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La Petite fille qui aimait trop les allumettes, Gaëtan Soucy, coll Boréal Compact, 2000, 182 pages

Genre : roman

Thème : abandon, deuil, réclusion, liberté, enfance, violence, quête de soi

L'auteur en quelques mots ...

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Né à montréal en 1958, Gaëtan Soucy se lance dans des études scientifiques puis littéraire et obtient une maitrise en Philosophie au cours de laquelle il produit un mémoire sur la théorie transcendentale des sciences dans la philosophie critique kantienne. Amoureux du Japon il s'y rend régulièrement et entame une étude pousssée du japonais. En 1994 il publie l'Immaculée conception, connu en france sous le titre 8 décembre, qui lui vaut un prix littéraire d ela ville de Chambéry. 1997, L'Acquittement lui permet d'obtenir le prix de la ville de Montréal, puis 1998 La petite fille aux allumettes qui est un vrai succès. Il se lance alors dans le théâtre avec Catoblépas puis revient au roman avec Music-Hall en 2002. Il est aujourd'hui reconnu comme un grand écrivain au niveau international.

L'histoire :

A la mort de leur père, qu'ils retrouvent pendu un matin, deux adolescents doivent apprendre à se débrouiller seuls. Mais comment s'y prendre et par quoi commencer alors que leur père les a toujours maintenus dans son domaine, isolés du monde ? Leur éducation s'est faite essentiellement par les livres, notamment les saintes écritures dans lesquelles le père trouvait les leçons de vie à respecter et les romans de chevalerie qui donnent une image idéale de leurs semblables aux jeunes gens.

Le narrateur se lance alors dans le récit de ces quelques jours qui ont suivi la mort de leur père et qu'il consigne dans son grimoire, en bon "secrétarien" qu'il est. Persuadé d'être le plus intelligent des deux, il prend en charge les démarches qui vont le mener vers le village attenant au domaine, lieu "au-delà de la pinède" qu'il n'a jamais vu et qui ne représente pour lui qu'un lieu inconnu dans lequel évoluent des hommes, "des saintes vierges et des putes". Il espère trouver là une boite à trous, autrement dit un cercueil pour son père. Cette vision sommaire de la civilisation lui vaudra bien des surprises :"Rien n'était conforme à ce que j'avais imaginé du village", il s'attendait à découvrir "quelque pont levis avec des tapis volant circulant au dessus comme des mouches à feu du Japon, à des sandales, à des brebis, à des armures étincelantes comme celle de la pucelle, à tout le moins, mais ce n'étaient que des maisons analogues à la nôtre...". Cependant,  la plus grande surprise, sans doute, sera d'apprendre qu'il n'est pas un garçon comme le lui a toujours signifié son père en parlant de "ses deux fils" mais bien une fille. Une fille qui ne laisse d'ailleurs pas indifférent l'inspecteur des Mines qui se sent aussitôt investi d'une mission et souhaite la prendre sous son aile. Désormais il (elle) doit apprendre à composer avec ses "semblables" dont les idées saugrenues le surprennent et qui ne semblent pas toujours entendre ce qu'il a à leur dire.

Les villageois ne sont pas moins terrfifiés d'apprendre que le plus grand propriétaire minier de la région vivait là avec ses enfants, véritables sauvages qu'il maintenait reclus et envisagent d'envahir la propriété. Lorsque le responsable des Mines entre dans le domaine, c'est tout un monde étrange et effrayant qu'il découvre : une vie hors du monde, hors du temps où la folie l'emporte sur le bon sens. L'horreur de la situation lui apparait lorsqu'il découvre la créature que le narrateur nomme "Le Juste Châtiment" .Alors tous les éléments d'un lourd secret de famille se mettent en place.

Alors que son frère se lance dans la fortification du domaine , le narrateur se réfugie dans le hangar où il(elle) poursuit l'écriture de son récit en même temps que la quête de son identité, avant que n'advienne la fin ...

En vrac et au fil des pages:

Voici un roman étonnant, tant par le propos que par le style, la langue pétillante et enlevée, le vocabulaire fleuri. Même si j'ai eu du mal à entrer dans le récit qui me semblait un peu farfelu, sans queue ni tête, j'en ai vite compris les tenants et les aboutissants et me suis laissée porter par cette histoire à la fois poignante et tragique.

L'intérêt du récit réside dans la narration à la première personne qui permet de reconstituer le passé des deux jeunes gens et en même temps nous oblige à entrer dans leur raisonnement. Le lecteur doit alors oublier toutes ses connaissances pour accepter des mots nouveaux, des images surprenantes, l'histoire d'une jeune femme qui croyait jusqu'alors être un garçon car a été élevée comme tel et qui va de découverte en découverte avec le vocabulaire qui est le sien, à la fois pauvre et tellement riche puisque concret, mélange de tournures anciennes héritées de ses lectures des Mémoires de Saint Simon et d'un lexique populaire.

Il est très difficile de parler de cette lecture tant elle est surprenante. Le roman est basé sur un drame, une tragédie qui, lorsque nous sommes en mesure de tout reconstituer, permet de comprendre la folie qui entoure le récit. Mais ce drame est dévoilé par bribes et du point de vue de la jeune femme qui ne comprend pas tout, ne peut l'expliquer et a même du mal à le verbaliser avec les mots qu'elle connait. Ainsi est dévoilée toute l'horreur de la situation à travers un récit teinté d'humour où les quiproqos et jeux de mots font la part belle au lexique.

C'est aussi un roman sur la quête d'identité dans lequel on retrouve les éléments du conte ( la forêt fermée, sombre, le village ouvert qui représente l'autre monde, le passage de l'adolescence à l'âge adulte, le père dominateur et le discours très masculin). La place de la femme y est soulignée lorsque libérée de l'emprise qu'avait sur elle son père, la jeune femme s'émancipe et comprend à la fin tout le poids de l'éducation qu'elle a reçue.

 

Merci à Isallysun pour m'avoir fait découvrir ce livre et à Sunflo pour le challenge !

 

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