La Chambre, Françoise Chandernagor
La Chambre, Françoise Chandernagor, éditions Folio Gallimard, 2002, 457 pages
Genre : roman historique
Thème : enfermement, enfance, Louis XVII, Révolution, Terreur
L'auteur en quelques mots ...
Née en 1945, Françoise Chandernagro est membre de l'académie Goncourt. Elle aime à préciser qu'elle est descendante de maçons creusois et d'un esclave indien. Entrée à 21 ans à l'ENA, elle en sort major mais ne poursuit pas dans le Droit, bien qu'elle soit la première femme à obtenir ce rang.Elle occupe diverses fonction dans l'administration extérieure, au Conseil d'Etat.En 1981 elle publie L'Allée du roi et commence ainsi sa carrière d'écrivain.
L'histoire
'Le tour de l'ile : vingt quatre pas. Six du nord au sud et d'est en ouest, depuis la porte d'entrée jusqu'à la fenêtre. (...) A l'origine du crime qu'y avait-il ?'
Voilà encore quelques jours il pouvait aller et venir dans cette maison. Mais ils ont muré la pièce, cloisonné autour de lui un espace qui va devenir son cachot. Un espace pourtant qu'il connait bien et qu'il apprécie, avec ses tableaux qui lui permettent de s'évader, les histoires qu'il se raconte et ce lit-refuge dans lequel il se blottit la nuit venue, de crainte que les fantômes qui l'entourent ne l'attrapent.
Pourtant peu à peu tout change. Les gens qui venaient l'observer par la fenêtre ne viennent plus. D'ailleurs on a fermé la fenêtre et désormais seul un point de jour lui permet de se repérer. Bien sûr on le nourrit mais on ne change plus son linge. pourtant il en a fait des efforts : rester propre, poli, ne pas réclamer, dénoncer quand il le faut. Oui dénoncer sa tante et sa mère en les accusant d'inceste comme on lui a dit de le faire.
Tout autour de lui change sans cesse : ses gardiens, les règles, les lois. On dénonce à tout va, qui son voisin, qui sa mère pour garder la paix ..la vie. Ceux qui se succèdent ne savent même plus qui ils gardent et pourquoi il importe que l'enfant ne meure pas. Depuis le départ de M. Simon et sa femme tout a changé.
Lui a un vague souvenir de ses parents, de la chaleur du corps maternel, des mots doux. Il grandit dans ses vêtements trop justes, perd la notion du temps, ne sait plus.
1794.C'est un enfant malade et désorienté âgé de dix ans qu'ils retrouveront dans la chambre lorsqu'ils se décideront à y entrer vraiment ...
En vrac et au fil des pages ...
La période porte bien son nom : sous la Terreur rien de plus effrayant que cette histoire qui nous est narrée patiemment par Françoise Chandernagor. En ne nommant jamais l'enfant elle laisse le lecteur accumuler les indices, comprendre qu'il vient d'une famille noble dont la même a été guillotinée et que ce petit représente un danger pour beaucoup.
Par un jeu d'interrogatoire elle s'adresse aux coupables, gardiens, médecins, hommes de loi qui ont ordonné, délégué puis laissé faire. On découvre alors combien le manque de communication a engendré de douleur, de peur et l'on a peur avec l'enfant. Pourtant lui n'est pas décrit comme un prisonnier et l'auteur choisit de lui conserver ce regard d'enfant qui ne comprend pas mais s'adapte. Car, par malheur, un enfant s'adapte à toute situation.
Celui-ci que l'on comprend être le fils de Louis XVI et de Marie Antoinette, sombrera dans l'inconscience, une sorte de non présence au monde, et mourra seul ou finalement entouré mais trop tard.
La narratrice insiste sur la présence de sa famille autour de lui, tout au long de sa captivité, sa soeur à l'étage qui ,elle, a survécu à cette tragédie, ses oncles qui ne s'occuperont jamais de lui, puis tous ces gens qui au départ assumaient une fonction précise : nourrir, vider les pots, changer le linge et qui peu à peu ont été déplacés, ne donnant pas l'information au suivant . Dans cette Tour du Temple les prisonniers ne subissent pas tous le même sort et celui qui est réservé à l'enfant est le pire de tous, l'indifférence.
Evidemment se pose la question : comment les choses ont -elles pu aller jusque là ? Seule l'Histoire peut répondre et l'auteur ne juge pas mais souligne la série d'événement qui ont amené à ce crime, les non dits, les refus. Les coupables comparaissent à des siècles d'écart devant la narratrice qui a visité la chambre, observé chaque meuble et imaginé la vie que l'enfant a pu avoir durant trois années d'enfermement, trois années d'agonie.
C'est le souffle court que l'on finit la lecture de ce récit poignant, très justement écrit.
Françoise Chandernagor précise en fin d'écrit qu'elle a romancé certains passages et inventé un personnage : celui de la lingère qui s'éemeut de ne plus voir le linge de l'enfant et imagine ce qui a pu se passer, celle qui suit grâce à ce linge la vie de ce petit garçon. Le choix est judicieux et l'on n'est donc pas face à un documentaire. Pourtant c'est un pan de l'Histoire dont on parle peu, qui connait vraiment le destin tragique du Dauphin de Louis XVI ?
Je vous invite vraiment à découvrir ce récit puissant.