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Les Perroquets de la place d'Arezzo, Eric Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, 2013, 730 pages

Genre : roman

Thèmes : fidélité, infidélité, amour, sexe, reconnaissance, pouvoir

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L'histoire

" Ce mot simplement pour te signaler que je t'aime. Signé : tu sais qui "

Qui, parmi les nombreuses maitresses de Zachary Biderman, ose lui envoyer cette missive? "Les femmes finissent toujours pas s'attacher (...) Vive les épouses et vive les putes ! ce sont les seules femmes qui se contrôlent".

Pourtant, il n'est pas le seul et , rapidement, les habitants de la place d'Arezzo sont les destinataires de la fameuse enveloppe jaune. Chacun réagit à sa façon , imaginant qui a pu leur écrire cela: de celui qui pense tout de suite à sa femme alors qu'il entretient des aventures sexuelles avec des hommes, à celle qui rêve du jardinier, en passant par ce couple gay que la missive rapprochera.

Tout n'est pas rose, cependant, derrière les fenêtres et tous ont quelque chose à cacher, à regretter, à envier . La lettre devient un prétexte à entrer chez eux, découvrir un quotidien parfois hors norme ou bien rangé où nul ne connait vraiment l'autre mais où tous sont assoiffés, d'amour, de sexe, de reconnaissance.

Comme les perroquets qui s'agitent sur la place et miment les comportement humains, les hommes se cherchent, se frôlent, s'épient. Malentendus, quiproquos, voici venue l'heure des remises en question...

"(...)la plupart du temps à notre époque, les gens ne débarquent pas chez le maire ou le curé en état de lucidité. Ils sont aveuglés, égarés par la passion, tenaillés par le plaisir s'ils ont accompli l'acte, dévorés par l'impatience s'ils ne l'ont pas consommé. Des malades se marient (...) rarement des êtres en possession de leurs moyens intellectuels"

En vrac et au fil des pages...

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(La femme au perroquet, Courbet)

"Annonciation", "Maginificat", "Repons", "Dias irae". Ce roman découpé en quatre parties nous entraine au coeur de l'intime des êtres. Erotique ? Oui quand même. Monsieur Schmitt ne nous avait pas habitué à cela mais la lecture vaut le détour , justement pour tout ce qu'elle dévoile aussi sur cet auteur qui aime l'humanité. Un roman sur l'érotisme et ses visages donc. Mais le choix des sous-titres indique un amour plus grand me semble-t-il, qui pourrait aider l'homme à se trouver,à se dépasser.

Déjà dans Les Deux messieurs de Bruxelles, Eric Emmanuel Schmitt nous conviait à suivre un couple d'homosexuels et entrait quelque peu dans leur vie, leurs sentiments. Ici c'est beaucoup plus que cela et tous les comportements possibles sont passés au crible de la plume riche de l'auteur : couples gays, femme mariée prenant maitresse, jeune femme en quête d'identité au comportement sado masochiste, libertin dépravé, couple bien rangé, ados en quête d'identité ...

La première partie m'a un peu déstabilisée. Tous les personnages y sont présentés et il y en a beaucoup. Mais il fallait cela pour établir une comparaison entre les perroquets de la place d'Arezzo et les hommes qui gravitent autour : agitation, cris, couleurs... 

Arezzo, un nom aux sonorités italiennes, chantant comme les oiseaux qui l'habitent. Mais on est loin de tout cela et la proximité de Knokke-le-Zoute nous rappelle que nous sommes en Belgique, sur une des plus belles places, quartier huppé au bout de l'avenue Molière ,où l'on voit et d'où l'on peut voir.

On retrouve par la suite chaque personnage dans son quotidien, ses habitudes, ses expériences plus ou moins surprenantes et l'on se rend compte peu à peu que tout tourne essentiellement autour du sexe, à la fois moteur et frein de la vie humaine. Eric Emmanuel Schmitt pointe du doigt l'essentiel : qu'il soit au coeur des relations ou en soit au contraire absent, qu'on le recherche ou qu'on le rejette, le sexe est bien présent dans nos vies. Refoulé il permet parfois d'exacerber  une autre vision de la vie, accepté il permet l'épanouissement, utilisé il devient un objet de pouvoir ou cause la perte de l'homme.

Pour la première fois certains propos sont crus, livrés tels que vécus et cela surprend chez un auteur dont la plume douce nous a habitué à deviner plus qu'à lire. Jusqu'où ira-t-il ? Jusqu'au bout si je puis dire, car tout est livré mais par petits passages, en fonction du personnage décrit.

Où est l'auteur là dedans ? Partout sans doute, un peu plus dans Baptiste peut-être, écrivain en quête d'une définition de la fidélité et dont la vie va être bouleversée par la déclaration de sa femme. Baptiste car l'auteur nous livre l'incipit de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran sous la plume de ce personnage, comme si c'était lui qui l'avait rédigé ("A onze ans j'ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes").Je crois que l'auteur les embrasse tous, à sa façon, y compris le plus pervers d'entre eux puisqu'il va finir par comprendre. Choquant ce que j'écris ? Il me semble que l'auteur va ici plus loin tout en continuant sur sa lancée : aimer l'humain.

L'actualité n'est jamais bien loin et cet homme guidé par le sexe qui va déraper et se retrouver assailli par les médias nous rappelle forcément un autre homme politique. De même que le tenancier d'un bordel ou d'autres personnages qui font la Une.

Dans tous les cas le lecteur fidèle d'Eric Emmanuel Schmitt repérera des clins d'oeil à de précédents romans ou nouvelles, appréciera des références littéraires nouvelles ( Histoires comme ça de Kipling....oooh que cela tombe bien, je travaille cela avec mes élèves cette année !), l'approfondissement de ce qu'il a ébauché jusqu'alors. Mais alors quel rapport avec les perroquets ? Fil conducteur du roman et métaphore des relations humaines, ces oiseaux ont une histoire bien particulière que je vous laisse découvrir, une histoire de migration qui sied bien au récit des habitants de la place. Puis on dit parfois qu'en observant les animaux on comprend mieux certaines choses .

Parfois, "la vie se montre plus inventive que n'importe quel auteur" ...

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