Manderley for ever, Tatiana de Rosnay

paManderley for ever, Tatiana de Rosnay, éditions Albin Michel,2015, 444 pages

Genre : biographie romancée

Thèmes : enfance, famille, écriture, amours, lieux sacrés

 

L'auteur en quelques mots ...

retrouvez la biographie de Tatiana de Rosnay sur les billets suivants :

Rose

Boomerang

 

L'histoire :

Novembre 2013. Mayfair à Londres. Tatiana de Rosnay débute son périple sur les traces de Daphné du Maurier ici, au 24, là où est née l'écrivain en 1907.

Petite, dans cette grande maison familiale, Daphné est la petite sauvage de la fratrie, au contraire de sa soeur Angela qui semble apprécier els mondanités. Son monde à elle est en partie imaginaire, nourri par sa capacité à créer, à inventer, à animer ce qui l'entoure. A quatre ans, alors que Mlle Torrance lui demande si elle a déjà écrit, elle répond "oui, Jean dans les bois du  Monde". Peter Pan n'est jamais loin et son père, Gérald du Maurier, acteur qui incarne tour à tour M Darling ou le capitaine Crochet, l'entraine dans cet imaginaire que leur ami M Barrie a su si bien décrire.

Très jeune, elle découvre les origines françaises de son nom et n'aura de cesse de chercher avidement les pistes de cette lignée. Mais pour l'heure Daphné grandit en se disant que c'est vraiment une plaie d'être une fille ! Ses héros ? Long John Silver, Jim Hawkins, les héros de Stevenson. L'aventure l'attire et ses soeurs se plient aux rôles qu'elle leur assigne pour jouer de petites scènes inspirées de ses lectures. Mais c'est son personnage imaginaire masculin, son double , qui va guider ses jeunes années : Eric Avon. Grâce à lui elle osera goûter à l'amour avec une femme, Ferdie, qui la fascine. Mlle Yvon, la directrice du pensionnat à Meudon, est un de ces femmes qui aime avoir une petite cour autour d'elle et encourage les jeunes files à rivaliser pour elle. Daphné saura se faire accepter et devenir une favorite, puis une amie et une amante.

Lorsque l'inspiration lui vient elle est débordante, destructrice aussi. Guidée par le souvenir de son grand-père Kiki, ses lectures ( Les hauts de Hurlevent, Dickens, les soeurs Bronte), "Ecrire c'est rêver vrai". Il en sera toujours ainsi et Daphné du Maurier laissera toujours l'écriture guider sa vie, au détriment, souvent, de ses relations avec ceux qui l'entourent, veulent l'approcher. Au détriment même de ses propres enfants , petits. Une jeunesse placée sous le sceau de l'enthousiasme, des expériences. Egoiste bien souvent . Ses écrits, sombres, explorant l'inconscient humain, les pulsions, ne plaisent pas toujours. Mais qu'importe, c'est elle qui dirige, choisit et si on ne la comprend pas cela importe peu. Elle si enjouée parvient à faire ressortir dans ses récits ce côté obscur qui l'anime. Elle aime l'orage, la pluie, le vent, les falaises escarpées et les âmes brutes.

Son rôle de mère, elle l'assume peu et reconnait plus tard qu'elle a toujours accordé sa faveur à son fils et non à ses filles. Les garçons, la lignée sans doute, sont plus importants pour elle. Ses filles en souffrent-elles ? Sans doute mais elle ne peux réprimer ses sentiments, ses pulsions. car c'est ainsi qu'elle fonctionne, par pulsion, par instinct, par envie.

Il faudra attendre que la fougue s'éteigne un peu, que son rôle d'épouse la rappelle à l'ordre (elle est la femme du Général Frederik Browning) et que ses filles grandissent pour qu'elle se rapproche d'elles.

Mais la grande passion de Daphné du Maurier, outre l'écriture qui est à la fois drogue et source de vie, c'est cette maison qui l'obsède, Ménabilly et qu'elle n'aura de cesse de convoiter jusqu'à ce qu'elle lui soit enfin cédée pour 20 ans. Une maison qui inspirera Manderley dans Rebecca ...

 

En vrac et au fil des pages ...

 

Il est difficile de raconter une biographie. Mon résumé ne reprend que l'essentiel sans trop en dévoiler car cela gâcherait la découverte du livre de Tatiana de Rosnay.

Je préfère me débarrasser tout de suite de ce qui m'a dérangée dans cet ouvrage, de façon à garder le meilleur pour la faim ( comme une gourmandise !). Tatiana de Rosnay prend le parti de rédiger au présent, ce qui nous plonge au coeur de l'existence de Daphné du Maurier. Toutefois, force est de constater que cela n'est pas toujours heureux et donne par moment un effet catalogue, comme si les choses s'empilaient au lieu de s'enchainer. J'ai aussi regretté que la biographie ne s'arrête pas lorsque Daphné du Maurier déménage à Kilmarth, avant son déclin qui est ici rapporté dans une sorte d'impudeur qui m'a dérangée.

Cela étant, cette biographie est passionnante et l'auteur se fait discrète bien que présente dans son récit avec quelques chapitres consacrés à sa quête des lieux qui ont marqué la vie de Daphné du Maurier.

Dès les premières pages on comprend que la petite fille sera une femme forte, engagée, résolue. Son attachement à son père, sa maison, la marquent et feront d'elle ce qu'elle est devenue. Pour autant l'on ne peut s'empêcher de faire des parallèles entre son enfance et notamment sa relation à sa mère, et ce qu'elle renvoie plus tard à ses promres enfants. Le regard de sa mère, distant, peut-être par jalousie envers une relation père-fille exclusive, rapelle combien Daphné du Maurier montrera son amour à son fils alors qu'elle a toujours clamé ne pas vouloir de fille.

L'on découvre alors une face peu reluisante de l'écrivain, cet égoisme qui ressort et qui nous fait la critiquer par moment, alors même qu'on la trouve fascinante dans son affirmation de sa masculinité, ses parti pris affirmés, sans concession. C'est une forte personnalité, je dirais un personnage à elle seule, qui prend, grapille, profite, s'inspire et suit sa route.

L'on entre dans son univers par son code langagier, développé avec ses soeurs puis ses proches et qui permet les sous entendus mais aussi les secrets. Des secrets, certains plus lourds que les autres, qui ne sortiront même pas dans ses mémoires, elle qui a demandé à ce que son journal intime ne soit révélé que 50 ans après sa mort.

Le lecteur prendra plaisir à découvrir l'origine de ses romans, ses biographies, ses espoirs lors des diverses publications, les critiques acerbes qui ne manquent pas de l'égratigner, surtout depuis le succès de Rebecca, les adaptations cinématographiques ratées qui la mettent en colère mais aussi les succès qui l'encouragent. Désormais nous pouvons lire ses récits en sacant ce qui l'a inspirée, le slieux dans lesquels elle a écrit, les pulsions qui l'animaient et faisaient qu'elle devait écrire tel livre et pas un autre, quitte à choquer. On aimera le récit de ses voyages, son attachement à la France, terre de ses ancêtres, en Cornouailles mais aussi à l'Italie. Les lieux revêtent pour elle une grande importance, plus que les hommes.

C'est donc un récit passionnant, dans lequel on perçoit l'attrait qu'a pu susciter cette femme sur Tatiana de Rosnay, que je vous recommande vivement.

 

Manderley for ever, Tatiana de Rosnay
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