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Ulysse from Bagdad, Eric Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, 2012, 278 pages

Genre : roman

Thèmes : émigration, guerre, liberté, clandestin

 

Je ne présente plus l'auteur pour lequel j'ai organisé un challenge !

schmitt ee

 

L'histoire : " Je m'appelle Saad Saad ce qui signifie en arabe Espoir Espoir et en anglais Triste Triste.».

Saad vit à Bagdad, sous le régime de Saddam Hussein avec sa famille : ses parents et ses deux soeurs. Avec humour il raconte son enfance, son adolescence dans un pays opprimé dans lequel le peuple est maintenu dans une sorte de paranoia par le régime dictatorial en place. Amoureux de Leila, il en oublie presque le contexte difficile dans lequel éclot leur amour.  Elle rêve d'Angleterre, pays libre qui lui offrirait une vraie vie. C'est pourquoi lorsque l'immeuble de Leila est terrassé par un obus, Saad part en quête de lui-même. Plongé dans une profonde tristesse, il prend conscience du mal qui l'entoure et jette un regard amer sur son pays. Un pays "sauvé" par les américains qui ont permis la chute du dictateur Saddam Hussein ,mais en perte de sens. Un pays qui lui enlèvera son père, tué par des soldats américains apeurés face à "L'Arabe" , le martyr qui effraie, l'insoumis.

Ecoutant sa mère, Saad veut fuir Bagdad. En hommage à sa bien aimée défunte, il choisit Londres pour destination. Mais comment ? Les propos de son père, mal interprétés, le conduiront vers la branche extrémiste, le terrorisme, qui le révèlera à lui- même en lui montrant combien il est résistant à la souffrance, à la peur. Mais bien vite Saad abandonnera cette voie pour se diriger vers la filière clandestine, celle qui permet de franchir les frontières, de gagner sa liberté. A quel prix ? Trafic, racisme, pauvreté sont le lot quotidien de ces hommes qui aspirent à être libres.

Sur sa route il croisera Habib et Hakim, que son père qualifie de Lotophages et avec lesquels il goutera à l'opium pour vite en comprendre les méfaits. Mais c'est son amitié avec Boub (Boubacar) qui soulignera l'absurdité de l'administration et lui révèlera les réseaux clandestins dans lesquels chacun gagne sa vie comme il peut. Face au Docteur Circé, chargée de recueillir des informations afin de monter un dossier pour Saad et demander l'asile politique, il comprend les rouages infernaux qui asservissent les hommes et les maintiennent dans l'entre-deux, sans statut, sans papiers, sans identité.

A force de courage, de tenacité, Saad parviendra, guidé par l'espoir, au but ultime.

En vrac et au fil des pages : il est rare qu'un point négatif me dérange un peu dans un roman D'Eric Emmanuel Schmitt. Je commence donc pas cela, évacuant ce petit point noir ! J'ai trouvé que la vie de Saad filait à toute allure et ai regretté que certains points de sa vie à Bagdad notamment, ne soient pas plus approfondis. Il m'a semblé que les conditions des clandestins étaient un peu survolées, j'aurais aimé plus de détails sur ce point afin de comprendre leurs souffrances.

Cela étant, le roman reste plaisant, ne serait-ce que par ce petit plus qui fait tout son charme : les dialogues entre Saad et son père défunt, trucculents ! Cette pointe d'humour rend le roman très agréable et fait sourire parfois, malgré la dureté du sujet abordé. Le régime de Saddam Hussein lui, est parfaitement décrit. J'ai particulièrement apprécié de découvrir comment les bagdadis étaient maintenus dans une peur ou même une paranoia constante. Mais aussi comment les soldats américains, eux aussi marqués par la crainte, pouvaient réagir.

Le roman est présenté comme un conte moderne, c'est sans doute pour cela que l'histoire de Saad prend des allures surnaturelles par moments et que quelques clins d'oeil à la mythologie grecque parsèment le récit. Les lotophages soumis à l'emprise de l'opium, le docteur Circé mais aussi un cyclope, rappellent bien évidemment le périple d'Ulysse. Ici c'est l'espoir qui guide Saad et ces références ajoutent au caractère symbolique de la quête qui n'est pas seulement la sienne mais celle de tout homme désireux de gagner sa liberté.

Le roman a le mérite de nous alerter sur une situation que l'on a cru bien vite résolue. Faire tomber Saddam Hussein n'a pas résolu les problèmes de bagdadis mais les a plongé dans une autre situation où l'inconnu laisse la place à une autre forme d'oppression. J'ai été particulièrement émue par le face à face entre Saad et le docteur Circé, chargée de monter son dossier pour un asile politique, au cours duquel Saad découvre peu à peu que sa demande n'aboutira sans doute pas, l'Irak étant considéré comme "libéré" de l'opresseur. Un décalage entre le vécu des irakiens et la vision un peu simpliste des occidentaux...

C'est donc aussi un roman sur l"identité, la perception de soi, que nous livre Eric Emmanuel Schmitt. Un récit symbolique en somme, dans lequel on pourra trouver divers thèmes et qui plait pour diverses raisons, selon qu'on le lit comme un récit intiatique ou un témoignage.

Lu pour la Lecture commune organisé dans le cadre du challenge.

Rendez-vous ICI pour connaitre l'avis des participants

 

 

 

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