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Du Domaine des murmures, Carole Martinez, éditions Gallimard, Folio, 2011, 226 pages

Genre : roman historique

Thèmes : solitude, réclusion, naissance, destin de femme, pélerinage, Croisés, Terre sainte

L'auteur en quelques mots ...

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      Née en 1966 en Moselle, Carole Martinez,s'est lancée dans une carrière de comédienne puis de professeur de françaçs avant d'entrer en écriture. Auteur de livres jeunesse ( Le Cri du livre) mais aussi d'un premier roman qui a eu un certain succès ( Le Coeur cousu) , elle nous livre ici un roman qui a été primé par le Prix Goncourt des lycéens 2013 et le pris Marcel Aymé 2012. Ses fictions proposent une part d'imaginaire, de légende qui font son succès.

l'histoire

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(Croisade en Terre Sainte)


" Je suis l'ombre qui cause.

Je suis celle qui s'est volontairement clôturée pour tenter d'exister.

Je suis la Vierge des Murmures"

Esclarmonde, magnifique jeune femme de quinze ans qui fait la fierté de son père par sa beauté et sa grâce, se voit promise à Lothaire, vaillant chevalier adoubé, fils du seigneur de Montfaucon. Pourtant Lothaire est de ceux qui ne respectent pas les femmes et jouit de son statut d'homme à une époque où les vierges sont convoitées comme un trésor. Pourtant, le jour des noces, Esclarmonde ose défier l'autorité de son père et refuse d'épouser Lothaire." Sachant qu'un tel acte ne me serait pas pardonné, j'ai sorti le petit couteau que je tenais caché sous ma robe d'apparat et, prenant pour modèle Ode, la future sanctifiée, je me suis tranché l'oreille. M'adressant alors à l'archevêque, j'ai déclaré que je m'étais offerte au Christ (...)"

Voici comment Esclarmonde, fille du seigneur des Murmures, décida d'être emmurée en un logis qui serait aussi sa tombe, rejetant les conventions , offrant par la prière un réconfort et un espoir aux hommes de son temps, observant le monde par une fenestrelle et accompagnant les Croisés en Terre Sainte par la pensée. Car tous désormais viennent la voir, entendre ses prophéties et comprendre pourquoi, depuis qu'elle est recluse, plus personne ne meurt dans la seigneurie.

Pourtant la réclusion solitaire à laquelle elle était préparée va lui réserver  une étonnante découverte, elle qui pensait vivre seule dans son repaire ...

A travers les âges Esclarmonde s'adresse à nous, "je suis Esclarmonde, la sacrifiée, la colombe, la chair offerte à Dieu, sa part". Car le fardeau est trop lourd à porter et la parole libèrera le secret. "Ecoute !"

En vrac et au fil des pages

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J'ai beaucoup apprécié cette lecture, coup de coeur lu en une soirée tant le style et le récit nous emportent.

Il faut dire que j'étais toute acquise à la cause d'Esclarmonde puisque son histoire nous est rappportée depuis le XII°S, siècle que j'affectionne . Les données historiques concernent essentiellement la croisade, la religion ou la condition des femmes , mais aussi la vie au chateau. cependant, en filigrane, plane la légende de la Dame verte qui confère au récit une dimension merveilleuse et courtoise. On nous parle ici de pouvoir : celui des hommes, de la religion mais aussi de la pensée.

Je parlerai tout d'abord du registre épique et poétique de ce récit qui permet de belles envolées littéraires. J'ai retrouvé par exemple ce registre incantatoire qui me plait chez Laurent Gaudé .Il s'agit cependant ici d'un style très féminin qui sied à merveille à l'histoire d'un sacrifiée , d'une femme forte pourtant qui a accepté, comme d'autres, de se retirer du monde afin d'offrir son âme, ses prières à Dieu. A une époque où les Croisades emportent les hommes loin de leurs terres, en un territoire inconnu et brûlant, ce voeu pieux n'étonne pas et est un signe de sainteté admiré de tous.

Pourtant la violence n'est pas uniquement située en terre sainte et l'on découvre peu à peu le terrible secret qui unit le père et sa fille. Les portraits d'hommes proposent un angle intéressant et des profils variés : le violent, le repenti, le courtois ...

Imaginer un récit qui propose un huis clos n'est pas évident et le lecteur pourrait se lasser. Pourtant Carole Martinez maintient notre attention par quelques petites mises en scènes bien pensées : la fenestrelle qui permet à Esclarmonde de découvrir le monde du chateau, sa vie animée, ses intrigues; la médiation et la transe qui la transportent vers son père, parti en terre sainte aux côtés de Croisés; les retours sur sa vie qui permettent d'assembler les pièces du puzzle.

Les personnages sont attachants et, bien que la fin nous soit annoncée, on se surprend à espèrer que la jeune femme sorte de sa réclusion. Acceédant au rang de Sainte, elle devient une icône que ses contemorains ne voient plus comme un femme, ce qui causera sa perte.

La particularité du roman tient à ce qu'une autre voix s'élève au début et à la fin du roman, qui replace ce récit dans notre réalité en dévoilant une inscription ancienne "En cet an 1187, Esclarmonde, Damoiselle des Murmures, prend le parti de vivre en recluse à Hautepierre...".

Le seul petit défaut pour moi est une volonté d'érudition qui amène parfois l'auteur à inclure un paragraphe explicatif au milieu d'un récit fluide, coupant le rythme de lecture. Une note en bas de page aurait sans doute permis de palier cet inconvénient car, prise dans ma lecture, j'aurais aimé ne pas interrompre le voyage !

Cela reste un belle lecture , à découvrir absolument :)

 

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