Pierres enchantées, Rodrigo Rey Rosa
Pierres enchantées, Rodrigo Rey Rosa, éditions Folio Gallimard, 2014, 144 pages
Genre : roman contemporain
Thèmes : accident, délit, Guatemala, corruption
L'auteur en quelques mots ...
Rodrigo Rey Rosa est né en 1958 à Ciudad de Guatemala. Après ses études au Guatemala, il a vécu à New York puis au Maroc où il a participé aux ateliers d’écriture de Paul Bowles qui a traduit plusieurs de ses romans en anglais. Auteur de nouvelles et de romans, il se définit comme un rêveur affirmant qu’il « dédie la majeure partie de son temps au rêve, à la conversation, à la lecture et à l’écriture, dans cet ordre. » Il a participé aux Belles Etrangères en novembre 1997.
Il est publié en France par Gallimard notamment "L'ange boiteux" 2002, "Pierres enchantées" 2005, "La rive africaine" 2008."Manège" parait en 2012.
Merci aux éditions Folio et à Livraddict pour ce partenariat.
L'histoire :
«Guatemala. La petite république où la peine de mort n'a jamais été abolie, où le lynchage a été la seule manifestation d'organisation sociale qui ait perduré.»
Armando, perturbé par ce qui vient de lui arriver, réveille Joaquin : "Je crois que je viens de tuer un enfant" ... Et de relater l'accident, le petit cheval qui a déboulé d'on ne sait où, la fuite pour éviter l'atroupement en ce jour de fête guatemaltèque . Et puis il y a la drogue, la marijuana qu'Armando transportait pour son ami Joaquin. Il faut cacher la voiture, aussi décide-t-il de la laisser provisoirement dans le box de Joaquin. Il reviendra la chercher, le temps de trouver une solution ...
Sylvestre, 7 ans,est un petit belge adopté par une latino américaine, doña Ileana qui fait bien peu de cas de lui. La famille fait partie de la population favorisée de la ville. Le plaisir de Sylvestre ? Parcourir le boulevard de los americanos à poney, se confronter aux autres enfants et vivre les histoires qu'il imagine, jusqu'à l'accident ...
Armando a engagé un avocat, "un avocangster" comme on dit ici, un de ceux qui peut trouver une solution à une situation aussi complexe que la sienne. Se cacher, faire le mort, laisser son ami Joaquin se débrouiller avec la voiture et attendre. Pourtant l'inspecteur Rastelli sait très bien de quoi il retourne et des pistes il n'en manque pas « des dizaines de milliers de Guatémaltèques participaient à l'obscur commerce de l'information. N'importe lequel de vos amis ou n'importe laquelle de vos connaissances était ou pouvait être un indic. ».
On découvre alors que l'accident n'en est peut-être pas un, que le père de Sylvestre trempe dans des trafics en tous genres et que le gamin lui-même fait partie des Pierres enchantées , une bande de gamin des rues.«Sur les murs de certaines maisons luxueuses, surmontés de fil de fer barbelé, on peut lire : Bouddha creux (homosexuel) ; Pierres enchantées (nom d'une redoutable bande d'enfants) ; Satan vit, mais Gerardi martyr local de la mémoire historique est mort.»
En vrac et au fil des pages ...
Voici un court roman dont je ne sais que penser. Il faut dire que je ne connaissais pas l'auteur, Rodrigo Rey Rosa dont je découvre la plume. Ici on ne s'embarrasse pas de psychologie des personnages. Les faits, rien que les faits . Apparait ainsi le portrait d'un pays où il ne fait pas bon vivre et que l'auteur connait bien, précisons-le tout de suite ! Corruption, trafic, gamins des rues, délation, drogue, tous les ingrédients sont réunis pour faire de ces 144 pages un polar noir. Pourtant je ne le classerai pas dans cette catégorie car le récit encadrant est particulier et livre un autre regard sur ce qui nous est raconté. On ne sait qui parle dans le prologue et l'épilogue mais l'on se dit que ce témoignage est forcément en lien avec le récit central. C'est une description sans concession, comme si l'auteur estimait ne pas avoir à justifier son point de vue en nous livrant ce qu'il connait bien.
Le lecteur sera donc surpris par la réaction des personnages, le peu d'émotion et entrera ainsi de plein fouet dans une ambiance à des années lumière de ce que nous connaissons. C'est un constat de la violence qui règne au Guatemala, d'un régime politique dans lequel l'organisation militaire prédomine. Pas de solution pour en sortir, juste un regard.
Les personnages baignent dans un système où la justice ne fait pas loi. Je dois reconnaitre que Rastelli est particulièrement bien campé : laid, lui-même hors la loi, il ne se soucie que de lui-même et en devient proprement détestable. Il représente en revanche le rejet du pays qui l'a vu naitre.Il est probablement le plus désenchanté de tous.
La plume est donc acerbe, les phrases la plupart du temps courtes, sans fioriture, style qui colle parfaitement à l'intrigue. Le déroulement du récit révèle la corruption jusque dans l'adoption de l'enfant dont on découvre finalement la vie, bien loin de ce qu'elle aurait dû être au sein d'une famille aisée. On ne sait à qui se fier dans le roman comme dans la vie guatémaltèque. Rodrigo Rey Rosa alterne dans les chapitres les points de vue et dresse ainsi le portrait d'une société malade, gangrénée plutôt, où l'espoir est peu présent .
Le récit se lit vite, comme une nouvelle et l'on en ressort troublé. un récit court et désenchanté. Pari réussi pour l'auteur.
A découvrir.
Merci aux éditions Folio et à Livraddict pour ce partenariat.