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Le Coeur est un chasseur solitaire, Carson McCullers,

Genre : roman

Thème : amitié, portraits, solitude, ségrégation, pauvreté, humanité

L'auteur en quelques mots ...

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/c1/Carsonmccullers.jpg/220px-Carsonmccullers.jpgEn 1940, à la publication de cet ouvrage, Carson McCullers avait vingt trois ans. Partie à dix huit ans à New York pour y mener des études de musicologie, elle se met à écrire et est publiée dans la revue Story. Cette première nouvelle ( Wunderking) raconte l'histoire d'une adolescente de quinze ans qui découvre en jouant une sonate de Beethoven qu'elle n'est pas la virtuose qu'elle rêvait de devenir. En 1937 elle épouse le caporal d'armée McCullers et commence à écrire son premier roman, Le Coeur est un chasseur solitaire ; elle a alors vingt ans.

Son deuxième roman , Reflets dans un oeil d'or, est dédié à une aventurière et journaliste http://www.soukdesalpes.fr/client/cache/produit/500150_a-la-recherche-de_266.jpgsuisse Anne Marie Schwarzenbach , rencontrée en 1940 et dont elle tombe amoureuse."Je ne connais pas d'amie que j'ai autant aimée et dont la mort inattendue m'ait causé un si grand chagrin". Les deux femmes ont d'ailleurs un destin curieusement similaire, homosexuelles dans une société qui l'accepte mal ,elles épousent un homme, ont connu une phase suicidaire et décèdent d'un accident cérébral ( du à un accident de byciclette pour Anne Marie Schwarzenbach, d'une hémorragie cérébrale pour carson McCullers). Je dois dire que j'ai lu quelques lettres que ces deux femmes se sont envoyées, toutes plus poignantes et étonnantes les unes que les autres.

Carson McCullers, malade, a un rapport singulier a sa maladie qu'elle voit comme une source prolifique pour l'écriture et dont elle tire ses "illuminations". C'est qu'elle écrit en effet par à-coups, poussée par une force dont Anne Marie Schwarzenbach a dit "n'oublie jamais la terrifiante obligation d'écrire qui est la tienne".

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 Son oeuvre est composée de quatre romans ,tous adaptés au cinéma, une nouvelle: La Ballade du café triste et un recueil de poèmes et de nouvelles : Le Coeur hypothéqué. Illuminations et nuits blanches est une autobiographie inachevée qui contient sa correspondance avec Reeves McCullers et trois nouvelles. "Mes "illuminations" (...) me fascinent, mais je suis incapable de les expliquer.Je peux seulement dire qu'elles se produisent après des mois, des années parfois, de combat contre un livre et , qu'après les avoir reçues, il faut autant de mois ou d'années pour que le livre soit fini".

L'histoire : le roman nous plonge dans une petite ville du sud des Etats-Unis, dans les années trente. Deux muets , John Singer et Spiros Antonapoulos, vivent ensemble, liés par une profonde amitié. Chaque jour ils se rendent sur leur lieu de travail et, selon le même rituel, "John Singer posait presque toujours la main sur le bras de son ami et le regardait une seconde dans les yeux avant de le quitter". Mais bientôt le comportement d'Antonapoulos oblige son ami à le faire interner.

Commence alors l'errance de cet homme, Singer, perdu sans son compagnon, qui trouve un réconfort à se rendre invariablement au Café de New York ou officie Biff Brannon. Ce lieu se révèle être le centre d'attraction de plusieurs personnages, plus atypîques les uns que les autres, comme Jake Blount , ivrogne persuadé d'être porteur d'une mission sacrée et qui tente de propager la bonne parole autour de lui. C'est que Biff a une tendresse particulière pour les éclopés de la vie qui entrent dans son restaurant. Aussitôt attiré par Singer, cet homme qui ne peut lui répondre mais dont le regard apaise, Blount se livre et établit un contact dont il est incapable avec une autre personne. C'est pourquoi Singer lui propose de venir vivre quelques temps avec lui, peut-être aussi pour combler le vide laissé par l'absence de son compagnon de toujours.

Rapidement Blount reprendra des forces, trouvera un emploi et la chambre que Singer loue dans la pension de Mme Kelly deviendra son refuge. Comme le Café de New York, la chambre de Singer est le point d'ancrage de cinq personnages, seuls, en quête de reconnaissance et d'amour. Biff dont la femme vient de décéder et qui perd ses repères même s'il menait avec elle une vie monotone et terne, Mick Kelly , jeune fille autonome qui élève ses frères mais rêve de musique et d'opéra, le docteur Copland, médecin noir qui n'a d'autre obsession que de rétablir les droits des noirs. Tous unissent leur solitude et trouvent réconfort auprès "du muet", "parce que certains hommes ont besoin de donner leur personnalité à un moment quelconque avant qu'elle ne fermente et ne devienne un poison...de la jeter à n'importe quel être humain ou à n'importe quelle idée humaine". Aux yeux de tous ,cet homme est captivant et dans cette petite ville pauvre ou noirs et blancs cohabitent sur fond de blues, d'alcool, de pauvreté, chacun réinvente la vie de John Singer sans comprendre que sa vie à lui, bien que tournée vers les autres, n'a d'autre objectif que de maintenir le lien avec l'ami perdu, Antonapoulos.

La vie s'écoule lentement pour ceux dont les rêves les transportent ailleurs. Mais le racisme rôde, la violence germe et les drames qui secouent cette petite ville rappellent sans cesse combien l'être humain est à la fois faible et responsable de sa souffrance.Pourtant ces cinq là ont un rêve, un espoir fou, qui les tient éveillés. 

En vrac et au fil des pages: Carson McCullers dit de son roman "c'est l'homme en révolte contre sa solitude et la nécessité où il est de s'exprimer aussi complètement que possible". Car la solitude est réellement au coeur du roman. La multiplicité des personnages rend d'ailleurs plus forte cette impression. Tous essaient de communiquer mais restent prostrés dans leur propre monde. Chacun s'est d'ailleurs fabriqué un monde , un rêve et, à ce propos, j'ai trouvé chaque personnage étonnamment fouillé, décrit dans le détail .

Le fil conducteur de ce récit est bien évidemment John Singer. Pourtant ce personnage n'agit pas vraiment. Il ne vit que pour son compagnon et j'ai d'ailleurs trouvé cette relation poignante et forte. J'avoue que la fin m'a perturbée, alors que très logique . C'est que tous les regards, toutes les paroles, convergent vers lui, qui ne peut répondre que par un regard appuyé et quelques mots extrêmement bien tracés sur un bout de papier. Décrit comme bienveillant, attentif, il s'apparente au messie dans une ville où les espoirs sont éphémères. Il donne mais ne prend rien en échange et cet altruisme le rend extrêmement attachant en même temps que mystérieux. Son attachement à Antonapoulos en fait un être émouvant alors même que son compagnon n'est plus en état de lui rendre son amitié.

La fin du roman révèle que personne ne savait rien de lui et apporte une touche de culpabilité. Car la vie de chacun est liée inexorablement à cet homme, son regard, sa générosité alors qu'il était probablement le plus seul entre tous.

Le roman apporte un regard sur l'histoire en soulignant les conditions de vie dans le sud des Etats-Unis où le désespoir se meut en musique aux accents de blues mais où la violence gronde. La seconde guerre mondiale n'est pas loin, les tensions entre les blancs et les noirs non apaisés.

Ce fut une lecture passionnante en même temps que poignante. Contrairement à certains avis que j'ai pu lire, je ne me suis pas ennuyée une seconde à lire la chronique de cette petite ville, à suivre le parcours de ces personnages, tous attachants. Je pense que cela tient à la plume sensible et ferme à la fois de Carson McCullers qui fut pour moi une bien belle découverte. J'ai hâte de lire d'autres écrits de cet auteur.

12 d'yshttp://3.bp.blogspot.com/-1VceDFCwZ2E/T2hjhdcF1zI/AAAAAAAADS0/BmXjre5hv9I/s320/logo+1.jpg

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