Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, Haruki Murakami
Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, Haruki Murakami
éditions 10/18 , 2012 (première édition 1992)
Genre : roman
Thèmes : amour, amitié, construction de soi
L'auteur en quelques mots ..
retrouvez la biographie d'Haruki Murakami dans les billets précédents :
L'histoire
"Petit, je ne supportais pas le terme de "fils unique". Chaque fois que je l'entendais, je prenais conscience de ce qui me manquait. Cette expression était comme un doigt tendu vers moi pour me dire : "Tu es un être incomplet".
Hajime revient sur son enfance dans une petite ville de province paisible. De la guerre, plus de trace à sa naissance en 1951. Et pourtant il sera enfant unique, comme une blessure de plus. Une vie de famille lisse, trop lisse sans doute puisque Hajime se sentait à part dans ce quartier où la plupart des familles élevaient deux ou trois enfants. Des amis, il en avait peu. Aussi Shimamoto-san, elle même fille unique, prit-elle une importance toute particulière dans sa vie. Amitié, amour, un lien fort se crée entre eux à cette période. Pourtant un déménagement les séparera à jamais. Comment poursuivre sa vie lorsque l'on se sent tronqué ? En oubliant sans doute, en tirant un trait et en se jetant dans une vie qui ne nous ressemble pas. C'est ce qua fait Hajime en choisissant des compagnes qui ne vont pas le construire mais que lui va blesser, jusqu'à Yukiko qui devint sa femme.
Hanté par ses actes égoistes et blessants, incapable de s'épanouir réellement sexuellement, Hajime se construit alors une vie de surface, avec femme et enfants, se laisse construire une carrière par son beau-père, profite mais ne vit pas réellement, jusqu'au jour où Shimamoto San réapparait ...
En vrac et au fil des pages...
Incroyable Murakami qui nous mène où il veut sans qu'on le voie venir ! ici l'auteur explore les arcanes de l'âme humaine, les recoins de l'inconscient comme pour nous dire : vous croyez comprendre hajime mais vous ne savez rien.
On retrouve l'écriture fluide, poétique et imagée propre à l'auteur. Toujours un petit air de musique, ce sera du jazz pour ce personnage dont on ne parvient pas à décider si on l'apprécie ou pas. On le prend en pitié, bien entendu. On espère un revirement, une prise de conscience de ses actes. Et en même temps Murakami a posé la blessure dès le départ : un enfant unique qui aura toujours du mal à trouver son âme soeur.
On le déteste bien sûr pour le mal qu'il faut aux femmes de sa vie. On l'excuse pour sa personnalité attachante, sa capacité de reflexion, son angoisse latente. On aime son amour inconditionnel pour Shimamoto san. Mais ce serait sans compter pour le petit côté fantastique que Murakami introduit toujours dans ses écrits, cette part inexpliquée qui vient surprendre le lecteur dans les dernières pages, mais je n'en dis pas plus.
Evidemment le processus est lent et l'on retrouve ici une particularité de la littérature asiatique, lente, précise, décortiquée et en même temps fugace, éphémère, suffisamment étudiée dans le cas de Murakami pour nous laisser un drôle de goût à la fin de la lecture.
Le lecteur d'ailleurs se fera un avis, laissé seul devant Hajime, sur la signification de la fin.
Une certaine fatalité pesante s'infiltre au fil des pages. Tout était-il prédestiné pour ce personnage qui ressent dès son enfance un manque cruel, un arrachement ? C'est l'histoire d'un désenchantement.