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La Porte des enfers, laurent Gaudé, éditions Actes sud, Babel, 2008, 268 pages

Genre :roman

Thèmes : deuil , séparation, croyances, enfers, destin

Quelques mots sur l'auteur sur la page du challenge

L'histoire :

"Je me suis longtemps appelé Filippo Scalfaro. Aujourd'hui, je reprends mon nom et le dis en entier : Filippo Scalfaro de nittis. Depuis ce matin, au lever du jour, je suis plus vieux que mon père (...) Je porte mon père en moi. Ce matin, aux aurores, je l'ai senti monter sur mes épaules comme un enfant. Il compte sur moi. Tout va avoir lieu aujourd'hui. J'y travaille depuis si longtemps".

Nous sommes en 2002. Il n'est plus le petit Pippo décédé lors d'une fusillade dans un quartier de Naples, fils de Matteo et Giuliana détruits par la perte de leur fils unique. Il est celui qui va venger toutes ces années perdues, la honte portée sur son père qui n'a su le protéger , la fuite de Giuliana entrainée dans la folie par ce drame. Il est celui qui est revenu des enfers pour perpétuer la mémoire de sa famille et faire payer à Toto Cullaccio le prix de son crime.

Quelques années plus tôt, en 1980, un père anéanti par le décès de son petit Pippo écoutait l'étrange récit du curé Mazerotti et du professore et entrait aux enfers par la grande porte afin d'y rechercher son fils ...

En vrac et au fil des pages ..

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La porte de l'enfer,Musée Rodin, Paris

Il est difficile de parler de ce roman sans tout dévoiler. Construit sur plusieurs voix, comme souvent dans les romans de Laurent Gaudé, il reprend les thèmes chers à l'auteur  : les liens familiaux, la religion, l'Italie, les croyances, la mort.

La force du roman est d'ancrer le récit dans un cadre réaliste et de dériver lentement vers le fantastique sans que l'on s'en rende compte. Le lecteur suit, à rebrousse poil, le périple d'un père dont la vie a basculé le jour où son petit garçon est décédé au cours d'une fusillade qui ne le visait pas. Les sentiments sont retranscrits avec force, sans pathos, mais avec sincérité. La plume est belle et le contraste entre les deux narrateurs apporte un nouveau souffle au récit afin que l'on ne reste pas sur la peine d'un père ou le désarroi d'une mère. Le narrateur interne , celui qui s'exprime à la première personne, est Pippo lui-même, revenu d'entre les morts. Un narrateur externe nous livre à la troisième personne, comme une regard extérieur, l'histoire de Matteo, ses rencontres, ses réactions face à sa femme, le lent effondrement du couple. Je n'oublie pas la voix de Giuliana qui s'élève à travers trois imprécations, trois prières adressées tantôt à son mari, tantôt à Dieu, révélant l'espoir puis la désillusion d'une mère qui sait qu'elle doit rayer de sa vie son petit garçon et son époux afin de ne pas finir rongée par le chagrin.

Autour de cela une recherche surprenante, une nuit passée dans un café avec trois amis suspendus aux lèvres du Professore, une mystérieuse porte conduisant aux enfers ceux qui portent déjà la mort en eux, un récit inspiré de Dante, de l'Acheron et nourri de mythologie et de légendes.On retrouve la descente aux enfers d'Orphée, les ombres traversées et le chant des mourants. L'on apprendra peut-être qu'en 1311 Bartolomeo d'Antiocchia était enterré à Naples, dans un catafalque dont la porte reste entrebaillée, ou encore que Frédéric II avait déclaré la guerre à la mort en descendant en 1221 dans les terres d'en-bas ...

Deuxième lecture de ce roman et toujours autant de sensations et d'émerveillement devant les descriptions, les voix ...comme autant de voix d'Orphée.

defi Laurent Gaudé

 

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