La Meilleure d'entre nous, Sarah Vaughan
La Meilleure d'entre nous, Sarah Vaughan, éditions Prélude, 2015, 480 pages
Genre : roman
Thèmes : pâtisserie, concours, tranches de vies, années 60, émancipation, amour, estime de soi
L'auteur en quelques mots ...
Après des études d'anglais à Oxford, Sarah Vaughan s'est consacrée au journalisme. Elle a travaillé pendant onze ans au Guardian avant de publier La Meilleure d'entre nous, son premier roman. Elle vit près de Cambridge avec son époux et leurs deux jeunes enfants.
L'histoire
Qui saura incarner la nouvelle Mrs Eaden, célèbre auteur de « L’Art de la pâtisserie » en 1966 ? Le concours qui verra s'affronter les meilleurs pâtissiers amateurs est lancé. Cinq candidats, tous différents mais animés par une même passion, pâtisser, faire plaisir, nourrir leurs proches, se révéler à travers leur cuisine. Mais ce n'est pas tout ce qui les rapproche, en effet tous sont parents et vivent cette matermité ou paternité avec une sensibilité liée à leur vécu. Ainsi Claire, hôtesse de caisse, rêve-t-elle à des lendemains meilleurs pour sa fille qu'elle élève seule, Jenny se débat dans une vie de couple qui la laisse submergée et deux filles qui ne semblent pas percevoir son mal-être, Vicky doit jongler entre sa passion pour la pâtisserie et son amour inconditionnel pour son fils pour qui elle a arrêté de travailler, la culpabilité n'est pas loin, Mike, le seul homme du concours, veuf, élève ses enfants du mieux qu'il peut et Karen cache sous son vernis de femme parfaite une relation conflictuelle à elle-mème que semble avoir percé à jour son fils adolescent. Tous s'engagent dans le concours pour des raisons différentes mais vont découvrir bien plus que la pâtisserie de Mrs Eaden.
A des années de là, Kathleen Eaden a épousé un épicier dont la chaine de magasins est en plein essort. Désireuse de donner un enfant à George ,elle souhaite aussi écrire un livre, un incontournable de la pâtisserie qui regroupera ses meilleures recettes mais aussi techniques et savoir-vivre. Le rôle de la femme est d'accueillir son mari, de faire plaisir à ses proches et de nourrir ses enfants des meilleurs produits, un idéal qui ne correspond plus à l'époque du concours mais qui dirige la vie de Kathleen Eaden dans les années 60. Pourtant, après de multiples fausses couches, le vernis parfait craque : est-elle capable d'être mère ? Ne doit-elle pas tout abandonner pour se consacrer à la réussite de sa maternité ? L'on découvre peu à peu que la vie parfaite de Kathleen Eaden ne l'était peut-être pas tant que cela . Que se cache-t-il sous "L'Art de la pâtisserie" ?
En vrac et au fil des pages ...
Voici un roman comme je les aime, plein de gourmandises, d'attentions sucrées mais qui cache bien son jeu. Car si , en apparence, l'auteur reprend le concept de la téléréalité, les personnages choisis portent tous en eux une faille, une blessure que va révéler leur entrée dans le concours.
Ce concours d'ailleurs comporte une délicieuse saveur surannée, avec des pâtisseries d'une autre époque, un petit côté british à l'heure du tea time ( scones, sandwiches, sponge cake ...), ce qui nous éloigne de Top Chef ou du Meilleur Pâtissier.
La condition de la femme est comparée dans son évolution, des années 60 à nos jours, interrogations similaires, train de vie à l'opposé ou au contraire étrangement ressemblant. Du coup, cela pose la question de la maternité, de la relation de la femme au travail, de la culpabilité qui en découle quant à l'éducation des enfants. Car si certaines ont fait le choix de rester à la maison pour leur enfant, d'autres n'ont guère eu ce choix, d'autres encore ont vécu leur maternité de loin, sans implication, confiant à d'autres le soin de pouponner. Autant de cas qui nous interrogent sur notre comportement. Les hommes ne sont pas en reste et l'on découvre les multiples facettes des papas, de celui qui connait à peine son fils adolescent, à celui qui endosse aussi une part de féminité du fait de l'absence d'épouse, un autre se verra contraint de plonger dans les jeux de son petit garçon et adorera cela.
Le petit secret que recèle la vie en apparence parfaite de Kathleen Eaden vient ajouter un piment au récit et nous permet de voyager d'une époque à l'autre au fil des chapitres. Un zeste de citations qui feraient bondir aujourd'hui : " La confection du pain s'apparente beaucoup à la vie de la femme mariée : il vous faudra, à certains moments, prêter plus d'attention à votre pâte et lui témoigner de l'affection", " Je conviens que le pain requiert un certain temps de préparation et qu'il ne saurait être la priorité de la ménagère. Toutefois ( ...) quand vous verrez l'expression d'extase de votre mari ou le ravissement de vos jeunes enfants (...) vous comprendrez que le jeu en vaut la chandelle", " En pâtisserie l'organisation et la préparation sont de la plus haute importance (...) Ce même principe peut s'appliquer à l'existence. Prenez le temps de vous préparer, que ce soit pour un rendez-vous ou pour votre mari et vous récolterez les fruits de vos efforts". J'adore !
Bref, un roman riche qui nous parle de pâtisserie mais pas que !
Cela m'a rappelé Julie et Julia, un film que j'ai adoré