Quelques-uns des cent regrets, Philippe Claudel
Quelques-uns des cent regrets, Philippe Claudel, éditions Folio, 2010, 181 pages
Genre : roman
Thèmes : deuil, enfance, souvenirs, regrets
L'auteur en quelques mots ...
Né en 1962 Philippe Claudel est écrivain et réalisateur. Agrégé de Lettres modernes il dispense des cours à l'université de Nancy à l'institut européen d'audiovisuel.Pourtant après un bac sceintifique, notre auteur a pris deux ans sabbatique au cours desquels il exerce de petits boulots . Puis en 1983 , après une sorte d'errance, il entreprend des études de littératures et d'histoire de l'art. Enseignant auprès f=d'enfants handicapés ou bien en milieu pénitentiaire, il sera marqué par cette expérience humaine. Nombreux sont ses écrits, romans, pièces de théâtres, scenarios; je n'en cite que quelques-uns : Le Café de l'Excelsior 1999, Les âmes grises en 2003 ( prix Renaudot), La petite fille de M Linh en 2005, Le rapport de Brodeck en 2007 (Goncourt des lycéens), Parfums en 2012. En 2012, sous couvert de Jorge Seprun, il rejoint l'Académie Goncourt. Parmi les adaptations cinématographiques ou les films : Il y a longtemps que je t'aime, césar du meilleur film et du meilleur second rôle, Tous les soleils. Trsè attaché à sa ville, Dombasle sur Meurthe, il y vit toujours.
L'histoire
"Je revenais vers des lieux engourdis, des paysages qui me parlaient au coeur avec l'accent trainard des peines jamais guéries". Le narrateur revient sur les lieux de son enfance à l'occasion du décès de sa mère. Le village, inondé par la crue du fleuve, lui apparait comme désolé et recèle en même temps les ombres du passé. "Ma mère était morte depuis deux jours. J'avais honte de ne pas être triste, et de ne pas avoir pleuré, tout en sentant au fond de moi-même une sorte de creux à vif qui ne cessait de grandir". Il porte pourtant en lui cette tristesse et le regret d'être parti trop tôt en abandonnant celle qui avait été tout pour lui, elle qui le cajolait et lui offrait mille présents, du simple sourire aux souvenirs impérissables. "Je suis né dans un très jeune ventre de seize ans (...) J'ai fait sombrer une enfant dans le monde des mères" et le secret qui entoure cette naissance.
C'est à seize ans qu'il découvre que la photo accrochée au dessus de son lit et qui était sensée représenter son père mort à la guerre, n'est rien d'autre qu'une image découpée dans un magazine. Dès lors, sans chercher à comprendre, et surtout sans laisser à sa mère le droit de s'expliquer, il quitte les lieux pour ne jamais revenir.
Aujourd'hui tout lui revient, les rires des camarades lorsqu'il allait se recueillir devant le monument au morts, les regards et les messes basses lorsqu'il passait avec sa mère et le souvenir de l'isolement dans lequel elle s'était enfermée, créant une bulle autour d'eux.
Autour de lui s'affairent des habitants qui portent eux aussi leurs fardeaux mais avancent, pleins de bons sens et qui seront ses guides durant ces quelques jours passés au pays de l'enfance.
"Ma mère est morte de ne m'avoir plus entendu".
En vrac et au fil des pages ...
Mary Cassat, Mère et enfant, 1897
Voici un merveilleux petit roman, qui se lit vite et laisse une douce tristesse flotter autour de lui. Dans les descriptions et les souvenirs j'ai retrouvé les mots de Claudel posés dans Parfums, des souvenirs d'enfance revisités par l'adulte qui veut retrouver une sensation.
Le roman ne donne pas la clé et l'on repart sans savoir qui était ce père dont on lui a tout caché. Pourtant plane au dessus de sa naissance l'ombre d'un grand mère effrayant et d'une grand-mère éteinte, peut-être porteurs d'un lourd secret.
J'ai aimé la façon dont l'auteur distille des éléments qui nous envoie sur des pistes abstraites, car le lecteur ne peut s'empêcher de mettre bout à bout les informations pour comprendre. Il en est ainsi de ce petit garçon qu'il découvre à son arrivée et qui lui ressemble lorsqu'il était enfant. Est-ce lui qui hante les lieux ? La réponse apparait à la fin !
Un récit tout en subtilité , sans pathos, avec, une langue riche et travaillée, faite d'images, de tournures poétiques et gourmandes qui collent à la terre de ce pays ,et qui doit son titre à une vieille légende que raconte l'oncle de l'aubergiste, selon laquelle "nous avons cent regrets, pas un de plus pas un de moins (...) et quand le centième est écrit sur le grand livre, on meurt"