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Les Pères et les mères sont des humains comme les autres, Paul Mesa, éditions Albin Michel, 2013, 288 pages

Genre : roman

Thèmes : café, amour, mort, père

L'auteur en quelques mots ...

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Né an 1967 à Saarbrucken, Paul Mesa a travaillé comme concepteur-rédacteur dans la publicité puis en tant que webdesigner. Les Pères et les mères sont des humains comme les autres est son premier roman mais il n'en est pas à ses débuts et publie des nouvelles qui ont déjà reçu de nombreux prix .

Pour son roman l'auteur a choisi le cadre du Portugal, "J'adore Lisbonne, ses "miradouros" partout dans la ville, l'ancien et le nouveau qui se combinent si merveilleusement et même artistiquement (...) J'ai laissé mon coeur à Sintra, dans la Parque e palacio da Pena. Ce parc est pour moi ce qui se rapproche le mieux du paradis sur terre. (...) Et j'aime les cafés portugais, le galao, la version portugaise du café au lait qu'on vous sert dans un verre. J'aime les petits gâteaux sucrés qu'ils vendent pour accompagner le café". Source

Je sens que cet auteur va me plaire !

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Sintra, Portugal

L'histoire

Merci aux éditions Albin Michel pour cette jolie découverte

" Celle qui est ici, dans la salle de bain de la chambre 314, en train de percer un préservatif, c'est Bica ( 1,49m; boisson préférée : le galao"

Bica, femme de chambre dans le Petit Hôtel du Cocher, vient de perdre sa mère, Maria Teves "(1,64m;boisson préférée : le bica, un expresso portugais, très fort, à réveiller les morts)", qui occupait le poste de gouvernante dans ce même hôtel. Folle amoureuse d'un certain Galao avec qui elle a passé quelques minutes de pur bonheur dans la chambre Tante- Gitta , elle n'a de cesse de se raccrocher à ce qu'elle croit être une belle histoire d'amour. Pourtant Gilbert Kinderman, son galao au parfum de café corsé, est marié et volage. Tous autour d'elle la mettent en garde contre ce coureur de jupons pour qui elle n'est qu'une conquête facile de plus. D'ailleurs, n'a-t-il pas eu une aventure avec Madame, la propriétaire de l'hôtel ? Alors que l'établissement est en émoi suite aux menaces de Mme Kinderman, journaliste qui entend dévoiler une sombre affaire de prostitution dans l'hôtel, Bica découvre avec émotion que sa mère ... n'est pas morte ! Un seul objectif désormais : cacher sa mère aux yeux de tous en la maintenant dans sa chambre, faire éclater au grand jour son amour pour Galao et autoriser sa mère de rejoindre le royaume des cieux en permettant à une autre vie d'arriver (d'où les préservatifs percés ! ). Mais ce serait oublier la petite famille qui compose le personnel de l'hôtel : Madame, son fils Morten, M Klaus et le Docteur, que des liens fort unissent autour de la défunte Maria et de son inimitable café. Comment dévoiler que c'est elle, Bica, la petite bonne, qui s'est retrouvée dans une chambre avec son galao et menace désormais la réputation de l'établissement ? Que faire de sa mère défunte mais bien vivante qu'elle garde à l'abri des regards dans sa chambre ? Si seulement son père était là; cet homme qu'elle n'a jamais connu et qu'elle n'a de cesse de chercher... "Je suis née lors d'une fuite, dans un hôtel rempli de fantômes (...) Nous les portugais, sommes un peuple de marins, nous avons l'habitude que le vent détermine notre destin".

Entre quête de l'amour et d'elle -même, Bica découvre les multiples saveurs de la vie et refait le voyage en arrière : Portugal, Allemagne, France, autant de pays qu'elle a traversés dans les bras de sa mère, pour un bonheur fugace du beau papa n°1 au n° 6, un café pour réconfort. "...tous mes souvenirs sentent le café.J'ignorais encore à l'époque que dans chaque café il y a toujours un peu de cendres."

En vrac et au fil des pages ...

Voici un roman original, par son contenu comme par sa forme. Sur un air de fado, Paul Mesa nous convie à suivre Bica ( qui doit son nom à un petit café que les portugais affectionnent) dans sa quête sentimentale. Car  l'amour est au coeur du roman : l'amour naissant pour un homme qui n'en vaut pas la peine, l'amour fusionnel de Bica pour sa mère, l'amour pour un père absent...

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D'un chapitre à l'autre on change de narrateur. Externe, il nous présente la vie d'une petite femme de chambre, ses écueils, ses joies, avec humour et poésie. Interne il donne la parole à Bica qui énumère pour nous la succession des beaux-pères, des villes dans lesquelles sa mère l'a entrainée, perdue et éperdue, fuyant un amour et ne parvenant pas à laisser la place à qui que ce soit dans sa vie, si ce n'est sa fille.

On dit que les portugais affectionnent leur café au point qu'ils lui donnent de petits noms affectueux : bica, galao... L'instant de la dégustation est un moment d'exception, de partage que nous livre ce roman de Paul Mesa qui n'a de cesse de présenter ses personnages comme un bon arabica ou au contraire comme un café édulcoré, selon la personnalité de chacun. Seul le café de Maria recueille tous les suffrages, au point que M Klaus, cuisiner de l'hôtel, "1,86 m; boisson préférée : l'othello, un expresso sur un chocolat chaud", s'évertue à en reconstituer la recette (qui entre nous soit dit nous est offerte à la fin du livre... mais chuuut !). On lira donc le roman comme un bon café, en prenant son temps, en goûtant l'humour de Paul Mesa, la convivialité de la cuisine de M Klaus à l'heure du café en compagnie du Docteur, la jovialité d'une Maria revenue d'entre les morts et les péripéties de Bica. L'émotion est bien présente mais le ton léger invite à considérer la vie de Bica comme une période de transition, offrant un retour sur un amour fusionnel avec sa mère dont elle ne pouvait plus supporter la souffrance.

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Certes la fin fait un peu penser aux contes, "et ils vécurent heureux ...", mais après tout, un peu de douceur ne fait pas de mal ! La plume est légère mais travaillée, les images défilent d'un Portugal ardent, musical et coloré, Sinta déploie ses jardins sous un chaud soleil... et Pessoa ! Un dernier mot de ce poète qui ponctue les pages du roman et auquel se réfère souvent la mère de Bica, celui que l'on appelait le poète mélancolique et dont la poésie se prête bien au thème du livre :

"Entre le sommeil et le songe,

Entre moi et ce qui est en moi

Est l'être que je me suppose,

Coule un fleuve sans fin."

Extrait de Entre le sommeil et le songe

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