Abandonné par sa mère byzantine alors qu'il était jeune , il revient sur la terre maternelle et découvre ses origines qu'il pensait devoir renier. Dès lors, lui-même doit livrer une bataille personnelle entre fidélité à Venise, attachement à la lignée Dandolo et protection de Constantinople.
En vrac et au fil des pages ...
prise de Constantinople par les Croisés en 1204- E.Delacroix
Il est difficile de parler de ce roman très dense et riche sans trop en dévoiler. L'intrigue est complexe car entraine le lecteur sur plusieurs territoires : Italie, Sicile, France, Moyen-Orient et dans nombre de complots. Heureusement le fil conducteur, assuré par la question religieuse, permet de rapidement lier les divers épisodes qui constituent le roman. Nous sommes en 1273, la chute de constantinople dont chacun a entendu parler par les livres d'Histoire, n'aura lieu qu'en 1453. Anne Perry choisit donc de relater un épisode situé dans la période byzantine.La ville a perdu ses ressources, commerciales, armées et se trouve donc affaiblie. Venise, elle, connait la prospérité. C'est ici le récit d'une victoire qui sera de courte durée.
Les données historiques sont nombreuses et détaillées. Cependant il m'a semble qu'elle étaient bien amenées car fondues dans l'aspect romanesque de l'ouvrage. L'on comprend ainsi beaucoup mieux comment une alliance peut être défaite sitôt qu'un pape décède et est remplacé par un autre, promu non pour ses qualités mais par rapport à ses capacités à fédérer les troupes autour d'un projet. Le Vatican tient les renes de la chrétienté.L'orthodoxie est donc constamment menacée, subissant des jeux de pouvoirs qui dépassent les hommes. A Byzance, les grandes familles sont donc partagées entre celles qui prônent l'allégeance à Rome afin d'éviter tout conflit et celles qui pensent qu'il faut lutter afin de ne pas être soumis.
Les descriptions permettent d'entrer dans l'histoire en conférant un côté visuel très fort au roman: la soie, l'or, les couleurs chatoyantes, la nourriture et le vin, participent à la peinture d'une vie aux allures des mille et une nuits.De même Vanise est-elle décrite à travers le regards du jeune Giovanni Dandolo, comme majestueuse. Tout cela nous transporte.
Je connaissais Anne Perry par ses intrigues policières ( la série des Pitt ou les contes de Noel) mais je dois dire que j'ai beaucoup apprécié ce roman dont le sujet renouvelle la plume. Certains trouveront quelques longueurs peut-être dans le détail des plans de bataille notamment, mais elles servent le propos . La complexité des personnages participe aussi à cette impression que l'on entre facilement dans le roman pour en sortir enrichi.
Je vous recommande cette lecture ;)