Les Soirées de Médan, collectif
Les Soirées de Médan, collectif, éditions Grasset, collection Les cahiers rouges, 1993, 239 pages
Genre : nouvelles
Thèmes : naturalisme, guerre, liberté, classes sociales, Prussiens
Les auteurs ...
Emile Zola, Guy de Maupassant, J K Huysmans, Henry Céard, Léon Hennique, Paul Alexis
" Le dimanche, en été, Emile Zola recevait ses amis dans la maison de Médan". Chaque fois les amis s'étonnaient de l'architecture de la maison , sans cesse en travaux. "Zola avait fait édifier une énorme tour carrée qui écrasait complètement la maison première et que Maupassant comprait à un géant tenant un nain par la main." Ce dernier avait ramené une barque qui fut aussitôt baptisée La Nana "parce que tout le monde lui passe dessus" et qui leur permettait de flaner sur la rivière.
C'est ici que virent le jour les soirées de Médan...
J'ai fait un choix parmi l'ensemble des nouvelles :
L'Attaque du moulin, Emile Zola
Le moulin est isolée mais révèle encore sa splendeur sous son tapis de mousses et de feuillage. Il rappelle l'animation d'antan mais aussi la tragédie qui y eut lieu.
A cette époque le père Merlier vivait seul avec sa fille et faisait tourner l'affaire malgré son grand âge. C'est qu'il ne pouvait se résoudre à laisser s'endormir le moulin qui avait fait sa fortune. Puis il devait rêvait de marier sa fille Françoise, courtisée par de nombreux jeunes hommes du pays. Pourtant Françoise avait fait un autre choix qui scandalisait le village. En face du moulin venait de s'intaller un jeune homme arrivé de Belgique que l'on soupçonnait de fainéantise et qui finit par avoir une telle réputation que le père Merlier ne pouvait se résoudre à accepter les fiançailles de sa fille avec ce paresseux. Pourtant, l'on ne sait comment, il s'entretint avec lui et le considéra dès lors comme son fils.
"Dans la cour, on avait mis trois tables, placées bout à bout et qui attendaient les convives.". Mais c'était sans compter la guerre contre les Prussiens qui se rapprochait...
En vrac et au fil des pages ...
Une nouvelle naturaliste comme on les aime, avec ses descriptions buccoliques et son style soutenu, riche et très visuel. Aussitôt on est plongé dans l'ambiance, la fraicheur du lieu mais aussi les vestiges de la tragédie passée, dont je ne dirai rien. La verve de Zola rend le récit vivant et nous entraine dans la campagne profonde où les traditions sont bien ancrées, où les réputations se font et se défont. Mais c'est aussi une dénonciation de l'absurdité de la guerre, des ravages qu'elle engendre et qui passeraient presque pour des détails si l'auteur n'en avait choisi justement un en nous le rendant encore plus injuste.
Boule de suif, Guy de Maupassant
"Les Prussiens allaient entrer dans Rouen disait-on".
L'invasion se meut en occupation et les prussiens entrent dans les foyers. Les ennemis s'attablent et chacun se doit de se montrer accueillant. La bourgeoisie craint ces homme mais se dit que l'on peut avoir besoin d'eux, qui sait. Alors une politesse s'installe et la vie reprend peu à peu son calme, comme si tout était normal. "Il y avait cependant quelque chose dans l'air, quelque chose de subtil et d'inconnu, une atmosphère étrange intolérable, comme une odeur répandue, l'odeur de l'invasion." Dans ce contexte un groupe décide de partir pour le Port du Havre afin de récupérer ce qui allait faire prospérer leur négoce. Car après tout si la vie continue, le commerce aussi !
Installés dans la diligence, chacun commence à observer l'autre. Nous avons là des marchands, des négociants, mais aussi Comtes et Comtesses et même deux bonnes soeurs. Cependant une jeune femme attire l'attention et les propos méprisants. On la dit galante. Les dames sont faussement choquées. Pourtant lorsque la faim se fait sentir et que Boule de suif partage ses provisions on se rend à l'évidence: « On ne pouvait manger les provisions de cette fille sans lui parler. Donc on causa, avec réserve d'abord, puis, comme elle se tenait fort bien, on s'abandonna davantage. ». Patriote dans l'âme, la jeune femme a des principes et les discussions vont bon train quant à la place à tenir face à l'ennemi. Pourtant, lorsque l'occasion se présente, c'est elle, Boule de suif, qu'ils sacrifieront pour leur salut ...
En vrac et au fil des pages ...
Dès les premières lignes Maupassant critique vertement la bourgeoisie, cette classe issue du négoce, pas toujours regardante sur la provenance de leur fortune, certaine de son bon droit. Il leur oppose une prostituée et souligne là une différence des classes liée à l'apparence que tous vont s'empresser de brandir pour dire qu'ils ne sont pas du même monde.
L'on retrouve le thème de l'occupation prussienne mais ici ce n'est pas la guerre qui est dénoncée. A la manière d'une fable, l'auteur donne à voir la bassesse humaine, montrant que la charité et l'empathie ne sont pas là où l'on devrait les attendre. On retrouve la griffe de Maupassant et la plume métaphorique, enlevée qui n'hésite pas à proposer au lecteur de lire entre les lignes et de comprendre l'humour et le second degré.
Quatre autres nouvelles proposent un regard différent sur la guerre franco-prussienne, que je vous laisse découvrir .