Le Roman de Louise, Henri Gougaud
Le Roman de Louise, Henri Gougaud, éditions Albin Michel ,2014, 249 pages
Genre : récit historique
Thèmes : Commune, Nouvelle Calédonie, insurrection, emprisonnement, pauvreté
L'auteur en quelques mots ...
Ecrivain, poète, conteur mais aussi chanteur, Henri Gougaud est né en 1936 à Carcassonne. Parolier de Jean Ferrat, Juliette Gréco, ou Serge Regiani, il dirige par ailleurs la collection Mémoire des sources et Contes des sages aux éditions du Seuil.Révélé en tant que romancier avec Bélisbaste (1982), il poursuit son œuvre alternant nouvelles fantastiques, romans, recueils de conte et de légendes.
L'histoire
" Nom: Louise Demahis-Michel. Elle naît en mai 1930 dans la Haute marne, à Vroncourt, vaste et massive maison forte autrement nommée le Tombeau. Sa mère, Marianne Michel y est depuis toujours servant. Son père, lui dit-on, est le fils du château. Louise, donc, est une bâtarde. En ce temps-là, dans nos campagnes, c'est pire qu'une infirmité, c'est un mélodrame."
Mais le destin voulut faire de louise une exception et, alors que le châtelain la prend sous son aile et l'élève comme son enfant, c'est le fils qui part en épouser une autre, lui laissant la place dans la grande maison. Signe d'un destin hors du commun sans doute car Louise put alors découvrir les auteurs qui marqueront sa vie, dont Hugo à qui elle écrit, recevant ainsi une éducation normalement réservée à la bourgeoisie.
"Si l'homme incarne le pouvoir, qu'est-ce qui nous fait femme ?" La pensée féministe en avant, avant l'heure.
Profondément humaniste elle prend postion pour ceux qui souffrent, les rejetés de la société, ceux dont on parle peu. Institutrice puis anarchiste engagée, cette jeune femme rebelle, revêche, marquera son temps de la révolte qui l'anime et conduira la rebellion de la Commune du même pas que ses compagnons hommes. Surnommée la Vierge rouge elle a pourtant connu les déboires des grands révolutionnaires, tantôt suivie et écoutée ( après son retour du bagne en Nouvelle Calédonie), tantôt honnie et injuriée. Elle dérange.
Elle est surtout indomptable et vit tout avec passion et parfois déraison. Elle veut sa vie entière, dévouée à la cause envers et contre tout, quitte à en mourir. Mais la vie en a décidé autrement et ce n'est pas la mort qui lui est réservée mais l'emprisonnement, en 1973, durant huit ans dans un bagne Neo -calédoniens où elle va s'intéresser à la cause des canaques, la seule à aller vers eux, apprendre leur langue et se retrouver dans leur révolte.
En vrac et au fil des pages ...
La plume de Louis Gougaud a ceci de particulier qu'elle nous entraine au coeur de la vie de son personnage. Car, même s'il s'agit là d'un récit historique richement documenté, la vie de Louise Michel est romancée ce qui la rend plus proche du lecteur. Avec l'auteur, on s'anime pour cette femme de caractère, cette rebelle née que rien n'apaise et qui ne sait trouver le repos. Le style est imagé, fluide et transcende les difficultés inhérentes à la compréhension de ce que fut la Commune pour nous livrer des passages clés de l'époque, comme si l'on était au coeur du combat avec Louise.
Je connaissais mal la vie de Louise Michel et j'avoue que sous la plume du conteur, son destin prend des allures mystiques qui poussent à connaitre un peu mieux le personnage. Car c'est un "personnage", passionnée, exaltée, que rien ne semble pouvoir abattre. Voici une femme qui ne pouvait pas supporter la misère et qui fit de sa vie un combat perpétuel pour les nécessiteux, outrée de voir ce que Napoléon faisait de la société, emportée au point de vouloir sa mort, puis affolée sous la République de découvrir que les suivants n'agissent pas et ne sont pas à la hauteur.
Enrôlée aux côtés des hommes elle cotoiera Jules Vallès, Georges Clémenceau au plus fort de la bataille, Théophile Ferré et combattra contre les Versaillais avant d'être emprisonnée puis déportée.
Le roman de Gougaud a l'avantage de présenter aussi et de souligner l'écriture de Louise Michel, prolifique, ses poèmes, ses nouvelles, ses essais dont de nombreux perdus. Insasiable, intarrissable, elle écrivait sans cesse. On la découvre ici jamais en repos, l'esprit toujours alerte et avide de nourritures spirituelles. "Elle est ainsi, enthousiaste autant que follement haineuse, bête fauve parfois et parfois presque sainte, morte et pourtant plus que vivante."
J'aimerais poursuivre par l'écrit de Peyramaure, Fille de la colère, à l'occasion
Un livre à découvrir, absolument.