L'Elixir d'amour, Eric Emmanuel Schmitt
L'Elixir d'amour, Eric Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, 2014,
Genre : récit épistolaire
Thèmes : séparation, amour, amitié, estime de soi, reconstruction
Merci aux éditions Albin Michel pour ce martenariat.
L'auteur en quelques mots ...
On ne le présente plus mais tout de même je vous renvoie aux précédents billets
ainsi qu'au challenge Eric Emmanuel Schmitt
L'histoire
Adam et Louise se sont séparés suite à une énième tromperie d'Adam. Ce dernier a une conception particulière de l'amour : le corps est indépendant de l'esprit et se donner à une autre femme ne trahirait en rien les sentiments forts que l'on voue à sa compagne. Louise, elle, veut l'exclusivité aussi a-t-elle décidé de mettre un océan entre eux deux.
A l'occasion d'une lettre Adam propose à son ex-compagne de lier des liens d'amitié en correspondant régulièrement et en se livrant. Débute alors un échange de mail dans lequel chacun donne sa vision de l'amour, reproche, avoue et semble avancer vers une solution qui leur permettrait de faire le deuil de leur relation.
Pourtant lorsqu'une jeune collègue de Louise apparait dans la vie d'Adam, tout bascule. Est-il possible de provoquer l'amour ? Le filtre tant décrit dans les mythes existe-t-il ? Adam, psychanalyste, est persuadé que le stratagème est possible. Mais parfois, tel est pris qui croyait prendre...
En vrac et au fil des pages ...
Après Les Perroquets de la place d'Arezzo dans lequel l'auteur s'interrogeait sur les rapports entre amants, il nous livre ici ce qui ressemble davantage à une nouvelle épistolaire. Concis, cet échange de mail entre Adam et Louise m'a rappelé les écrits d'Alexandre Jardin. Je pense que cela tient à la vision que les personnages ont de l'amour : non exclusif pour l'un dans l'attirance physique puisqu'Adam avoue avoir connu d'autres femmes mais n'avoir jamais pensé qu'à Louise, exclusif et même possessif pour Louise dont on découvre à la fin le côté manipulateur.
J'ai apprécié cet échange pour ce qu'il révèle des personnages, pour sa construction et ce que l'on devine. Car il faut dire que le lecteur est envoyé sur de fausses pistes par le fait que l'on fait confiance à ce que nous livrent Louise et Adam. Ici pas de narrateur extérieur au récit pour nous aiguiller. On suit donc le cours de la correspondance en se disant que les deux protagonistes ont refait leur vie et que leurs écrits sont un moyen de passer à autre chose, de faire le deuil de leur relation. Cependant, comme souvent avec Eric Emmanuel Schmitt, la réalité n'est pas si simple.
On retrouvera en Adam un petit quelque chose du Don Juan de La Nuit de Valognes.
Evidemment la vision du couple est bien différente selon que l'on est un homme ou une femme et Eric Emmanuel Schmitt redevient ici philosophe pour nous livrer les ressorts de l'amour, démonter aussi les grandes théories des personnages et souligner le fait que rien n'est jamais figé. Adam et Louise se trompent eux-mêmes, se leurrent et découvrent finalement une autre facette de leur personnalité par le biais de cet échange qui est peut-être une forme de catharsis. On retrouve quoi qu'il en soit l'auteur dramaturge que l'on apprécie tant dans cette approche épistolaire.
L'auteur glisse souvent dans ses écrits une référence à un mythe littéraire : ici Tristan et Yseult, le filtre d'amour revisité en une question : est-il possible de faire renaitre/naitre l'amour ? On se dit que non jusqu'à la dernière page .... mais je n'en dis pas plus !
L'auteur glisse au détour d'une page une reflexion intéresante sur la différence dans l'approche séductrice au Canada et en Europe. J'avais déjà entendu dire que les femmes canadiennes étaient plus directes, avaient une approche plus franche et concrète. ici la confrontation amène Adam à être déstabilisé, ce qui semble rétablir l'idée qu'il n'y a pas justement de stéréotype en amour, ce que les mauvaises critiques de ce roman ont pourtant souligné dans le texte de Schmitt.
Un petit roman qui se lit vite, trop vite Monsieur Schmitt. On n'a pas le temps de s'attacher aux personnages qu'ils sont déjà partis. Et en même temps je me demande si le genre épistolaire accepte la longueur.
Merci aux éditions Albin Michel de m'avoir permis de découvrir ce dernier écrit.