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Sukkwan Island, David Vann, éditions Gallmeister, 2010, 200 pages

Genre : roman, drame

Thèmes : séparation, solitude, relations père-fils, Alaska, désespoir

 

L'auteur en quelques mots ....

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Né en Alaska en 1966, David Vann est un passionné des océans et de la navigation. il publie d'ailleurs dans des magazines comme The Atlantic Monthly ou Esquire. Auteur de plusieurs écrits, il vit en Californie où il anime des ateliers d'écriture et enseigne à l'université de San Francisco. Attiré par l'Alaska qu'il perçoit comme une terre mythique, il y place l'intrigue de son roman, Sukkwan Island.

Sukkwan island, sans être un roman autobiographique, lui a été inspiré par un drame familial survenu alors qu'il était âgé de 13 ans : le suicide de son père. David Vann explique que les liens entre sa vie personnelle et son roman ne vont pas plus loin tout en reconnaissant avoir insinué dans la deuxième partie de son oeuvre ce qu'il a lui-même ressenti à la mort de son père.

L'auteur parle de son écriture comme un exercice au plus près de l'inconscient, fait de découvertes surprenantes pour lui-même et, à fortiori, pour le lecteur !

L'histoire

Après une série d'échecs personnels, Jim décide de partir avec son fils de 13 ans afin de renouer les liens entre un père totalement perdu et son fils qui ne le connait que très peu. Une année sur une île sauvage, au coeur de l'Alaska, devrait leur permettre de se retrouver. " L'espace d'un instant, Roy eut la sensation de débarquer sur une terre féérique, un endroit irréel".Pourtant, sur cette terre à la fois fascinante et hostile , tous deux vont apprendre que la volonté ne suffit pas. Passée l'euphorie des premiers jours , ils se heurtent à des difficultés bien réelles. Abrités dans une cabane sans eau ni électricité, exposés aux dangers de toutes sortes ( climat, férocité des animaux), père et fils vont se découvrir à travers l'effort, la survie. Mais construire un abri pour la nourriture à la suite de l'attaque d'un ours, faire face à une tempête ne sont pourtant que les à côté de l'épreuve que subit Roy. Chaque nuit, en effet, Jim se laisse aller à pleurer, sous le regard inquiet de son fils. Jim est en proie à un désarroi dont Roy est témoin , lui qui a besoin d'un père sur qui il puisse compter. Peu à peu les défaillances de ce père vont devenir le seul horizon du jeune garçon qui deviendra son soutien, son espoir, le confident qu'il n'aurait pas dû être.

" Quelque part il y a eu un mélange de culpabilité, de divorce, d'argent, d'impôts et tout est parti en vrille.

Tu crois que tout est parti en vrille quand tu t'es marié avec maman ?

Son père le dévisagea d'un oeil qui prouva à Roy qu'il était allé trop loin.

Non c'est parti en vrille un peu avant je crois. Mais difficile de dire quand."

Pourtant les moments de complicité auraient dû porter ce duo: pêcher, fumer leur nourriture pour la conserver, découvrir la nature, s'apprivoiser ...  Jusqu'au moment où leur seul lien avec le monde, une radio maintes fois rafistolée, va leur apporter la nouvelle qui va tout faire basculer.

En vrac et au fil des pages...

Le roman est construit en deux parties. Je ne vous livre que la première puisqu'un basculement des plus surprenants nous fait entrer dans une seconde partie tout à fait sidérante. Je ne dévoilerai donc pas l'élément perturbateur mais plutôt l'ambiance créée par l'auteur.

La force du roman vient de l'écriture et de cette capacité de l'auteur à nous faire entrer dans le décor. Sous nos yeux un paysage extraordinaire, immense, sauvage, vivifiant et en même temps un isolement que l'on ressent dès les premières pages. La mise en scène joue sur tous les moyens d'enfermement : la radio qui ne fonctionne pas, l'avion de ravitaillement que l'on attend mais qui ne vient pas, la cabane qui de refuge devient un cercueil. Les deux personnages présentent un décalage qui laisse présager le pire. En effet, alors que le père devrait être un modèle et un soutien pour son fils, c'est ce dernier qui joue à plusieurs reprises le rôle de protecteur. L'épisode marquant de la première partie du roman dévoile au lecteur les failles de Jim : alors que père et fils cheminent dans le froid, Jim saute d'une falaise. Roy pressent immédiatement qu'il ne s'agit pas d'un accident mais que son père a bel et bien sauté. S'ensuit une longue description, haletante, au cours de laquelle il ramène son père dans leur cabane et attend, souhaitant par moment que ce père défaillant meure, qu'il soit enfin libéré de ce poids et puisse rentrer. En perte de repère Jim voudrait effacer le passé, retrouver son fils. Mais l'angoisse, la dépression le rattrapent. A chaque page l'on se dit que tout va bien se passer, qu'un changement va se produire et que cet épisode sera finalement une belle aventure humaine.

Pourtant c'est dans les tréfonds de l'âme humaine que nous conduit la seconde partie. L'on comprend alors à quel point la vie est fragile, combien les mots et les actes comptent, que l'on ait 13 ans ou 40 ans. Je dois dire que le personnage de Jim est extrêmement agaçant, mou. sans doute parce que l'on s'attahce davantage à Roy et que l'on comprend le désarroi qui l'envahit peu à peu.

Je pense que ce roman ne peut laisser indifférent. En revanche je ne suis pas certaine qu'il plaise à tout le monde, tant la violence sourde qui le sous-tend nous renvoie à notre propre fragilité. La première partie se lit avec un certain plaisir cependant, entre aventure dans le Grand Nord et drame familial. La seconde en revanche est plus troublante...un seul mot : Waouh ! C'est un choc, sans aucun doute.

L'on peut peut-être mieux comprendre ce qui a amené l'auteur à ce roman en lisant cette interview, pour moi très parlante, découverte sur le blog In Cold Blog.

Un peu comme un Pollock, ce roman dérange mais captive ...

L'avis des copinautes :

June parle du roman

La chronique de Felina


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