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Freedom, Jonathan Franzen, éditions de l'Olivier, traduit par Anne Wicke, 718 pages

genre : roman

thèmes : chronique américaine, famille, amérique de G W Bush, solitude, dépression, voisinage, adultère

 

 

L'histoire : Le roman s'ouvre sur un prologue :"De bons voisins" ,qui plante le décor d'une banlieue américaine, Ramsey Hill, dans laquelle se cotoient, s'épient, de "bons" voisins. Walter et Patty Berglund qui avaient pourtant inauguré ce quartier de St Paul des années plus tôt, ont quitté, apprend-on,  l'endroit mais ont laissé dans leur ancien lieu de vie un souvenir mitigé. L'auteur nous livre la fin de l'histoire, sombre et entreprend dans les chapitres suivant de remonter le fil de la vie du quartier, de ses habitants, des relations de voisinage afin que l'on comprenne comment une femme aussi épanouie que Patty Berglund a pu laisser se dégrader les choses au point de voir son propre fils partir vivre chez ses voisins ou son mari s'absenter pour éviter de cotoyer l'épave qu'elle est devenue.

Aussitôt "l'autobiographie de Patty Berglund", deuxième chapitre du roman, nous dévoile une jeune athlète passionnée de basket ball, qui trouve dans ce sport autant un moyen de s'accomplir que d'échapper à sa famille. Issue de Westchester, elle est l'ainée de quatre enfants mais n'a su trouver sa place auprès de ses parents qui ne jurent que par ses frères et soeurs en qui ils placent tous leurs espoirs. Sans doute à cause de cette situation familiale, Patty a du mal à rencontrer des amis posés et est irrémédiablement attirée par les marginaux, les écartés de la société ( Carter, Eliza) ou du moins ceux qui ont du mal à trouver leur place. Sa meilleure amie Eliza  lui voue un culte malsain, obsessionnel que Patty ne perçoit pas dans sa naiveté et qui laissera dans sa vie des traces. En amour, elle ne parvient pas à se trouver, irrésistiblement attirée par un rockeur, Katz, dont l'opinion sur les femmes le contraint à les utiliser uniquement à des fins sexuelles, mais qui la repousse par respect pour son meilleur ami, Walter. Ce dernier, éperdument amoureux de Patty, ne cesse de la combler et d'accéder à ses désirs, souffrant intérieurement de son attirance pour Katz. Le jour où Patty décide de provoquer une aventure avec Katz signe aussi la fin de ses illusions. Elle se réfugie alors dans les bras de Walter, qu'elle épousera par défaut et avec lequel elle aura deux enfants. Le roman nous livre alors le portrait d'une femme, une mère épanouie au départ puis désabusée, perdue, qui ne peut se résoudre à cette vie qui ne la comble pas. Comment avancer dans la vie lorsque l'on a l'impression que notre chemin fut une accumulation d'erreurs? Pourquoi n'a-t-elle pas su trancher au bon moment et choisir Richard Katz au lieu de Walter ? Autant d'interrogations qui rythment le récit et les hauts et bas de Patty.Chaque chapitre met en scène un point de vue différent en présentant un à un les personnages et en faisant de Patty le centre , le fil conducteur, le lien qu'elle aurait aimé être. De désillusion en adultère, cette chronique nous livre l'histoire d'une famille déchirée, incapable de communiquer sereinement et dont les membres sont terriblement centrés sur eux-mêmes. Mais c'est aussi un chassé croisé de destins qui ne parviennent pas à s'accomplir dans une société qui ne les reconnait pas ou ne leur laisse pas la liberté dont ils rêvent.

 

En vrac et au fil des pages : je dois dire que je reste sur ma faim avec ce roman dont j'avais lu beaucoup de critiques élogieuses. Malgré le pavé que représentent les quelques 700 pages, je suis partie confiante mais me suis essoufflée dès les 200 premières pages. Le récit ,le rythme, m'ont semblé pesants.

 

Sans doute la traduction y est-elle pour beaucoup. Certaines phrases sonnent faux ce qui ne correspond pas avec les critiques qui annoncent un style élégant. Je dois dire que les longues descriptions ou réflexions politiques m'ont profondément ennuyée, ainsi le passage où Walter entreprend de convaincre son ami de toujours de travailler avec lui et où il lui expose une théorie écologique qui pourrait sauver un oiseau en voie de disparition mais qui le contraint à accepter des compromis douteux et, pour le coup, bien loin de ses convictions. A ce stade de ma lecture je me suis fait la remarque suivante : l'auteur fait se croiser deux préoccupations majeures dans son roman mais ne parvient pas à les articuler si bien que les deux semblent s'entrechoquer au lieu de s'accompagner. Ainsi le destin de ses personnages se voit-il lié à la politique par un lien qui peut parfois sembler artificiel. Autant les parents de Patty me semblent cohérents dans leurs réactions, autant les théories politiques de Walter et son obsession pour la surpopulation me semblent -elles plaquées sur le récit.

 

En revanche les freins, les contraintes qui enferment les personnages dans une vie étriquée transpirent dans l'écriture. Chaque tentative de qui que ce soit pour se faire sa place dans cette société est mise à mal ou dévoyée. Le sentiment pesant qui avilie les personnages se transmet au lecteur. Mais à mon sens tout cela traine en longueur et je ne vois d'autre raison d'étaler le récit sur 718 pages que pour lasser le lecteur comme les personnages sont eux-même lassés de leur propre vie, lassés de se débattre ou de ne pas parvenir où ils veulent. Dans ce cas nous sommes mis dans l'ambiance rapidement et le coup est réussi. Les personnages ne peuvent s'élever malgré leurs rêvent et l'on ressent vivement cette chape de plomb qui les recouvre.

 

Les portraits présentés ne nous sont pas inconnus alors où est l'originalité ? peut-être dans la structure des chapitres qui présente une petite pépite : une autobiographie à la troisième personne ! Ainsi Patty parle-t-elle d'elle en prenant cette distance, ce recul qui lui permet des réflexions plus censées sur son adolescence, sa jeunesse, "L'autobiographe, soucieuse de son lecteur et de la perte qu'il a subie, soucieuse aussi q'un certain type de voix ferait mieux de s'abîmer dans le silence face au caractère de plus en plus sombre de la vie, a déployé tous ses efforts pour tenter d'écrire ces pages à la première et à la deuxième personne. Mais elle semble condamnée, hélas, entant qu'écrivain, à rester une de ces sportives qui parlent d'elles à la troisième personne".

 

12 d'ys

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