Monsieur Ibrahim et les fleurs du coran, Eric Emmanuel Schmitt
Monsieur Ibrahim et les fleurs du coran, Eric Emmanuel Schmitt, Albin Michel, 60 pages
Genre : roman
Thème : islam, tolérance, amitié
L'histoire : "A onze ans j'ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes". Momo vit avec son père, dépressif, qui ne parvient pas à s'occuper de lui. A la maison il assume toutes les tâches et lui en veut beaucoup de cette vie qu'il lui fait subir. Chaque jour son père lui donne assez d'argent pour acheter de quoi les nourrir, jamais plus. Alors Momo commence à voler. "Donc , ce n'était pas suffisant de me faire engueuler au lycée comme à la maison, de laver, d'étudier, de cuisiner, de porter les commissions, pas suffisant de vivre seul dans un grand appartement noir, vide et sans amour, d'être l'esclave plutôt que le fils d'un avocat sans affaires et sans femme, il fallait aussi que je passe pour un voleur !Puisque j'étais déjà soupçonné de voler, autant le faire." Il vole chez Monsieur Ibrahim, l'épicier du quartier, l'Arabe de la rue bleue, "Après tout c'est qu'un arabe". Dans ce quartier de Montmartre , multiculturel, s'installe peu à peu entre eux une complicité,"une phrase par jour" . "Je ne suis pas arabe Momo, je viens du Croissant d'or", il n'en fallait pas plus pour intriguer Moïse. Leur amitié les amène à aborder des sujets tels la religion , échanges entre un juif et un musulman, approche du soufisme si complexe et si clair, mais aussi l'absurdité du monde des adultes. Moïse , meurtri par l'attitude d'un père qui lui a toujours préféré son frère Popol, a une immense soif d'amour et trouve en Monsieur Ibrahim l'oreille attentive, le soutien qui lui manquait. Le jour où son père quitte la maison en l'abandonant, Momo se rapproche de cet homme, le sage de la rue bleue et c'est tout naturellement que leur relation les mène sur les routes. La mer tout d'abord, la Normandie
"- C'est trop beau ici Monsieur Ibrahim, c'est beaucoup trop beau. ce n'est pas pour moi. Je ne mérite pas ça.
Monsieur Ibrahim a souri.
- La beauté , Momo, elle est partout. Où que tu tournes les yeux. ça c'est dans mon Coran"
Puis direction le Moyen Orient, pour un dernier voyage ensemble au cours duquel Momo va tout apprendre, s'apaiser, grandir.
En vrac et au fil des pages : joli récit que celui là, très riche d'enseignement. Sous un franc parler, Moïse cache une grande souffrance. la vie l'a fait grandir plus vite que prévu mais son regard sur le monde reste enfantin. A ses côtés Monsieur Ibrahim semble en effet" le sage de la rue bleue", celui qui économise ses mots, comme s'il les distillait.
Partant d'un quartier multiculturel, ce court roman s'intéresse particulièrement au soufisme et nous entraine dans divers lieu de culte, permettant à Momo mais aussi au lecteur , non de comparer mais de souligner les traits caractéristiques de chaque religion. J'ai souri lorsque Monsieur Ibrahim fait découvrir les divers lieu de culte à Momo à l'aveugle, à l'odorat: ici l'odeur des cierges pour la religion catholique, là l'encens pour le temple orthodoxe "et là ça sent les pieds, c'est musulman.(...) Un endroit qui sent le corps ce n'est pas assez bien pour toi ?(...) Un lieu de prière qui sent l'homme, qui est fait pour des hommes, avec des hommes dedans...". Enfin le tekké, monastère où tournent les derviches et dans lequel Moïse découvrira le pouvoir envoûtant et libérateur de cette sorte de danse.
Alors évidemment la fin est un peu attendue ( et je n'en dirai pas plus pour ceux qui souhaitent le lire) mais je l'ai trouvée très juste, en accord avec les principes de Monsieur Ibrahim. Je dois dire que cela m'a rappelé avec bonheur un film que j'ai vu l'an passé, Le Grand voyage de Ismael Ferroukhi, une autre vision de l'islam qui peut compléter cette lecture.
Et puis, parce que l'origine de la création de ce récit est tout aussi émouvante que l'histoire elle-même, le lien vers la page d'Eric Emmanuel Schmitt dans laquelle il explique son projet