La Maison de Salt Hay Road, Carin Clevidence

La Maison de Salt Hay Road, Carin Clevidence, éditions 10/18, 2015, 336 pages

Genre : fresque familiale

Thèmes : famille, mariages, fratrie, patriarche, générations, ornithologie, drame

 

L'auteur en quelques mots ...

Carin Clevidence est née en 1967. Elle a grandi sur l’île de Long Island, « entourée d’eau et d’oiseaux », et vit désormais à Northampton, avec son mari et ses deux enfants. Après un diplôme en écriture créative à l’université du Michigan, elle écrit une série de nouvelles pour diverses revues aux États-Unis, telles que The Michigan Quarterly Review, The Indian Review, ou encore Story. La Maison de Salt Hay Road est son premier roman.

L'histoire :

 

Pasionné d'ornithologie, le jeune Clayton fait régulièrement l'école buissonnière, au grand damn de sa soeur Nancy, pour observer les oiseaux dans les marais. Ce matin là, lorsque l'explosion de l'usine de feux d'artifice retentit, il était pourtant en classe, rêvant aux oiseaux qu'il connaissait bien. De l'autre côté de la ville, son grand-père Scudder se réveilla en sursaut, pensant à une attaque allemande; Mavis, sa tante, "se prépara à rencontrer son créateur" et sa soeur fit une embardée à cheval. Toute le monde fut rapidement au courant de la catastrophe, des marins du port, aux habitants des villes environnantes.

Ce jour-là Nancy rencontra Robert Langdraff, adjoint du Muséum d'Histoire naturelle de Boston venu en repérage, et le présenta à sa famille, bien qu'elle ait honte de sa tante Mavis. Quelques années plus tôt Roy et Mavis avaient recueillis Clayton et Nancy dont la mère, Hélène, leur soeur, était décédée d'un cancer. Alors que le jeune garçon appréciait sa vie à Salt Hay Road, Nancy ne rêvait que de partir et montrait son hostilité envers sa tante.

La famille, ainsi recomposée, évoluait autour du patriarche, Scudder, ancien sauveteur en mer, au caractère bien trempé, qui observait tout d'un oeil attentif , à la fois revêche et bienveillant. Nancy était sa préférée. Il reconnaissait en elle cette fougue qui l'avait longtemps animé lui-même. Attaché à sa maison de Salt Hay Road, il avait vécu bien des histoires et se plaisait à raconter à son petit fils comment il avait vu flotter sa maison "l'eau qui éclaboussait les murs blancs et l'encadrement de la porte, tandis qu'un rideau jaune se balançait derrière une des fenêtres. Ça fichait un peu la frousse, avait-il raconté à son petit fils ; pas la maison elle-même, mais sa progression laborieuse quoique déterminée à travers les vagues."

La rencontre de Nancy avec Robert allait changer bien des choses, l'amener à Boston où sa nouvelle vie l'éloignerait de sa famille. A Salt Hay Road, les événements se succédèrent, chacun dut faire face à ses sentiments : Roy tomba amoureux pour la seconde fois et se remémora le drame qui avait failli lui coûter la vie, Mavis qui redoutait que son mari violent ne la retrouve, vivait dans la crainte depuis l'explosion et assimilait le gros nuage noir à un présage, Scudder ne se remit jamais vraiment du départ de Nancy et Clayton comprit le lien qui l'unissait à sa soeur seulement après son départ.

Lorsque l'ouragan les surprit à l'automne 1938, ils étaient en train d'apprendre à se connaitre...

En vrac et au fil des pages ...

Ce récit est l'histoire d'une famille, d'un drame et d'une maison qui apparait à elle-seule comme un personnage, lien entre tous les membres d'une famille fragile. Personne ne parvient à exprimer réellement ses sentiments et aucun ne peut dire qu'il connait vraiment l'autre. C'est que l'on ne se confie pas.

Nancy et Clayton font figure d'exception et ont nourri un lien fort au décès de leur mère. Pourtant, le départ de Nancy va rompre cette fusion et provoquer un raz de marée plus important que l'explosion de l'usine.

Il faut parfois s'éloigner pour comprendre, c'est ce qui va arriver à cette famille dont le patriarche a toujours plus ou moins guidé le parcours. Roy est le fils que Scudder n'a jamais vraiment compris, détestant le milieu de la mère que son père vénère. Mavis porte en elle une blessure liée à son mariage, ne laisse pas de place à un autre amour et vit dans la crainte que son mari la retrouve. Elle est aussi un ciment fort pour sa famille, les nourrissant au sens propre, créant ainsi un lien que Nancy appréciera de retrouver lorsque son univers s'écroulera.

Chacun comprend peu à peu ce qui les unit et le besoin qu'ils ont les uns des autres alors qu'ils pensaient s'affranchir de ce lien.

L'auteur nous fait découvrir un espace à la fois féérique avec ces marais ,ces espéces variées, et rude, avec ses ouragans, ses tempêtes qui n'épargnent personne. La guerre apparait en fond, comme une musique sourde qui génère de la crainte dans un pays qui ne sait comment sera perçu son engagement. Elle n'est pas traitée ici, comme si le lecteur était placé dans la position des personnages, sachant ce qui se passe en dehors du pays sans que cela n'affecte directement leur vie, mais redoutant tout de même une contre offensive allemande.

Comme souvent dans les récits américains, l'espace est un élément fort et essentiel qui crée une ambiance particulière, lente, un drame en attente.

L'écriture, aseez contemplative, s'attache à ce qui fait la beauté de ces paysages, aux sentiments qui animent les personnages, avec douceur, et nous guide vers le drame.

Encore un très bon récit que je vous invite à découvrir.

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