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Kafka sur le rivage, Haruki Murakami, éditions 10/18, 2007, 638 pages

genre : roman fantastique

Thème : solitude, lecture, amour, mondes parralèles, malédiction, sagesse

 

L'auteur en quelques mots ...

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retrouvez la présentation de l'auteur sur les billets suivants :

Les Amants du Spoutnik

1Q84 tome 1

1Q84 tome 2

1Q84 tome 3

Après le tremblement

 

L'histoire

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Illustration d’après le roman Kafka sur le rivage de Murakami, Fabien Doulut

Automne 1944, alors qu'une institutrice amène les enfants de sa classe en sortie scolaire dans une forêt, se produit un événement des plus étranges. Le ministère de la Défense des Etats Unis a rendu public en 1986 ce dossier top secret dans lequel on apprend que des enfants se sont tout à coup effondrés, comme hypnotisés, pendant plusieurs minutes, suite à l'apparition dans le ciel d'un B29. Seize enfants inconscients ,dont un fut plongé dans un coma profond et s'en réveilla totalement amnésique mais porteur d'un don bien singulier.

Epoque actuelle. Kafka a choisi ce prénom en référence à l'oeuvre La Colonie pénitentiaire, qu'il voit comme son propre destin. La prédiction de son père lui annonce une malédiction semblable à celle d'Oedipe ( tu tueras ton père et coucheras avec ta mère). Pour fuir cette funeste destinée, Kafka s'enfuit de son domicile et est curieusement poussé vers la ville de Takamatsu au sud du Japon. Accompagné d'un être imaginaire, sorte de conscience qui le guide, Le Garçon nommé Corbeau, il rencontrera sur son chemin des personnages solitaires et étranges en lesquels il retrouvera la fratrie perdue. Car sa mère a quitté la maison alors qu'il était à peine âgé de quatre ans, emportant avec elle sa soeur et le laissant, lui, seul avec son père. " J'ai l'impression de suivre un chemin que quelqu'un d'autre a déjà tracé pour moi". Caché par Oshima dans une bibliothèque, refuge qu'il affectionne pour sa proximité avec les livres et une certaine Mlle Saeki, Kafka va découvrir peu à peu les liens qui l'unissent à ce lieu et ces personnes.

Parallèlement Nakata, vieillard solitaire et amnésique depuis un événement qui s'est produit dans son enfance, vit à Nagano. Il gagne sa vie d'une pension versée par le préfet et de sa recherche de chats égarés pour le compte de quelques voisins. Son don particulier ( il parle avec les chats) lui permet de rester en contact avec son environnement. C'est ainsi que ses pas le mèneront jusqu'à un personnage étrange et violent qui dit s'appeler Johnnie Walken et qui vole l'âme des chats en les dépeçant.

Commence alors pour  Kafka et Nakata une quête guidée par des forces surnaturelles, oniriques , qui conduiront l'un à ouvrir la porte, l'autre à passer de l'autre côté.

En vrac et au fil des pages ...

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illustrations Fabien Doulut

Encore une fois je suis séduite par l'univers onirique de Murakami, ce mélange subtil de réalité et de fantastique. Comme toujours le début du roman est ancré dans la réalité mais les personnages prennent tout de suite une profondeur particulière. Ici Kafka Tamura est un adolescent âgé de 15 ans. Cependant ses réactions, ses réflexions ne sont pas celles d'un jeune de son âge. Peu à peu sa vie se dévoile, se révèle au lecteur et l'on comprend que son cheminement ne fut pas simple.

Poussé par une force qui le dépasse, Kafka n'a de cesse d'échapper à la malédiction oedipienne dans laquelle l'a enfermé son père, un artiste solitaire dont on ne sait s'il est un être maléfique. C'est pourtant cette malédiction qui représente la quête du personnage et c'est en l'accomplissant qu'il va se libérer.

Les personnages sont sensibles, posés et ouverts, comme souvent chez Murakami. Cette sensibilité les rend énigmatiques, comme s'ils n'éaient aps en prise avec le réel. Rapidement les destins se croisent et l'univers de l'auteur nous échappe. Il faut alors se laisser porter sans chercher à comprendre pourquoi tel élément se trouve là. Lorsque les choses s'emballent vers la fin, le lecteur découvre que la clé du roman est justement dans le non sens, dans le rêve, dans les émotions. On aimerait en savoir plus sur ce que va vitre Kafka mais les dernières lignes nous permettent juste de nous projeter. C'est un peu le papillon qui émerge de la chrysalide et dont on a suivi la lente maturation, le parcours de l'adolescent vers l'homme.

J'ai particulièrement aimé le personnage de Nakata, vieillard sénile , poussé par une mission que lui-même ne comprend pas et qui ouvre comme toujours les chats sont présents dans le roman et prennent ici la parole, accompagnant celui qui sait les entendre. La musique qui accompagne l'oeuvre est ici Haynd, Beethoven et les grands tubes des années 70. Les références subtiles à la mythologie ( Orphée) guident la lecture.

Paradoxalement ce roman recèle une grande violence. Le sang, le meurtre, occupent une grande place bien que ces éléments ne prennent pas le dessus. Certaines descriptions sont assez insoutenables alors même que le roman dans son ensemble est assez doux et fluide. On comprend peu à peu que cette violence est en Kafka mais qu'elle n'explose pas par lui. Elle est latente.

Le récit se présente à la fois comme une quête spirituelle, un roman initiatique et un essai sur le condition humaine. Les mondes s'imbriquent , ne sont jamais réellement séparés et passer de l'un à l'autre  ( ce que l'on retrouvera dans 1Q84) permet tantôt d'inverser le cours des choses, tantôt de remettre l'univers en bon ordre. L'enchâssement des trois récits ne rend pas la lecture difficile car l'on comprend vite que tout est en lien bien que les trois éléments assument une vie indépendante.

Avec Murakami il faut accepter de passer de l'autre côté du miroir.

 

abc 2014

 

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