La Dame du manoir de Wildfell Hall

La Dame du manoir de Wildfell Hall, Anne Brontë, éditions Archipoche, 2012, 564 pages

Genre : roman

Thèmes : XIX°S, condition de la femme, mariage

 

L'auteur en quelques mots ...

 

Fille d'un pasteur anglican, Anne Brontë est née en 1820 dans le Yorkshire. Elle passe sa jeunesse au presbytère avec son frère et ses soeurs ainées, Emily et Charlotte. De ses années de gouvernante elle garde un souvenir marquant que l'on retrouve dans Agnès Grey. Elle meurt en 1849 de la tuberculose, peu de temps après son frère Branwell et sa soeur Emily.

C'est la déchéance de son frère qui lui a inspiré La Dame du manoir de Wildfell Hall, publié en 1848 sous le pseudonyme d'Acton Bell. Elle que l'on décrivait comme la plus douce et la plus religieuse de la fratrie, souligne ici combien la proximité de cette épreuve l'a bouleversée et marquée.

 

L'histoire

 

"Remontons si tu le veux bien à l'automne 1827". Ecrivant à son ami Halford, Gilbert Markham lui fait part de ses tourments depuis l'arrivée au manoir de Wildfell Hall de Mrs Grisham et son tout jeune fils Arthur. Il faut dire que la jeune femme a de quoi intriguer : sans époux, elle semble vivre recluse dans cette vieille demeure sans confort, vivant de la vente de ses tableaux.

Aussitôt les femmes du village, à commencer par la propre famille de Gilbert, se livrent à des suppositions qui ne tardent pas à se transformer en rumeurs à l'encontre d'Helen Grisham. Cette dernière, invitée dans la famille, se montre intransigeante sur l'éducation de son fils, qu'elle souhaite éloigner des tentations et vices qui dirigent les hommes. Ce faisant elle se met à dos le pasteur et alimente les on-dit. Comment une femme seule ose-t-elle proférer un discours aussi dur envers les hommes, protéger à outrance son fils, alors qu'il doit au contraire se confronter à la dure réalité de la vie ?

De là à penser qu'elle dissimule un secret, il n'y a qu'un pas, que franchissent les demoiselles de son entourage en lui élaborant une réputation des plus inconvenantes.

Gilbert, quant à lui, tout d'abord peu attiré par cette femme aux idées bien arrêtées, se laisse happer par sa personnalité et son érudition. Eliza Millward, qu'il courtisait jusqu'alors, lui apparait soudain bien fade et conspiratrice. Rapidement des sentiments naissent entre eux, que Mrs Grisham étouffe vite. Désormais, Gilbert n'aura de cesse de comprendre les raisons de cette attitude distante.

 

En vrac et au fil des pages ...

 

Je dois dire que ce roman ne laisse pas insensible. Que de fois j'ai eu envie de gifler ces personnages, les secouer un peu ! Au-delà de l'avant-gardisme passionnant de l'oeuvre, les circonvolutions de Gilbert et Helen, bien que révélateurs d'une époque, agacent. Mais c'est aussi le charme des romans victoriens où les sentiments sont passionnés, font se pâmer les dames, rougir les hommes. La patience est une vertu autant pour le lecteur que pour les protagonistes !

Aujourd'hui on deviendrait fou : "je ne peux accepter votre baiser Monsieur, même si j'en meurs d'envie, les convenances vous comprenez

- oh je comprends très bien et je mets mon coeur à vos pieds, j'attendrai des millions d'années s'il le faut

- oh Monsieur je m'en voudrais de vous faire attendre si longtemps, quelques milliers d'années devraient suffire ..."

Je me moque évidemment mais c'est à peu près ce qu'il se passe ! un charme surannée qui peut ne pas plaire.

Cela étant les remarques sur l'éducation des enfants, la place de la femme dans la société victorienne ( dont j'ai déjà parlé avec Jane Austen ou Anne Perry par exemple) sont ici mis à mal par un esprit émancipé qui n'a pas peur de proférer quelques vérités que tous n'entendent pas à l'époque. C'est sans doute pour cela que Anne Brontë a écrit sous un pseudonyme masculin. D'ailleurs une critique a affirmé que ce roman ne devait pas être mis entre les mains des jeunes filles.

La construction est surprenante et la forme épistolaire est vite oubliée car les lettres de Gilbert sont si longues qu'il s'agit de véritables romans à elles seules. Dans une deuxième partie, c'est le journal intime d'Helen Grisham qui nous est livré, où l'on découvre la dure vie qui l'a menée à fuir son époux pour se réfugier dans ce manoir.

Les hommes ne sont pas épargnés et la critique est virulente à l'encontre des méfaits de l'alcool et de l'attitude volage de Huntingdon qui représente ici une certaine image de l'homme à l'époque victorienne ( on rappellera que l'homme a le droit d'avoir des maitresses !)

Le roman  remet en cause les critères moraux de l'époque victorienne et mérite d'être découvert.

 

TitineCryssilda et Lou

Retour à l'accueil