Pour l'atelier d'écriture de ce lundi, Leiloona a choisi une photo de Kot qui va parler à de nombreux participants à mon avis. J'ai hâte de lire ce que les copinautes imagineront derrière la vitre.

Deux minutes encore ...

Que lit- elle ? Par quelle héroïne, quelle intrigue est-elle ainsi happée pour ne pas même redresser la tête alors que son train est à l’arrêt ?

Le réconfort de la lecture, bulle silencieuse, sereine, ne s’explique pas. Un ailleurs parmi les autres, un cocon contre le bruit, un imaginaire qui la transporte. Son livre comme une aura , immatériel et vaporeux, la subjugue. Une porte. Je ne vois que cela et j’imagine sa vie, celle des autres, l’histoire qu’elle découvre. Emmitouflée, au chaud, protégée, elle ne craint pas le froid piquant de l’hiver. Isolée mais pas seule, en douce compagnie.

Tout s’illumine, s’anime. La vitre entre nous devient écran neigeux. Des milliers de gouttelettes captent la lumière criarde de la station et la transfigurent pour l’envelopper d’un doux halo. Si je la regarde encore un peu, fixement, tournera-t-elle la tête ? Pourrai-je la sortir de sa rêverie ou lèvera-t-elle vers moi un regard absent, encore plein d’une aventure que je devine ?

Non, ce n’est pas un récit d’aventures qui la retient ainsi. C’est autre chose. Elle tient son livre du bout des doigts, le repousse, le ramène à elle, envisage ses contours, son contenu, sa fin. L’histoire l’interpelle, la dérange peut-être, la frôle de sa délicatesse, la fait réfléchir. Sans doute sa propre vie lui apparaît-elle au fil des pages, identification bien naturelle à son âge.Les mots. Elle les soupèse, apprécie le style; peut-être entrevoit-elle le travail minutieux, l'horlogerie fine qui sous-tend ce récit.

Un court roman. Une nouvelle ? Brièveté d’un récit qu’elle aura fini en arrivant à destination. Elle l’a choisi court pour cela, pour connaitre la fin, tout en sachant qu’elle ne sera pas dérangée. Le trajet habituel et monotone deviendra pour elle souvenir de lecture. Le roulis la berce, les arrêts ne comptent plus. Juste le livre et elle. C’est entre eux que tout se joue désormais.

Quel souvenir gardera-t-elle de sa lecture ? La marquera-t-elle comme aucune autre ?

Devinera-t-elle que quelqu’un, sur le quai, l’a observée pendant quelques minutes, a imaginé sa vie ? Et moi, que ferai-je de cette apparition fugace, de ces deux minutes volées à la vie d’une autre avant de replonger dans ma lecture ?

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