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Seventeen, Kenzaburô Ôé, éditions gallimard, Folio, 2011, 94 pages

Genre : nouvelle extraite de Faste des morts

Thèmes : adolescence, enrôlement, politique, Japon

 

 

 

Voici un livre que j'ai découvert grâce au billet de DarkHawk puis Choco.

 

L'histoire : un adolescent dont on ne connait pas le nom au début de la nouvelle fête ses dix sept ans. Mais ce qui aurait pu être un jour heureux laisse place à la rancoeur et la tristesse. A part sa soeur, personne ne pense à lui, personne ne lui souhaite un bon anniversaire. Seventeen, c'est un âge de transition, de perturbations. Seventeen, c'est un âge ingrat qui fait de cet adolescent une proie facile pour la moquerie des camarades, les railleries de sa soeur, l'indifférence d'un père dont il cherche pourtant la compassion. Terrassé par la peur de mourir, il vit ses angoisses physiquement. Omnubilé par son physique, son éveil sexuel, il passe son temps à se masturber en pensant à son univers sombre, encombrant. Ces instants où il est seul lui procurent la courte extase dont il a besoin pour vivre. Autour de lui l'indifférence l'accable. Lui si bon élève jusqu'à l'an passé se retrouve à rater ses examens. " Ah, si ce monde me tendait seulement un main que je puisse saisir avec simplicité, certitude et passion! ", "Certes, je suis un seventeen pitoyable et lais, mais le monde d'autrui m'a tout de même infligé un sort cruel, trop cruel". Mais se produit alors un changement aussi brutal que transcendant. Son ignorance de la politique , entre communisme et parti de droite, qui lui valait les reproches de sa soeur se mue en un intérêt soudain pour la société dans laquelle il vit. Influençable il se contente de répéter des phrases entendues mais se rend compte qu'il lui est possible d'émettre un avis en public et de tenir un discours cohérent . Comme lui les jeunes sont pris entre la volonté de vivre à l'américaine et d'en adopter le comportement et la voie nationale.Suite à une course à laquelle il participe et se ridiculise devant ses camarades, un élève connu pour sa verve l'approche et lui propose de rallier le parti de droite, "Tu sais, je fréquente de temps en temps un mec de droite qui fait des discours devant la gare de Shimbashi. Il m'a demandé de recruter des types pour faire la claque. Il faut surtout des élèves et des étudiants en uniforme". Cette soirée sera pour lui la révélation. L'on assiste alors à l'enrôlement d'un ado fragile que le système utilise à des fins de révolte et qui voit dans cette violence une possibilité d'être enfin reconnu. car l'essentiel est là : être reconnu par ses pairs, être apprécié, montrer qui il est , peu importe la forme que cela prendra, "j'ai frissonné, parcouru d'une joie violente et soudaine. J'ai atteint ma vérité ! Je suis de droite !". Il se met alors à lire Mein Kampf de Hitler, L'Absolutisme impérial et son influence de Tanigushi. "L'uniforme de l'Action impériale imitait celui des SS", "L'adolescent de droite que j'étais avait le droit d'exercer toute cruauté à l'égard des faibles"

 

En vrac et au fil des pages : le début m'a un peu décontenancée car Kenzaburô Ôé place le lectuer dans la peau d'un ado de dix sept ans,  jusqu'aux détails de ses activités sexuelles solitaires dont on pourrait se passer si elles n'étaient pas directement liées à son mental en déclin. Peu à peu se dessine sous nos yeux un jeune mal dans sa peau, en proie à de violentes angoisses sur la mort, la vie, son avenir, son impuissance face aux autres camarades qu'il méprise. Par une évocation du passé proche on comprend qu'il était bon élève mais s'est lentement laissé dériver.


On retrouve là les travers de l'adolescence qui peut frapper de plein fouet un garçon de cet âge. Toutefois les circonstances sont aggravées par une famille distante, proche de l'implosion, dans laquelle toute communication est rompue.

Lui, réclame l'attention si faible soit-elle, de son père. Un père qui ne dit mot, lit son journal et ne s'adresse à lui que pour évoquer des études qu'il souhaite honorables.

Seventeen, le terme est martelé comme une sentance. Peu à peu la haine, la colère, prennent la place de la rancoeur et de la honte. Il suffit d'une étincelle, d'un regard, d'une main posée sur son épaule pour que ce jeune influençable s'enrôle dans le parti de droite parmi d'autres au comportement extrême. Pour lui, qu'importe la cause, ce qui compte c'est d'être reconnu, d'avoir enfin une valeur aux yeux de quelqu'un.


J'ai été touchée par son évolution tout en rageant contre ces extrêmistes qui profitent de la faiblesse des adolescents. Kenzaburô Ôé fait lui- même référence à deux reprises au régime nazi de façon sans doute à frapper les esprits. Et cela fonctionne.


Il faut replacer l'action dans son contexte: les années 60 au Japon et un fait divers dont Kenzaburô Ôé s'est inspiré pour sa nouvelle: l'assassinat du chef de file du parti socialiste par un jeune militant d'extrême droite. La jeunesse de l'époque n'est pas épargnée, prise entre deux feu, et doit choisir son camp. Notre personnage oscille entre les idées des communistes et de l'extrême droite et ne choisit son camp que parce que le travail d'endoctrinement a été mené à son terme, le valorisant et lui permettant de trouver une "famille". A travers ce texte c'est une société désorientée que nous présente l'auteur.


J'ai retrouvé dans cette nouvelle le même principe que dans La Vague de Todd Strasser. Le genre choisi met d'autant plus en valeur le récit qu'il s'agit d'une nouvelle, nécessairement courte, qui entraine donc le personnage dans une fuite en avant qu'il ne maitrise pas.La violence est présente dès le départ, sourde, en filigrane avant de devenir explosive.


Je pense que ce récit peut faire réfléchir nos ados, encore aujourd'hui.

 Challenge Sur les pages du Japon, mois d'avril 2012

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