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La Mort du roi Tsongor, Laurent Gaudé, Actes Sud, 2002, 220 pages

Genre : roman

Thèmes : mort, deuil, bataille, femme, bravoure, honte...

Pour découvrir l'auteur, retrouvez les pages du challenge

defi Laurent Gaudé

L'histoire :

" Depuis plusieurs semaines, Massaba était devenue le coeur anxieux d'une activité de fourmis. Le roi Tsongor allait marier sa fille avec le prince des terres de sel." Pourtant, ce matin là, Katabolonga, fidèle serviteur du roi Tsongor, porteur du tabouret d'or, pressent que cette journée apportera la fin. "C'est pour aujourd'hui, mon ami". Lui qui s'est mis au service du roi quelques années plus tôt, un des derniers rampants, a juré que sa mort lui appartiendrait. Les années ont passé et un lien fort les unit. Pourtant le moment est venu et l'homme qui se présente au palais ce soir-là est porteur du malheur qui accablera la ville de Massaba durant de longues années. Sango Kerim est venu chercher son dû, honorer une promesse faite à la belle Samilia alors qu'ils étaient enfants. Lui qui a été élevé par le roi Tsongor comme s'il faisait partie de ses fils a parcouru le monde, s'est enrichi et peut aujourd'hui paraitre devant la cour et annoncer fièrement : "Je reviens pour elle. Nous avons fait un serment (...) Un serment que j'ai tenu contre moi durant toutes ces années d'errance". Kouame, prince des terres de sel est déjà là, impatient d'unir son peuple à celui du roi, d'épouser sa fille. Le vieux roi comprend alors seulement les paroles de Katabolonga : c'est aujourd'hui qu'il mourra. Mais avant il doit s'assurer que sa volonté sera respectée. A son jeune fils Souba il ordonnera de parcourir ses terres et d'y élever sept tombeaux à son image. A la fin de sa mission, Souba reviendra chercher le corps de son père et l'enterrera dignement dans le tombeau qui lui semblera le plus approprié. Aux prétendants il laisse sa dépouille et la volonté que sa fille n'épouse aucun d'eux. A katabolonga il laisse le soin de l'embaumer et de le pleurer, de l'accompagner dans sa dernière demeure au retour de Souba.

Mais de la mort il ne verra que le déchirement induit par son attitude, la guerre entre Sambo Kerim et Kouame qui aura raison de sa cité, Massaba, l'entêtement de ses fils dont chacun choisira son camp. Alors, lorsque tous se seront entredéchirés et que son empire ne sera plus que cendres,  la honte des Tsongor sera son dernier refuge ...

En vrac et au fil des pages

Ce roman m'a rappelé à la fois CRIS et Pour seul cortège, par le thème de la mort qui y est inscrit dès le départ et est ensuite décliné en de multiples voix et points de vue.

On retrouve ici la plume incantatoire de Laurent Gaudé qui lie le vivant et le mort, fait parler ses personnages de l'au_delà. Comme Alexandre le Grand, le roi Tsongor est à la fois généreux et guerrier, impîtoyable. La guerre est inscrite en lui et son empire a été bati sur le sang. Le lecteur est immédiatement plongé dans un monde qu'il connait mal, fait d'honneur et de rituels qui portent les hommes autant que les âmes. Le mythe tient une large place et l'on repensera à Troie assiégée, aux guerres déclenchées pour une femme...

Rapidement on comprend que le suicide de Tsongor était une erreur et qu'en fait de solution il ne lègue à sa famille que le malheur. Sa fille Samilia porte justement ce fardeau et sera comdamnée à l'errance alors même que le marcheur, Souba, sera la main de la délivrance pour son père mais non pour le peuple.

Certaines pages sont insoutenables de cruauté, comme cet épisode où Arkalas massacre Bandiagara comme la bête qu'il est devenu. La folie s'empare des hommes comme souvent dans les romans de Laurent Gaudé, mais elle touche ici au néant si bien que nulle autre solution ne s'offre aux hommes que d'aller au bout de la guerre, aussi absurde soit-elle. Je me suis demandé si ce n'était pas aussi un roman sur l'absurde justement. Car cela part d'un geste qui se voulait régulateur mais dérive rapidement dans l'horreur. Au final le lecteur ne trouve que ruines et se demande : pourquoi ? Quelle leçon tirer de ce massacre ? Et qui tirera cette leçon ?

L'image de la femme est multiple : guerrière en amazone derrière Mazébu, fière et résignée comme Samilia, porteuse du deuil comme les pleureuses que l'on retrouvera dans Pour seul Cortège.

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Tristesse rituelle et lamentations

Pourtant le roman s'achève sur une note lumineuse, un hommage à Samilia. Souba le bâtisseur a su dévoiler les mille visages de son père et est le seul capable de livrer un ouvrage symbolique à la femme qui est au coeur du récit. Comme dans CRIS où Jules érigeait des statues d'argile à la face du monde en mémoire des soldats tombés au front, le frère cadet élève ici un palais à celle qui ne trouvera jamais le repos et , à travers elle, à toutes celles qui cheminent, s'éprouvent.

C'est un beau roman tout en rebondissements qui relancent l'intérêt du lecteur. Puis l'on ne se lasse jamais de la plume ample , épique, de cet auteur, n'est-ce pas ?

      Lecture commune :

Angeleb n'a pas été convaincue par l'histoire mais a apprécié la plume de Laurent GAUDE

Achille49 a apprécié l'aspect tragique et puisant de cette oeuvre

Piplo a été emportée dès les premières pages grâce à Katabolonga

Rose a apprécié cette reflexion sur la nature humaine tout en regrettant certains discours grandiloquents

Alison a apprécié l'analyse de la guerre et le sacrifice

Stefiebo a été touchée par les personnages de Souba et Samilia





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