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Parfums, Philippe Claudel, éditions Stock, 2012, 217 pages

Genre : autobiographie

Thèmes : enfance, parfums, souvenirs

L'auteur en quelques mots ...

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Encore jamais chroniqué sur ce blog mais lu ( La Petite fille de Monsieur Linh, Les âmes grises, Le Paquet, Le monde sans les enfants), Philippe Claudel est un auteur que j'affectionne.

Né en 1962, agrégé de Lettres modernes, Philippe Claudel est maitre de conférence à l'université de Nancy où il enseigne l'écriture scénaristique. Son parcours professionnel l'a aussi amené à travailler dans le milieu carcéral ou auprès de jeunes handicapés.

En 2008 il réalise son premier film , Il y a longtemps que je t'aime, pour lequel Kristin Scott Thomas obtient le César de la meilleure actrice et lui le César du meilleur film. Dès lors sa filmographie s'allonge . Auteur prolifique il a publié pas moins de 11 romans, 6 nouvelles, des pièces de théâtre .

En 2012 il entre à l'académie Goncourt.

Attaché à sa Lorraine il y réside toujours. On ressent l'attachement à sa terre dans cette dernière publication: Parfums

L'histoire

Philippe Claudel se raconte à travers 63 chapitres, 63 parfums...

Petits morceaux choisis:

Acacia, "Ma mère a battu la pâte. Nous y plongeons les grappes qui s'alourdissent d'une lave blonde. Alors très vite il faut les immoler dans l'huile bouillante afin que leur arôme profond ne meure pas mais s'emprisonne sous la croûte mince (...)Les yeux brillants, négligeant la brûlure sur mes lèvres, je mords dans une grappe craquante pleine de fleurs, de sourires et de vent".

Cannelle, "Vers les premiers froids elle pointe son museau poivré. On sort des grands bocaux de verre ses batônnets qui ressemblent à des parchemins que des flammes auraient roussis et enroulés sur eux-même. On les réduit en poudre dans un mortier. Présent de Roi Mage"

Chambre d'hôtel, "la chambre d'hôtel n'a pas de sexe.Ou bien elle est hermaphrodite. En fait elle est indifférente. Elle s'en fout. Elle se donne à qui la paie. C'est une putain qui ferme les yeux et n'embrasse pas. Elle nous épouse pour quelques heures, nous fait croire que nous sommes les seuls, se revêt de nos effluves pour mieux nous mentir et puis les chasse comme elle nous chasse"

Draps frais, "c'est au soir des dimanches que ma mère revêt les lits de draps propres, draps dans lesquels durant tout le jour elle a emprisonné le vent, et j'aime plus que tout ces draps frais, l'hiver, quand la bise les a battus et raidis, parfois gelés, et qu'ils conservent de cette gifle un je ne sais quoi de neigeux et de glacial (...)"

Enfant qui dort, "Rien ne peut nous dire, de ce que nous sommes ou de ce que nous avons été, que l'odeur de la peau d'un enfant enfoui dans le sommeil et qui repose, bouche à demi ouverte dans son lit, sans crainte ni peur aucune, ni tremblement, car il nous sait là tout contre lui, proches et prêts à éloigner les ténèbres, les dissoudre ou les nier s'il le fallait"

Ombellifères, "je passe mon enfance dans un éblouissement permanent où la nature accompagne chacune de mes métamorphoses en me délivrant un secret"

En vrac et au fil des pages ...

Pour qui n'a jamais lu Philippe Claudel l'oeuvre paraitra un peu convenue, sans intérêt ( je l'ai lu), ou dans la lignée peut-être de la Première gorgée de bière de Delerm.

Pourtant lorsqu'on connait l'auteur, sa plume, son univers, on est heureux de le découvrir un peu plus à travers ces petits morceaux de vie, d'enfance, ses souvenirs. Aussi il me semble qu'il faudra lire Parfums après avoir découvert ses romans , ses nouvelles ou vu ses films.

On y retrouve cependant la variété de tons qui sous-tend son oeuvre. Les âmes grises, sombre et envoutant n'a rien à voir avec La petite fille de Monsieur Linh, touchant et simple. Ici encore les souvenirs affleurent au rythme de sensations retrouvées. Philippe Claudel laisse remonter à la surface les souvenirs et les associe à une saveur, un parfum. On sait combien une senteur peut déclencher un souvenir ( Proust l'a bien montré) sans que l'on maitrise plus rien.

Je regrette finalement qu'ils soient classés dans l'ordre alphabétique car j'aurais aimé savoir quel parfum entrainait quel souvenir et comment tous étaient liés, car il y a bien un fil conducteur : l'enfance. Je dois dire que cette disposition crée d'ailleurs quelques malheureux mélanges, ainsi le chapitre Sexe féminin, positionné (!) entre Sauce tomate et station d'épuration des eaux ! Volonté d'éditeur ?

Cela étant l'exercice révèle là encore la puissance de l'écriture de Claudel qui parvient, en peu de mots, à créer un univers dans lequel le lecteur plonge avec délectation, retrouvant lui-même des sensations oubliées, car certains souvenirs sont universels. Le côté touchant et émouvant est apporté par les souvenirs liés à la famille, au père absent. L'on s'amusera des premiers émois en se disant qu'on n'avait pas pensé à lier cela à une senteur particulière.

Des références littéraires émaillent le récit, Baudelaire, Hugo ... et puis qui est attaché à sa région reconnaitra le besoin de raconter les lieux. 

Un joli livre que l'on peut ouvrir à n'importe quelle page, dans lequel on peut piocher.

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