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Plaisir en bouche, Béatrice Joyaud, éditions Gallimard, collection Folio Policier, 2001, 228 pages

Genre : roman / roman policier

Thèmes : restauration, plaisirs gustatifs, sens, crime, anthropophagie

L'auteur en quelques mots ...

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Née en 1970, Béatrice Joyaud est avocate d'affaires dans le domaine de la finance. Elle est l'auteur de Plaisir en bouche, son premier roman, et plus recemment de Cultivez votre enfant, de babar à Balzac ! guide qui répertorie les incontournables de la littérature jeunesse.

L'histoire

" Balthazar Chacun naquit dans une huître. Du moins, c'est ce qu'il crut pendant des années. Il était né dans une huître car, disait la gardienne de l'orphelinat avec un fort accent marseillais, "d'une huître, parfois, naît une perle".

Quinze ans plus tard, Balthazar s'enfuit de l'orphelinat et rencontre Helga dont l'oncle tient le restaurant Au toqué d'à côté. Commence alors l'aventure des saveurs, " on mangeait uniquement ce qui avait été cueilli, chassé et pêché au cours du week end précédent. le lièvre à la royale cuisiné par lui était une merveille de finesse. Il fondait dans la bouche et se mêlait intimement aux pommes de terre râpées, rissolées recouvertes de son sang, dans un brouet savoureux". Et l'oncle lui apprit tout ce qu'il savait jusqu'à ce que Balthazar entre dans une école nationale de gastronomie afin de se mesurer à d'autres jeunes chefs talentueux. Il excella, apparaissant comme le palais le plus sûr et le plus fin,"il était capable de restituer l'exacte composition du plat, en précisant les dosages de chaque ingrédient et d chaque épices au gramme près".

Il eut à mettre à profit son intelligence lors d'un conflit qui opposait les tenants de la cuisine française contre les restaurants étrangers et ceux qui, comme lui, pensaient que la cuisine française devait se nourrir de voyages. Une bagarre s'ensuivit, plusieurs blessés, ce qui lui valu quelques jours au mitard, "monotonie gustative" dont il sortit fermement décidé à monter sa propre enseigne. Cuisiner devait, pour lui, permettre de faire passer une idée. La cuisine pensée comme un art devint son cheval de bataille.

Durant des années il s'évertua à créer , innover, dans le restaurant qu'il dirigea avec Helga, Arthus. "Arthus cristallisait de manière aboutie le "misme", une tendance qui touchait la société en profondeur et qui consistait en une tentative de rechercher dans chaque chose son essence". Dans une société du XXII°S épurée, sans couleur, dans laquelle le Moi préfigurait le sens de la vie, artistes de tous poils proposaient une vision du monde des plus troublantes dans laquelle le dépouillement était le maitre mot. Balthazar fit des miracles dans ce domaine jusqu'au jour où il reçut une première lettre :"Ton restaurant est triste. Tes mets sont si fins qu'ils s'affadissent dans la bouche la plur sûre. Le décor de ton restaurant est si épuré qu'on ne peut y puiser l'excitation des sens préalable à une dégustation magnifique(...)".

Cette lettre fut la première d'une série qui poussa Balthazar au changement, toujours plus loin dans l'expérimentation du goût, jusqu'à en perdre son couple, ses valeurs et la raison.Ivre de découvertes, il se jette alors, inconscient des conséquences, dans une frénétique recherche de la perfection, guidé sans le savoir par l'auteur des lettres qui le mènera lentement mais surement à sa perte...

En vrac et au fil des pages

Il faut que je dise en préambule que la quatrième de couverture élogieuse qui rapproche ce roman du Parfum de Süskind, m'a fait miroiter un récit au-delà des mots, dans lequel je m'attendais à trouver des descriptions gastronomiques extraordinaires. Il est vrai que l'histoire tient dangeureusement de cette référence, non pas dans le domaine des parfums mais du goût. C'est un défaut à mon sens d'avoir rappellé ceci au lecteur, car la comparaison s'arrête là. On ne retrouve pas la plume fine , fluide et évocatrice de Süskind et les ressemblances, loin de créer du nouveau, sont lassantes. Ainsi en est-il de l'anthropophagie, du personnage capable de restituer la composition de tout met , apte à définir un être humain comme un ensemble de molécules par la seule sensation gustative de sa peau et puis la perte finale de tous repères qui mène à une fin inéluctable. Oui, on se serait douté qu'il y avait du Süskind là-dessous !

il aurait fallu miser sur l'originalité de l'histoire, menée par une série de lettres anonymes qui vont bouleverser la vie de Balthazar. Les éléments posés dans la première partie du roman comme autant de petits cailloux, prennent sens dans la troisième partie lorsque l'on découvre l'auteur des lettres, que le lecteur n'a pas vu venir. On y croit jusqu'à la fin, se demandant comment Balthazar va s'en sortir.

J'ai par ailleurs apprécié la référence à un nouveau courant de pensée, le "misme", décliné par Béatrice Joyaud dans tous ses détails artistiques. Cela m'a rappelé le roman d'Eric Emmanuel Schmitt Lorsque j'étais une oeuvre d'art. Cette société du XXII°S , en quête de valeurs nouvelles, qui se perd peu à peu dans le conformisme étonne et subjugue à la fois est le point fort du roman.

On revient toujours sur le problème de la classification. Ce n'est pas un policier à proprement parler puisque Balthazar n'engage son ami détective que fort tard afin de retrouver l'auteur des lettres. Balthazar devient le coupable à la toute fin... je ne sais pas, je suis toujours génée par les classifications.

Je regrette donc l'absence de descriptions suggestives, colorées, aussi savoureuses que les mets proposés ( celle que j'ai citée dans la première partie est la plus évocatrice, je n'en ai pas trouvé d'autre), un peu à la manière d'Agnès Desarthe dans Mangez-moi qui reste, pour l"heure, avec Suskind, ma référence !

Un bon moment de lecture donc, mais pitié ne lisez pas la quatrième de couverture !

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